Héroïne, Traîtresse, Fille . Морган Райс
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Il fallait qu'ils se dispersent, car il serait suicidaire d'affronter directement une flotte d'une telle taille. Il fallait qu'ils soient les loups qui chassent les grands bœufs des neiges, foncent dans la masse, mordent ça et là, épuisent l'ennemi.
Akila sourit à cette idée. Il planifiait presque le combat comme s'ils pouvaient s'en sortir. Qui aurait pu le prendre, lui, pour un optimiste ?
“Ils sont si nombreux”, dit un des marins alors qu'il passait.
Akila entendit d'autres marins prononcer les mêmes paroles alors qu'il redescendait sur le pont. Quand il rejoignit la plate-forme de commandement, il y avait au moins une dizaine de rebelles qui l'attendait. Ils avaient tous l'air préoccupé.
“Nous ne pouvons pas les affronter”, dit l'un d'eux.
“Nous serions quasiment insignifiants”, approuva un autre.
“Ils nous tueront tous. Il faut fuir.”
Akila les entendait. Il comprenait même ce qu'ils voulaient faire. Il serait logique qu'ils fuient tant qu'il en était encore temps, qu'ils alignent leurs navires de façon à former un convoi et partent en longeant la côte jusqu'à pouvoir prendre la fuite et rejoindre Haylon.
Une partie de lui-même voulait le faire. Peut-être même se retrouveraient-ils en sécurité s'ils arrivaient à rejoindre Haylon. Felldust verrait les forces qu'ils avaient là-bas, les défenses de leur port, et ils éviteraient peut-être de les y poursuivre.
Pour un temps, au moins.
“Mes amis”, cria-t-il assez fort pour que tous les hommes présents sur le navire puissent l'entendre. “Vous voyez la menace qui nous attend et, oui, j'entends que certains d'entre vous veulent prendre la fuite.”
Il écarta les mains pour apaiser le murmure qui s'ensuivit.
“Je sais. Je vous entends. J'ai navigué avec vous et vous n'êtes pas des lâches. Personne ne pourrait le prétendre.”
Cependant, s'ils fuyaient maintenant, on les traiterait bel et bien de lâches. Akila le savait. Les gens en voudraient aux guerriers de Haylon, en dépit de tout ce qu'ils avaient fait. Cependant, il ne voulait pas le dire. Il ne voulait pas forcer la main à ses hommes.
“Moi aussi, j'ai envie de m'enfuir. Nous avons joué notre rôle. Nous avons battu l'Empire. Nous avons gagné le droit de rentrer chez nous, plutôt que rester ici nous faire massacrer pour soutenir la cause d'autres gens.”
Ça, au moins, c'était évident. Après tout, ils n'étaient venus à Delos que parce que Thanos les en avait suppliés.
Il secoua la tête. “Mais je ne m'enfuirai pas. Je ne m'enfuirai pas en abandonnant les gens qui me font confiance. Je ne m'enfuirai pas alors qu'on nous a dit ce qui allait arriver à la population de Delos. Je ne m'enfuirai pas, car qui sont ces gens qui me disent de le faire ?”
Il pointa énergiquement le doigt vers la flotte qui avançait, puis fit le geste le plus vulgaire auquel il puisse penser sans réfléchir. Le geste fit au moins rire ses hommes. C'était bien, car il leur fallait rire le plus possible à ce moment-là.
“En vérité, le mal est la cause de tout le monde. Si un homme m'ordonne de m'agenouiller ou de mourir, alors, je lui envoie mon poing au visage !” Les hommes rirent plus fort. “Et je ne le fais pas parce qu'il m'a menacé. Je le fais parce que le type d'homme qui ordonne aux gens de s'agenouiller mérite qu'on lui tape dessus !”
Les hommes l'acclamèrent. Akila semblait les avoir bien jugés. Il désigna l'endroit où un vaisseau éclaireur était amarré à son vaisseau amiral.
“Là-bas, c'est un des nôtres qu'il y a”, dit Akila. “Ils l'ont capturé avec son équipage. Ils l'ont fouetté jusqu'à faire couler son sang. Ils l'ont attaché à la barre et ils lui ont crevé les yeux.”
Akila attendit un moment pour laisser le temps à ses hommes de se rendre compte de l'horreur de cet acte.
“Ils l'ont fait parce qu'ils pensaient que ça allait nous intimider”, dit Akila. “Ils l'ont fait parce qu'ils pensaient que ça allait nous faire fuir plus vite. Moi, je dis que, si un homme fait un tel mal à un de mes frères, ça me donne envie de le tuer comme le chien qu'il est !”
Les hommes l'acclamèrent.
“Cela dit, je ne vous donnerai aucun ordre”, dit Akila. “Si vous voulez rentrer chez vous … eh bien, personne ne pourra dire que vous ne l'avez pas mérité. Et quand ils viendront vous chercher, il restera peut-être quelqu'un pour vous aider.” Il se força à hausser les épaules. “Moi, je reste. Si nécessaire, je resterai seul. Je me tiendrai sur les quais et leurs soldats pourront venir se faire tuer un par un.”
Alors, il les contempla, regarda fixement ces hommes qu'il connaissait, ces frères de Haylon et ces esclaves affranchis, ces appelés qui étaient devenus combattants pour la liberté et ces hommes qui, à l'origine, n'avaient probablement été guère mieux que des assassins.
Il savait que, s'il demandait à ces hommes de se battre à ses côtés, la plupart d'entre eux allait probablement mourir. Il ne reverrait probablement jamais les chutes qui se jetaient entre les collines de Haylon. Il allait probablement mourir sans même savoir si ce qu'il allait faire serait suffisant pour sauver Delos. Alors, une partie de lui-même souhaita n'avoir jamais rencontré Thanos ou n'avoir jamais été poussé à prendre part à une rébellion de cette étendue.
Malgré cela, il se redressa.
“Serai-je seul, les gars ?” demanda-t-il. “Faudra-t-il que je me fraie un chemin jusqu'au plus obstiné de ces imbéciles à la force de mes seuls poings ?”
Les hommes rugirent “Non !” et leur cri résonna sur l'eau environnante. Akila espéra que la flotte ennemie l'avait entendu. Il espéra que ses ennemis l'avaient entendu et qu'ils en tremblaient de peur.
Dieux du ciel, il ne tremblait pas moins lui-même.
“Dans ce cas, les gars”, beugla Akila, “aux rames ! Nous avons une bataille à gagner !”
Alors, il les vit se précipiter vers les rames et il n'aurait pas pu être plus fier d'eux. Il commença à réfléchir, à donner des ordres. Il y avait des messages à renvoyer au château, des défenses à préparer.
Akila entendait déjà le son des cloches avertir la population partout dans la cité.
“Vous deux, hissez les drapeaux de signalisation ! Scirrem, je veux des petits bateaux et du goudron pour mettre le feu à des navires à l'entrée du port ! Est-ce que je me parle à moi-même, là ?”
“C'est fort possible”, répondit le marin. “C'est à ça qu'on reconnaît les fous, paraît-il. Cela dit, je vais faire tout ça.”
“Tu te rends compte que, dans une vraie armée, tu te ferais fouetter ?” répliqua Akila, mais il souriait en le disant. C'était ce qu'il y avait d'étrange quand on était sur le point de commencer une bataille. A ce moment, la mort les frôlait de très près et c'était le moment où Akila se sentait le plus vivant.
“Allez,