L'Odyssée. Homer
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Читать онлайн книгу L'Odyssée - Homer страница 8
»Je lui répondis:
»—Comment ferai-je pour saisir ce divin vieillard, car un mortel ne peut dompter un dieu.
Idothée me dit alors:
»—Vers le milieu du jour, le vieillard marin sort des flots et vient se reposer dans un antre humide au milieu des phoques noirs et ondulants de la belle Halosydné. Je t'y conduirai au lever de l'aurore avec trois de tes compagnons choisis parmi les plus braves. Le rusé vieillard viendra entouré de ses phoques, semblable au berger conduisant ses brebis. Il les comptera, puis il se couchera et s'endormira au milieu d'eux. A ce moment-là, saisissez-le et maintenez-le avec vigueur, car pour vous échapper, il prendra la forme de divers animaux, et deviendra même eau limpide et feu dévorant. Alors, serrez-le davantage et lorsqu'enfin, il t'interrogera, cesse toute violence, et demande-lui quel dieu te poursuit et quel est le moyen de rentrer dans ta patrie.»
»Elle dit, et se laissa glisser dans la mer mouvante. Je revins vers nos vaisseaux l'esprit agité et, le lendemain, j'emmenai trois compagnons au cœur ferme.
»Idothée nous apporta alors du vaste sein de la mer quatre peaux de phoques fraîchement écorchées, et creusant des lits dans le sable, elle nous fit coucher et nous couvrit chacun d'une peau. L'embuscade était pénible, car l'odeur affreuse des phoques nous mettait au supplice. Pour nous soulager, la déesse approcha de nos narines l'ambroisie au doux parfum. Toute la matinée nous attendîmes avec patience. Vers le milieu du jour, le vieillard, suivi de ses phoques, sortit de la mer et compta son troupeau. Son cœur ne soupçonna point la ruse et il se coucha. Alors, poussant de grands cris, nous nous élançâmes sur lui. Le vieillard n'oubliant pas son art trompeur, se fit d'abord lion à la belle crinière, puis dragon, puis panthère et sanglier énorme. Il devint ensuite eau rapide et arbre aux branches élevées. Mais nous le tenions étroitement serré; l'artificieux vieillard se sentant vaincu et m'interrogeant enfin, m'adressa ces paroles:
»—Fils d'Atrée, que désires-tu de moi?
»Je lui dis aussitôt:
»—Tu sais que depuis longtemps, retenu dans cette île, je ne puis trouver un terme à mes peines et mon cœur se consume de douleur. Dis-moi quel est celui des Immortels qui ferme ma route et me barre la mer poissonneuse?
»Protée me dit alors:
»—Le destin ne veut pas que tu revoies ta patrie avant que, retourné dans les eaux de l'Egyptos, tu n'aies offert de saintes hécatombes aux Immortels, habitant le vaste ciel.
»Il dit et mon cœur se remplit de tristesse:
»—Vieillard, lui répondis-je, je ferai ainsi que les dieux l'ordonnent, mais dis-moi si tous les Achéens sont heureusement rentrés dans leurs foyers, ou si quelqu'un d'entre eux est mort prématurément au retour de la guerre de Troie?
»Il me dit aussitôt:
»—Tu n'as nul besoin de connaître ces choses, ni ma pensée; avant peu, tu verseras des larmes ayant tout appris; cependant je te dirai que plusieurs ont péri dans le retour; mais l'un d'eux vit, retenu sur un point de la vaste mer. Ajax a bu l'onde amère près des vaisseaux aux longues rames, pour ses paroles orgueilleuses. Quant à ton frère, protégé de Junon, une tempête le saisit près de Malée, mais les dieux changèrent le vent et conduisirent ses vaisseaux aux lieux où habitait Egisthe, fils de Thyeste. Se réjouissant, Agamemnon embrassait la terre de la patrie aimée, la mouillant de ses larmes. D'une retraite cachée, un espion que le perfide Egisthe avait placé là signala son retour. Aussitôt Egisthe, choisissant vingt hommes braves, vint avec des chevaux et des chars, au-devant du pasteur des peuples. Il ramena le héros et le tua pendant le festin célébrant son retour, comme on tue un bœuf à l'étable. Aucun des compagnons du fils d'Atrée, ni les complices d'Egisthe ne survécurent.
