Journal d'un bourgeois de Paris, 1405-1449. Anonyme

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Journal d'un bourgeois de Paris, 1405-1449 - Anonyme

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sur le chapitre de la chronique de Mathieu d'Escouchy, relatif au josne clerc natif des Espaingnes, ont cru pouvoir considérer comme l'auteur de la chronique des règnes de Charles VI et Charles VII un théologien bien connu, Jean de l'Olive, l'un des docteurs de l'Université qui assistèrent à la dispute du collège de Navarre; mais la seule présence de Jean de l'Olive à l'examen du clerc espagnol dans une assemblée comptant, au dire de l'auteur du Journal, plus de cinquante des plus parfaits clercs de l'Université suffit-elle pour justifier des conclusions aussi affirmatives? Nous ne le pensons pas.

      Récemment, l'un de nos chercheurs les plus ingénieux et les plus heureux a repris la question, et dans un intéressant mémoire [14] a émis de nouvelles conjectures qui méritent un plus sérieux examen.

       En effet, grâce au rapprochement fort habile de certaines particularités recueillies çà et là dans l'œuvre qui nous occupe, grâce surtout à une coïncidence remarquable entre un passage du Journal qui nous montre le chroniqueur animé de sentiments peu bienveillants à l'égard de l'évêque Denis du Moulin et un procès intenté par ce prélat au curé de Saint-Nicolas-des-Champs, M. Longnon n'est pas éloigné de penser que l'auteur du Journal parisien serait Jean Beaurigout, qui exerçait en 1440 les fonctions curiales à Saint-Nicolas-des-Champs.

      Cette attribution nouvelle qui repose sur un ensemble de faits rigoureusement déduits, n'a soulevé jusqu'ici aucune objection. Est-ce à dire que l'on doive accepter sans discussion les conjectures de M. Longnon et considérer désormais le curé Beaurigout comme ce conteur plein de verve, auquel nous devons l'une des plus curieuses chroniques du XVe siècle? ce n'est point notre sentiment. Notre tâche d'éditeur nous impose l'obligation de soumettre à une impartiale critique les résultats obtenus par M. Longnon et de voir s'ils concordent en tous points avec les données de notre Journal.

      M. Longnon s'appuie tout d'abord sur le récit d'événements qui se passèrent à Paris, au mois d'août 1413 et au mois de février 1414, pour placer la demeure du prétendu bourgeois de Paris dans le quartier de la ville situé sur la rive droite de la Seine, son jugement est fondé; mais, après avoir conclu d'une mention, spécieuse à la vérité, de Saint-Nicolas-des-Champs, que l'auteur du Journal demeurait en 1413 à proximité de cette église, notre confrère trouvant, sous l'année 1435, le récit d'un événement particulier au cimetière de Saint-Nicolas [15] en arrive à considérer que le personnage ecclésiastique auquel on doit le Journal était vraisemblablement le curé de cette paroisse. N'est-ce pas là un peu s'aventurer, et, avant de tirer parti d'incidents se rattachant au séjour du chroniqueur à Paris, pendant les années 1413 et 1414, avant de les faire entrer dans l'argumentation qui permet d'attribuer le Journal parisien à Jean Beaurigout, curé de Saint-Nicolas-des-Champs en 1440, ne fallait-il pas démontrer que, dès 1413, ce personnage se trouvait investi de fonctions pastorales dans cette église; là est le côté faible de la thèse de M. Longnon, côté que ce critique n'a pas au reste cherché à dissimuler lorsqu'il dit lui-même n'avoir pas rencontré de mention nominative de Beaurigout comme curé de Saint-Nicolas antérieure à l'année 1440.

      Aussi notre premier soin a-t-il été de fixer autant que possible le temps pendant lequel ce curé de Saint-Nicolas-des-Champs a conservé le gouvernement de sa paroisse et de rechercher en même temps le nom de son prédécesseur. La tâche était ardue, les archives du XVe siècle ne fournissant que des renseignements très vagues et très clairsemés sur la personnalité des curés de Saint-Nicolas-des-Champs. On savait jusqu'ici que, le 18 mai 1399 [16], les paroissiens de Saint-Nicolas-des-Champs, voulant agrandir leur église et construire trois chapelles, entrèrent en arrangement avec leur curé, Guillaume de Kaer, chanoine de Notre-Dame, docteur en décret, qui venait de succéder à Pierre Mignot.

