Correspondance, 1812-1876. Tome 1. Жорж Санд

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Correspondance, 1812-1876. Tome 1 - Жорж Санд

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flots capricieux, aux vents impétueux et au savoir chanceux d'un pilote expérimenté. Priez pour nous, saint homme, vieillard austère et séraphique! Si nous périssons dans cette lutte, je vous promets d'aller vous tirer par les pieds. Vous verrez mon ombre pâle, couronnée d'algue verte et sentant la marée à plein nez, errer autour de votre lit et chanter comme une mouette pendant votre sommeil. Alors, pieux cénobite, dites le chapelet à mon intention et répandez de l'eau bénite autour de vous.

      Si pourtant, comme je l'espère, une destinée moins poétique me ramène saine et sauve à l'hôtel de France52, je partirai peu de jours après pour Guillery, où je vous prie de m'adresser votre réponse et celle de ma petite Félicie, à qui je vous prie de remettre en particulier la lettre ci-incluse.

      Nous avons ici M. Desgranges53, que vous connaissez je crois. Plus, l'avocat général54, qui me charge de vous-dire mille choses affectueuses et obligeantes.

      Plus, une douzaine de parents ennuyeux; plus, deux ou trois autres amis fort aimables qui ne nous quittent pas. Le temps vole trop vite au milieu de ces distractions, qui me remontent un peu l'esprit.

      Il faudra pourtant reprendre le cours tranquille des heures à Nohant. Ce n'est pas que je m'en inquiète beaucoup: j'ai, comme vous, bon père, un fonds de nonchalance et d'apathie qui me rattache sans effort à la vie sédentaire, et, comme dit Stéphane, animale.

      Ah çà, que faites-vous? N'êtes-vous pas un peu fatigué d'affaires et n'aurez-vous pas quelques jours de liberté? Vous savez que vous vous êtes formellement et solennement engagé à venir vous reposer près de nous, dès que vous en trouveriez la possibilité. Je désire vivement que ce temps arrive, et, en attendant, j'ai l'honneur d'être, ô vertueux père de famille, votre fille et amie,

      AURORE.

      Casimir vous embrasse et vous prie de vous occuper de son affaire, je ne sais laquelle.

      XXVIII

      A MADAME MAURICE DUPIN, A PARIS

      Bordeaux, 11 juin 1829

      Dites-moi donc, ma chère petite mère, ce que c'est que cette histoire de naufrage qui m'a frappée dans mon enfance et qui s'est passée, autant qu'il m'en souvient, aux lieux où je suis? Je vous vois encore tout effrayée; je me rappelle mon père se jetant à l'eau pour sauver son sabre, après nous avoir mises en sûreté; puis les jurements des matelots; puis l'eau qui entrait dans l'embarcation.

      Veuillez me raconter tout cela, afin que je comprenne ce qui m'est arrivé et que je puisse me vanter d'avoir couru un fameux danger. Ce sera d'autant plus nécessaire à ma gloire, que, dans l'expédition que je viens de faire, je n'ai pas eu la satisfaction de la plus petite tempête.

      Vous qui avez été partout, vous connaissez la tour de Cordouan, seule sur un rocher au milieu de la mer, vis-à-vis des côtes de la Saintonge et de la Gascogne. On prétend que c'est un voyage difficile et dangereux; et voyez comme c'est vexant: pour une fois que nous y allons, les vents sont favorables, les flots dociles et les pilotes excellents! Enfin l'humiliation a été complète, aucun de nous n'a eu le mal de mer, et nous sommes revenus aussi sains, aussi gais (je ne dirai pas aussi frais, car nous étions noirs comme des Cafres et rouges comme des Caraïbes), en un mot aussi dispos que si nous eussions fait un tour sur le boulevard de Gand.

      Un succès aussi facile me donne une fière envie de faire le tour du monde sur un navire, et d'aller à la Chine comme qui prend une prise de tabac. Ne vous effrayez pourtant pas trop de ce projet, et ne croyez, pas qu'au premier jour vous allez recevoir une lettre de moi datée de Pékin. Pour le moment, je tâcherai de me contenter des pékins qui m'environnent, et, dans un mois au plus, je reverrai Nohant, qui a bien aussi ses Chinois et ses magotes.

