LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

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LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан

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votre attention sur les gâteaux secs qui l’accompagnent. Une invention de génie, ces gâteaux.

      – Ils sont charmants de forme, en tout cas, dit Sernine, qui se servit. Si leur ramage répond à leur plumage… Tiens, Sirius, tu dois adorer cela. Locuste n’aurait pas mieux fait.

      Vivement il avait pris un des gâteaux et l’avait offert au chien. Celui-ci l’avala d’un coup, resta deux ou trois secondes immobile, comme stupide, puis tournoya sur lui-même et tomba, foudroyé.

      Sernine s’était jeté en arrière pour n’être pas pris en traître par un des domestiques, et, se mettant à rire :

      – Dis donc, baron, quand tu veux empoisonner un de tes amis, tâche que ta voix reste calme et que tes mains ne frémissent pas… Sans quoi on se méfie… Mais je croyais que tu répugnais à l’assassinat ?

      – Au coup de couteau, oui, dit Altenheim sans se troubler. Mais j’ai toujours eu envie d’empoisonner quelqu’un. Je voulais savoir quel goût ça avait.

      – Bigre ! Mon bonhomme, tu choisis bien tes morceaux. Un prince russe !

      Il s’approcha d’Altenheim et lui dit d’un ton confidentiel :

      – Sais-tu ce qui serait arrivé si tu avais réussi, c’est-à-dire si mes amis ne m’avaient pas vu revenir à trois heures au plus tard ? Eh bien, à trois heures et demie, le préfet de Police savait exactement à quoi s’en tenir sur le compte du soi-disant baron Altenheim, lequel baron était cueilli avant la fin de la journée et coffré au Dépôt.

      – Bah ! dit Altenheim, de prison on s’évade… tandis qu’on ne revient pas du royaume où je t’envoyais.

      – évidemment, mais il eût d’abord fallu m’y envoyer, et cela ce n’est pas facile.

      – Il suffisait d’une bouchée d’un de ces gâteaux.

      – En es-tu bien sûr ?

      – Essaie.

      – Décidément, mon petit, tu n’as pas encore l’étoffe d’un grand maître de l’Aventure, et sans doute ne l’auras-tu jamais, puisque tu me tends des pièges de cette sorte. Quand on se croit digne de mener la vie que nous avons l’honneur de mener, on doit aussi en être capable, et, pour cela, être prêt à toutes les éventualités… même à ne pas mourir si une fripouille quelconque tente de vous empoisonner… Une âme intrépide dans un corps inattaquable, voilà l’idéal qu’il faut se proposer… et atteindre. