La Liaison Idéale. Блейк Пирс
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– Compris, dit Jessie. Donc, pourquoi vouliez-vous me parler ?
– Parce que je m’inquiète. Sans entrer dans les détails, je dirai juste que, sauf pendant une séance où Hannah a témoigné quelque émotion sur ce qu’elle a subi, elle a été presque constamment … imperturbable. Avec le recul et après avoir fait sa connaissance, je soupçonne que cette unique manifestation d’émotions a peut-être eu pour but de me faire plaisir. Hannah semble s’être dissociée des événements qui se sont produits, comme si elle en avait été l’observatrice plutôt qu’une participante.
– Cela ne semble pas étonnant, dit Jessie. En fait, ça me paraît trop familier pour être réconfortant.
– Et je vous comprends, convint la docteure Lemmon. Vous avez traversé vous-même une période de ce type. C’est une méthode que le cerveau utilise très couramment pour gérer les traumatismes personnels. Il n’est pas inhabituel de compartimenter ou de se déconnecter des événements traumatiques. Ce qui m’inquiète, c’est que Hannah ne semble pas le faire pour se protéger contre la douleur provoquée par ce qui lui est arrivé. Elle semble avoir simplement effacé la douleur de son organisme, presque comme un disque dur que l’on vide. C’est comme si elle considérait ce qu’elle a subi moins comme de la souffrance que comme des choses qui se sont produites. Elle s’est auto-anesthésiée pour ne pas les considérer comme des choses liées à elle-même ou à sa famille.
– Et j’imagine que ce n’est pas très sain ? demanda Jessie d’un air songeur en remuant nerveusement sur la causeuse.
– Je ne voudrais pas juger ça, dit la docteure Lemmon avec son sens habituel de la mesure, car cela semble fonctionner pour elle. Ce qui m’inquiète, c’est où ça peut mener. Les gens qui ne sont pas capables de puiser dans leur propre douleur émotionnelle peuvent parfois atteindre un point où ils n’arrivent plus à reconnaître la douleur d’autrui, qu’elle soit émotionnelle ou physique. Leur capacité à ressentir de l’empathie disparaît. Cela peut souvent mener à des comportements socialement inacceptables.
– Ce que vous me décrivez ressemble à une attitude sociopathe, signala Jessie.
– Oui, convint la docteure Lemmon. Les sociopathes affichent effectivement certaines de ces caractéristiques. Comme j’ai passé trop peu de temps avec Hannah, je ne lui diagnostiquerais pas formellement cette pathologie. Son attitude n’est peut-être qu’un syndrome de stress post-traumatique profond. Cependant, avez-vous remarqué des comportements susceptibles de concorder avec ce que j’ai décrit ?
Jessie réfléchit aux quelques derniers mois en commençant par le mensonge inexplicable et dénué de sens de ce matin sur la télévision. Elle se souvint que Hannah s’était plainte quand Jessie avait insisté pour emmener chez un vétérinaire un chaton malade et errant qu’elles avaient trouvé dans une ruelle, caché sous une benne à ordures. Elle se souvint que la jeune fille pouvait rester muette pendant des heures en dépit de tous les efforts que Jessie déployait pour la faire sortir de sa coquille. Elle repensa à la fois où elle avait emmené Hannah à la salle de gym et où sa demi-sœur avait commencé à taper sur le sac de sable sans gants et avait continué jusqu’au moment où elle avait eu les mains à vif et en sang.
Toutes ces attitudes semblaient concorder avec la description de la docteure Lemmon, mais on pouvait tout aussi facilement les interpréter comme la lutte d’une jeune femme contre sa douleur intérieure. Rien de cela ne signifiait qu’elle était une sociopathe en herbe. Jessie ne voulait pas coller cette étiquette à Hannah, même avec la docteure Lemmon.
– Non, mentit-elle.
La psychothérapeute la regarda, visiblement peu convaincue, mais elle n’insista pas et passa à un autre sujet important.
– Et l’école ? demanda-t-elle.
– Elle a commencé la semaine dernière. Je l’ai placée dans ce lycée thérapeutique que vous avez recommandé.
– Oui, on en a discuté brièvement, elle et moi, reconnut la docteure Lemmon. Elle n’avait pas l’air très impressionnée. Est-ce aussi votre impression ?
– Je crois qu’elle a exprimé son opinion en demandant combien de temps elle allait devoir fréquenter ces drogués et ces suicidaires avant de repartir dans une école digne de ce nom.
La docteure Lemmon hocha la tête. Visiblement, elle n’était pas étonnée.
– Je vois, dit-elle. Elle a été légèrement moins franche avec moi. Je comprends sa frustration, mais je crois qu’il faut que nous l’aidions dans un environnement sécurisé et très supervisé pendant au moins un mois avant d’envisager de la réintégrer progressivement dans un lycée traditionnel.
– Je comprends, mais je sais qu’elle est frustrée. Elle était censée avoir son bac cette année mais, avec tous les cours qu’elle a ratés, même dans un lycée traditionnel, elle devrait aller à une école d’été. Elle n’est pas très enthousiaste à l’idée de finir avec, comme elle les a appelés, ‘les épuisés et les débiles’.
– Une chose à la fois, dit calmement la docteure Lemmon. Passons à autre chose. Comment allez-vous ?
Jessie rit malgré elle-même. Où commencer ? Avant qu’elle n’ait pu le faire, la docteure Lemmon poursuivit.
– Bien évidemment, nous n’avons pas le temps pour une séance complète maintenant, mais comment vous débrouillez-vous ? Vous vous retrouvez responsable d’une mineure, vous découvrez une nouvelle relation avec un collègue, votre travail exige que vous vous mettiez à la place d’assassins brutaux et vous êtes émotionnellement bouleversée après avoir dû tuer deux tueurs en série, dont votre père. Ça fait beaucoup à gérer.
Jessie se força à sourire.
– Quand vous le présentez comme ça, ça a l’air impressionnant.
La docteure Lemmon ne rendit pas son sourire à Jessie.
– Je suis sérieuse, Jessie. Il faut que vous restiez consciente de votre santé mentale personnelle. Cette période n’est pas dangereuse que pour Hannah. Vous risquez aussi de régresser. Ne prenez pas ce risque à la légère.
Jessie cessa de sourire mais resta imperturbable.
– Je suis consciente des risques, docteure, et je fais de mon mieux pour prendre soin de moi-même, mais je ne peux pas partir en congé. Le monde ne me laisse pas en paix et, si j’arrête de bouger, je vais me faire écraser.
– Je ne suis pas sûre que ce soit vrai, Jessie, dit doucement la docteure Lemmon. Parfois, si vous arrêtez de progresser, le monde fait demi-tour et vous pouvez y reprendre votre place. Vous êtes précieuse mais ne soyez pas arrogante. Vous n’êtes pas indispensable à ce monde au point de ne pas pouvoir vous reposer de temps à autre.
Jessie hocha la tête d’un air agressif et sarcastique.
– Compris, dit-elle en faisant semblant de prendre des notes. Je ne dois pas être arrogante et je ne suis pas indispensable.