      Hippolyte me mande que vous avez presque le projet de venir à Nohant cet été. Dieu vous maintienne dans cette bonne idée!

      Adieu, chère maman; je vous embrasse; mais non, je n'en suis pas digne, je baise votre pantoufle.

      XXIX

      A LA MÊME

      Nohant, 1er août 1829.

      Ma chère maman,

      Je suis enfin de retour et Hippolyte est près de moi avec sa famille. Sa femme est bien fatiguée; mais j'espère que quelques jours de repos la remettront. J'ai passé chez ma belle-mère quinze jours fort agréables, qui m'ont rétablie à peu près. J'en avais grand besoin, j'étais souffrante jusqu'à perdre patience; malgré cela, je me félicite de mon voyage, et, sauf le dernier mois que j'ai presque entièrement passé dans mon lit, mon séjour à Bordeaux m'a offert beaucoup de plaisirs de mon goût, c'est-à-dire point de monde et beaucoup de courses.

      Je n'en ai pas moins eu un plaisir infini à me retrouver chez moi avec tous ceux que j'aime. Il ne nous manque que vous pour être parfaitement heureux.

      Nous goûtons dans tout son charme le calme de la vie paisible et retirée; nous n'avons pas d'importuns, pas de faux amis, du moins nous le croyons ainsi. Nos jours s'écoulent comme des heures, et sans que rien pourtant en interrompe l'uniformité. Cette paix profonde est fort du goût de ma belle-soeur. Hippolyte s'en arrange aussi, parce qu'elle lui donne une liberté parfaite, qui est son essence. Il monte beaucoup à cheval. Nous voyons toujours nos anciens amis; mais j'ai retranché tout doucement beaucoup de mes relations. J'étais très fatiguée, je pourrais même dire ennuyée, de voir autant de monde. Une société nombreuse et superficielle n'est pas ce qui me convient, et je crois que vous êtes tout à fait de mon avis, qu'il vaut mieux le coin du feu qu'un panorama de figures toujours nouvelles qui passent sans qu'on ait eu le temps d'apprécier leurs qualités et leurs défauts. Je m'en tiens donc à deux ou trois femmes sur l'amitié desquelles je puis me reposer, ce qui est déjà assez rare. Quant aux hommes, ils n'ont pas des dehors fort brillants; mais ce sont les meilleures gens du monde; vous en avez vu un échantillon: notre ami Duteil, qui n'est pas beau ni élégant, j'en conviens, mais qui a de l'esprit, en revanche, et le caractère le plus aimable et le plus égal.

      Vous nous avez promis depuis bien longtemps, ma chère maman, de venir refaire connaissance avec Nohant; vous ne pouvez choisir un meilleur moment pour nous faire ce plaisir, puisque Hippolyte et sa femme y sont déjà et que je n'ai nulle affaire qui me force à le quitter d'ici à plusieurs mois. Si vous vous sentez assez forte pour entreprendre la route, vous nous trouverez toujours heureux de vous soigner et de vous distraire autant qu'il dépendra de nos ressources à cet égard.

      Mes enfants se portent bien. Maurice vous embrasse, et nous en faisons tout autant, si vous le permettez. Moi, pour ma part, je réclame pourtant un plus gros baiser que les autres.

      XXX

      A M. JULES BOUCOIRAN, A PARIS55

      Nohant, 2 septembre 1829.

      M. Duris-Dufresne 56 m'a fait passer, monsieur, votre réponse aux propositions dont il a bien voulu se charger de ma part auprès de vous. Nous sommes d'accord dès ce moment, et, si mon offre vous convient toujours, je vous attendrai au commencement d'octobre. Le bien que M. Duris-Dufresne nous a dit et de la méthode et du professeur nous donne un vif désir de connaître l'un et l'autre, et nous nous efforcerons de vous rendre agréable le séjour que vous ferez parmi nous.

      Si, dans votre méthode, il est quelque préparation

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<p>52</p>

A Bordeaux.

<p>53</p>

Armateur bordelais.

<p>54</p>

M. Aurélien de Sèze.

<p>55</p>

Jules Boucoiran, précepteur de Maurice, puis ami intime de la famille. Plus tard, rédacteur en chef du Courrier du Gard.

<p>56</p>

Duris-Dufresue, député de l'Indre.