Hamlet. William Shakespeare
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LAERTES.—Oh! ne craignez pas pour moi. Je m'arrête trop longtemps. Mais voici venir mon père. (Polonius entre.) Une double bénédiction est une double faveur. L'occasion me rit pour un second adieu.
POLONIUS.—Encore ici, Laërtes! A bord, à bord! c'est une honte: le vent est là qui pousse au dos de votre voile, et vous vous faites attendre! Allons, que ma bénédiction soit avec vous (il met sa main sur la tête de Laërtes); et songe à graver en ta mémoire ces quelques préceptes: «Ne donne pas à toutes tes pensées une langue, ni à aucune pensée non calculée son exécution. Sois familier, mais jamais banal. Les amis que tu auras, et dont le choix sera éprouvé, attache-les à ton âme par des crampons d'acier; mais n'use pas la paume de ta main à fêter tout camarade éclos d'hier et encore sans plumes. Garde-toi d'entamer une querelle; mais une fois engagé, comporte-toi de manière que l'adversaire prenne garde à toi. Prête l'oreille à tous, mais ne livre tes paroles qu'à peu de gens. Recueille l'opinion de chacun, mais réserve ton jugement. Que tes habits soient aussi coûteux que ta bourse le permet, sans recherches singulières; riches, sans être voyants; car l'ajustement révèle souvent l'homme; et les gens les plus relevés en France par leur rang et par leur position sont, surtout en cela, des modèles de goût et de dignité. Ne sois ni emprunteur, ni prêteur, car le prêt fait souvent perdre et l'argent et l'ami, et l'emprunt émousse le tranchant de l'économie. Ceci pardessus tout: sois vrai envers toi-même; et, comme la nuit suit le jour, ceci doit s'en suivre que tu ne pourras être faux envers personne.» Adieu! que ma bénédiction fasse pénétrer tout cela en toi.
LAERTES.—Je prends humblement congé de vous, mon seigneur.
POLONIUS.—L'heure vous réclame. Allez, vos serviteurs vous attendent.
LAERTES.—Adieu, Ophélia, et souvenez-vous bien de ce que je vous ai dit.
OPHÉLIA.—Cela est enfermé en ma mémoire, et vous en garderez vous-même la clef.
LAERTES.—Adieu!
(Laërtes sort.)
POLONIUS.—Qu'est-ce, Ophélia? que vous a-t-il dit?
OPHÉLIA.—C'est, ne vous en déplaise, quelque chose touchant le seigneur Hamlet.
POLONIUS.—Certes, c'est fort à propos. On m'a dit que depuis peu il vous avait très-souvent consacré ses moments de loisir intime, et que vous-même aviez été très-libérale et prodigue de vos audiences; s'il en est ainsi (comme on me l'a raconté, par voie de précaution), je dois vous dire que vous ne comprenez pas assez clairement par vous-même ce qui convient à ma fille et à votre honneur. Qu'y a-t-il entre vous? confiez-moi la vérité.
OPHÉLIA.—Il m'a dernièrement, mon seigneur, fait beaucoup d'offres de son affection.
POLONIUS.—Son affection? Bah! vous parlez comme une fillette encore toute verdelette qui n'a pas été passée au crible dans des circonstances de ce péril; croyez-vous à ses offres, comme vous les appelez?
OPHÉLIA.—Je ne sais pas, mon seigneur, ce que je dois penser.
POLONIUS.—Eh bien! je vais vous l'apprendre. Pensez que vous n'êtes qu'un petit enfant, et que vous avez pris pour argent comptant des offres qui ne sont que fausse monnaie. Offrez-vous à vous-même un tarif plus cher de votre valeur, ou (pour ne pas essouffler plus longtemps ce pauvre mot, dont j'abuse ainsi), vous n'aurez plus qu'à m'offrir le titre de sot.
OPHÉLIA.—Mon seigneur, il m'a importunée de son amour, mais d'une manière honorable.
POLONIUS.—Ah! oui. Vous pouvez appeler cela de belles manières!... Allez, allez!
OPHÉLIA.—Et il donnait autorité à ses discours, mon seigneur, par presque tous les plus saints serments du ciel.
POLONIUS.—Ah! oui, pièges à attraper des bécasses! Je sais, quand le sang brûle, combien l'âme est prodigue à prêter à la langue des serments. Ce sont des éclairs, ma fille, donnant plus de lumière que de chaleur, qui perdent aussitôt chaleur et lumière, et dont les promesses mêmes s'éteignent aussitôt faites. Vous ne devez pas les prendre pour du feu. A partir de cette heure, soyez un peu plus avare de votre virginale présence; mettez vos entretiens à plus haut prix, et que votre conversation ne soit pas à commandement. Quant au seigneur Hamlet, ce que vous en devez croire, c'est qu'il est jeune et qu'il lui est permis d'aller au bout d'une longe plus longue que ne saurait être la vôtre. Bref, Ophélia, ne croyez pas à ses serments; ce sont des enjôleurs, ils n'ont pas la couleur dont ils sont revêtus en dehors; ce ne sont rien qu'entremetteurs de projets fort profanes, qui ne semblent respirer que saintes et dévotes instances, afin de mieux tromper. Une fois pour toutes, et pour parler clairement, je ne veux pas que désormais vous fassiez mauvais usage de votre loisir en parlant au seigneur Hamlet, ou en l'écoutant; prenez-y garde, entendez-vous, et passez votre chemin.
OPHÉLIA.—J'obéirai, mon seigneur.
(Ils sortent.)
SCÈNE IV
La plate-forme.
HAMLET, HORATIO ET MARCELLUS entrent.
HAMLET.—L'air est subtil et mordant; il fait très-froid.
HORATIO.—Oui, c'est un air aigre et qui pique.
HAMLET.—Quelle heure est-il à présent?
HORATIO.—Peu s'en faut, je crois, qu'il ne soit minuit.
MARCELLUS.—Non, il est sonné.
HORATIO.—Vraiment? je ne l'ai pas entendu. Alors, le moment approche, où l'esprit a l'habitude de se promener. (On entend dans le palais une fanfare de trompettes et des décharges d'artillerie.) Qu'est-ce que cela signifie, mon seigneur?
HAMLET.—Le roi passe la nuit et boit à toute sa soif; il tient séance d'orgie et danse en chancelant la gigue impudente, et à chaque fois qu'il avale ses rasades de vin du Rhin, la timbale et la trompette se mettent à braire ainsi pour le triomphe des santés qu'il porte.
HORATIO.—Est-ce la coutume?
HAMLET.—Oui, ma foi! c'est la coutume. Mais selon mon sentiment, encore que je sois enfant de ce pays et né pour en prendre les manières, c'est une coutume qu'il est plus honorable d'enfreindre que d'observer. Ces divertissements qui appesantissent les têtes nous font, de l'orient à l'occident, citer et condamner par les autres nations; elles nous appellent ivrognes, et souillent notre nom du sobriquet de pourceaux. Et en vérité, quels que soient nos exploits et malgré la hauteur où ils atteignent, cela leur retire la sève même et la moelle de la gloire qu'ils nous mériteraient. De même, il arrive fréquemment aux individus que, s'ils ont en eux quelque tache d'un vice naturel; si, par exemple, ils sont, de naissance (et par conséquent sans en être coupables, puisque la créature n'a pas le choix de son origine), dominés par l'excès de telle ou telle humeur du tempérament qui renverse souvent les remparts et les forteresses de la raison, ou si quelque habitude met en eux un levain qui les fasse trop sortir du moule des manières approuvées; parce que ces hommes,