      Au commencement du XVe siècle, le curé de Saint-Nicolas-des-Champs était donc Guillaume de Kaer; durant quel laps de temps exerça-t-il les fonctions curiales? Les registres capitulaires de Notre-Dame ne nous renseignent que sur l'existence du chanoine, mais ne nous apprennent rien sur le curé de Saint-Nicolas-des-Champs, aussi serait-on en droit de supposer une résignation de sa cure au profit de Jean Beaurigout, si de longues et minutieuses investigations dans les archives du chapitre de Notre-Dame ne nous avaient fait découvrir un document décisif qui lève tous les doutes à cet égard. En 1416, Guillaume de Kaer se trouvait engagé dans un procès contre un épicier de Paris, Philippe Boussac, procès qui fut porté devant l'officialité de Sens; comme Guillaume de Kaer, en sa qualité de chanoine de Notre-Dame était exempt de la juridiction épiscopale, l'official de Sens adressa, le 12 octobre 1416, une requête au chapitre de Notre-Dame, à l'effet de faire citer devant son tribunal Guillaume de Kaer, lequel dans ce document est qualifié de curé de Saint-Nicolas-des-Champs [17]; aussi sommes-nous en droit de penser qu'il conserva le gouvernement de sa cure jusqu'à sa mort, arrivée le 29 septembre 1418. En présence d'un texte aussi formel, que deviennent toutes ces déductions basées sur les différents passages où l'auteur du Journal indique en quelque sorte le lieu de sa demeure? elles tombent forcément et ne peuvent d'aucune façon s'appliquer à Jean Beaurigout, puisque à cette époque il n'avait rien de commun avec Saint-Nicolas-des-Champs et que rien n'autorise à croire qu'il aurait fixé son domicile à proximité de cette église.

       Si jusqu'en 1418 Jean Beaurigout semble absolument étranger à Saint-Nicolas-des-Champs, l'on ne saurait mettre en doute qu'il fut le successeur immédiat de Guillaume de Kaer et qu'il resta curé de Saint-Nicolas-des-Champs pour toute la durée de la domination anglaise; c'est ce qui ressort d'un acte de désaisine du mois de juillet 1421, pour une maison sise rue Saint-Martin et vendue à Anceau Langlois, prêtre, acte où nous voyons intervenir «venerable et discrete personne, messire Jehan Beaurigot, curé de S. Nicolas des Champs [18].» On peut donc affirmer avec certitude que c'est le même personnage qui, en 1429, se déclara publiquement l'un des adhérents de la politique anglaise, en jurant devant le Parlement l'exécution du traité de Troyes. Ce fait vient à l'appui de la thèse soutenue par M. Longnon, et il semblera tout naturel d'établir un rapprochement entre les actes de ce curé parisien, partisan non déguisé de la domination étrangère, et le Journal de ce prétendu bourgeois de Paris où percent à chaque page les sentiments de haine acharnée que nourrit l'auteur contre la faction des Armagnacs.

      Gardons-nous toutefois de céder à cet entraînement, reprenons le texte du Journal parisien et poursuivons l'examen des particularités qui semblent aux yeux de M. Longnon justifier l'attribution du Journal au curé Beaurigout.

      Le seul fait que l'on puisse signaler pour la période comprise entre les années 1418 et 1436 est celui qui est relaté à la date de septembre 1435, et encore concerne-t-il non l'église de Saint-Nicolas-des-Champs, mais son cimetière. Il s'agit d'un seigneur anglais, le neveu du sire de Falstaff, tué à l'assaut tenté contre la ville de Saint-Denis, et dont les restes furent enterrés dans le cimetière de Saint-Nicolas, après avoir subi une sorte de cuisson dans une chaudière pour séparer les os de la chair. Il est certain que l'auteur du Journal entre dans des détails minutieux sur cette opération; mais, parce que le cimetière de Saint-Nicolas-des-Champs est désigné comme lieu de sépulture de ce chevalier anglais, est-ce suffisant pour en conclure que le curé de Saint-Nicolas était vraisemblablement l'auteur du Journal? Notre anonyme ne rapporte-t-il pas un trait absolument analogue en 1429, lorsqu'il raconte la mort de Glasdale, dont le corps fut également ramené à Paris, «despecé par quartiers, boullu, embasmé» et mis dans une chapelle à Saint-Merry? L'auteur ne compte-t-il pas le nombre des cierges qui brûlaient nuit et jour devant le corps de ce capitaine? Il faut convenir que ces détails recueillis par le narrateur et qui ne pouvaient guère intéresser que le clergé de Saint-Merry n'ont pas plus d'importance que ceux dont notre chroniqueur nous entretient à propos de la mort du neveu de Falstaff.

       Voilà donc en quoi se résume, pour la période postérieure à 1418, le seul et unique fait relatif, non à l'église, mais au cimetière de Saint-Nicolas. En continuant à raisonner dans l'hypothèse qui permettrait de rattacher à Jean Beaurigout le Journal parisien, l'on est involontairement frappé du profond silence

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