Hamlet. William Shakespeare
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S'il y a quelque chose de bien à faire qui puisse compter pour ton soulagement et pour mon salut, parle-moi.
Si tu es dans le secret des destins de ta patrie, et que, pour notre bonheur, la prescience puisse les faire éviter, oh! parle.
Ou si, pendant ta vie, tu as enfoui dans le sein de la terre quelque trésor extorqué, ce pourquoi, dit-on, vous autres esprits, vous errez souvent, tout morts que vous êtes, dis-le-moi. Arrête-toi et parle. (Le coq chante.) Arrêtez-le, Marcellus.
MARCELLUS.—Le frapperai-je de ma pertuisane?
HORATIO.—Oui, s'il ne veut pas s'arrêter.
BERNARDO.—Le voici!
HORATIO.—Le voici!
(L'ombre s'en va.)
MARCELLUS.—Le voilà parti. Nous lui faisons tort, à lui qui est si majestueux, en essayant contre lui ces démonstrations de violence; il est invulnérable comme l'air, et nos coups frappant dans le vide n'auraient été qu'une méchante raillerie.
BERNARDO.—Il était au moment de parler, quand le coq a chanté.
HORATIO.—Et alors il a tressailli comme un être coupable à un terrible appel. J'ai ouï dire que le coq, qui est le clairon du matin, par sa voix haute et perçante, éveille le dieu du jour; et qu'à ce signal, les esprits échappés et errants, qu'ils soient dans la mer ou dans le feu, vont se cacher dans leur prison; et ce que nous venons de voir a prouvé qu'on dit vrai.
MARCELLUS.—Il s'est évanoui au cri du coq. Quelques-uns disent que, toujours, quand la saison s'approche où la naissance de notre Sauveur est célébrée, cet oiseau de l'aurore chante durant toute la nuit; alors, dit-on, aucun esprit n'ose se risquer dehors; les nuits sont saines; alors nulle planète dont l'action nous frappe, nulle fée qui nous surprenne, nulle sorcière qui ait le pouvoir de charmer, tant ce moment de l'année est sanctifié et riche de grâces.
HORATIO.—Je l'ai ouï dire ainsi, et je le crois en partie. Mais voyez: le matin, drapés dans son manteau rougissant, s'avance parmi la rosée sur cette haute colline à l'orient. Descendons notre garde, et si vous m'en croyez, faisons part au jeune Hamlet de ce que nous avons vu cette nuit; car, sur ma vie, cet esprit, muet pour nous, lui parlera. Vous accordez-vous à vouloir que nous l'instruisions de cela, comme nous l'ordonnent nos affections, conformes à notre devoir?
MARCELLUS.—Faisons cela, je vous prie; je sais où nous pourrons le trouver ce matin fort à propos.
SCÈNE II
Une salle de réception dans le château.
LE ROI, LA REINE, HAMLET, POLONIUS, LAERTES, VOLTIMAND, CORNÉLIUS, et des seigneurs de leur suite, entrent.
LE ROI.—Bien que le souvenir de la mort de Hamlet, notre frère bien-aimé, soit encore vert et vivace, bien qu'il nous convînt, à nous, délaisser nos coeurs dans la tristesse, et à notre royaume tout entier de montrer comme un seul front contracté par la même douleur, la raison, cependant, combattant la nature, nous a amenés à penser à lui avec une sage douleur et non sans quelque souvenir de nous-mêmes. C'est pourquoi voici celle qui fut d'abord notre soeur, maintenant notre reine, compagne de notre empire sur ces belliqueux États, et que, avec une joie déroutée, avec un oeil brillant, tandis que l'autre versait des larmes, mêlant les réjouissances aux funérailles et les obsèques au mariage, pesant dans une balance égale le plaisir et l'affliction, nous avons prise pour femme. Nous n'avons point résisté en ceci à vos sagesses supérieures, qui ont eu leur libre allure dans tout le cours de cette affaire. Recevez tous nos remercîments.
Maintenant il s'agit, comme vous le savez, du jeune Fortinbras, qui, faisant peu de cas de ce que nous pouvons valoir, ou pensant que la mort récente de notre frère bien-aimé aurait ébranlé ce royaume et dérangé ses ressorts, et sans autre allié que ce fantôme de ses avantages rêvés, n'a pas manqué de nous insulter par un message, pour redemander les domaines perdus par son père, et que notre très-vaillant frère a acquis par tous les liens et avec tous les sceaux de la loi. Mais c'est assez parler de lui. Quant à nous et à l'objet de cette assemblée, voici quelle est l'affaire: nous avons écrit par ces lettres au roi de Norwége, oncle du jeune Fortinbras, qui, impotent et alité, a à peine ouï parler du projet de son neveu, en l'invitant à en arrêter la suite; car les levées, les enrôlements et la pleine organisation des corps, tout se fait parmi ses sujets. Et nous vous dépêchons aujourd'hui, brave Cornélius, et vous, Voltimand, pour porter nos salutations à ce vieux roi, sans vous donner pouvoir personnel pour traiter avec ce prince en dehors du cercle où peut s'étendre le développement de ces instructions. Adieu, et que votre diligence témoigne de votre dévouement.
VOLTIMAND.—En cela et en toutes choses, nous montrerons notre dévouement.
LE ROI.—Nous n'en doutons point. Adieu de bon coeur. (Voltimand et Cornélius sortent.) Et maintenant, Laërtes, qu'avez-vous de nouveau à nous dire? Vous nous avez annoncé une demande; qu'est-ce, Laërtes? Vous ne pouvez point dire une chose raisonnable au roi de Danemark, et perdre vos paroles. Que peux-tu demander, Laërtes, qui ne soit d'avance mon offre plutôt que ta demande? La tête n'est pas soeur du coeur, ni la main servante des lèvres plus étroitement que le trône de Danemark n'est lié à ton père. Que souhaites-tu, Laërtes?
LAËRTES.—Mon redouté seigneur, je demande votre congé et votre agrément pour retourner en France. Quoique j'en sois parti avec empressement pour vous rendre hommage lors de votre couronnement, maintenant, je l'avoue, ce devoir une fois rempli, mes pensées et mes désirs se tournent de nouveau vers la France, et s'inclinent devant vous pour obtenir votre gracieux congé et votre indulgence.
LE ROI.—Avez-vous le congé de votre père? Que dit Polonius?
POLONIUS.—Il m'a, monseigneur, arraché par l'effort de ses instances une lente permission, et à la fin j'ai scellé son désir de mon pénible consentement. Je vous supplie de lui donner congé de partir.
LE ROI.—Prends l'heure qui te sourira, Laërtes; tes moments sont à toi, et à toi mes meilleures volontés3; fais-en usage selon tes souhaits. Et maintenant, Hamlet, mon cousin, mon fils...
Note 3: (retour) Nous traduisons d'après une correction excellente de Johnson:
Take thy fair hour, Laertes; time is thine,
And my best graces.
HAMLET, à part.—Un peu plus que cousin, et un peu moins que fils.
LE ROI.—D'où vient que les nuages pèsent encore sur vous?
HAMLET.—Mais non, mon seigneur; je ne suis que trop en plein soleil.
LA REINE.—Cher Hamlet,