»A ce récit, mon cœur se brisa. Assis sur le sable, je ne pouvais arrêter mes larmes. Alors le vieillard marin me dit:
»—Ne pleure pas, fils d'Atrée, sur ces choses sans remède; hâte plutôt ton retour pour préparer Oreste à la vengeance fatale.
»Je sentis à ces mots mon cœur se ranimer dans ma poitrine, et j'adressai au dieu ces paroles ailées:
»Puisque je sais maintenant le sort de ces deux guerriers, dis-moi le nom du troisième encore retenu sur la vaste mer?
»Il me dit aussitôt:
»—C'est le fils de Laërte, Ulysse, roi d'Ithaque. Je l'ai vu dans l'île de Calypso, retenu par force, versant d'abondantes larmes, n'ayant ni vaisseau aux longues rames, ni compagnons pour parcourir, sur le dos de la vaste mer, la route du retour dans la patrie. Pour toi, Ménélas, ton destin n'est pas de périr aujourd'hui, parce que tu es l'époux d'Hélène, fille de Zeus.
»Il dit et se glissa sous l'onde agitée. Pour moi, j'allai vers les vaisseaux avec mes compagnons pour préparer le repas du soir. Quand parut l'Aurore aux doigts de rose, nous lançâmes nos vaisseaux sur la mer divine que les rameurs frappaient en cadence, nous ramenant aux bords de l'Egyptos. J'apaisai le courroux des Immortels, j'élevai un tombeau à Agamemnon. Ces devoirs accomplis, les dieux m'accordèrent le vent qui conduit à la douce patrie. Maintenant Télémaque, demeure quelques jours encore; attends les présents magnifiques que je te destine: trois chevaux, un char brillant, puis aussi, une belle coupe pour les libations aux Immortels et en souvenir de moi.
Télémaque lui répondit:
—Certes, j'oublierais volontiers pendant une année ma maison et mes parents, en écoutant tes récits charmeurs; cependant, mes compagnons s'endorment dans Pylos délicieuse, je ne peux prolonger mon séjour. Quant aux présents que tu m'offres, je n'ose emmener dans Ithaque pierreuse et nourricière de chèvres, les coursiers d'Argos aux riches prairies.
Ménélas sourit, et le caressant de la main, lui dit:
—Cher enfant, à tes paroles, on reconnaît ton noble sang; je changerai donc mes présents. Je veux te donner le plus beau joyau de ma maison: c'est un cratère d'argent divinement ciselé par Vulcain; Phédime, roi des Sidoniens m'en fit présent; à mon tour, je te l'offre.
Ainsi parlaient-ils. Les convives arrivaient, amenant des brebis et apportant le vin généreux. Leurs épouses aux longues tresses préparaient le repas.
Cependant dans Ithaque, sur la belle esplanade devant la demeure d'Ulysse, les prétendants insolents s'amusaient et lançaient des palets et des javelots.
Semblables aux dieux, Antinoos et Eurymaque se tenaient à l'écart; Noémon, fils de Phronios, s'approchant d'eux, dit à Antinoos:
—Savons-nous, Antinoos, quand Télémaque reviendra de Pylos sablonneuse? J'attends mon vaisseau sur lequel il est parti, car je dois ramener de la vaste Elide mes vigoureux mulets encore indomptés.
Il dit, et les prétendants étaient frappés de surprise, car ils ignoraient tous que Télémaque fut parti pour Pylos. Antinoos répondit:
—Dis-moi, en vérité, quand est-il parti? quels jeunes gens l'ont suivi? Sont-ils des esclaves ou des mercenaires? T'a-t-il pris malgré toi ton vaisseau noir ou le lui as-tu donné de bon gré?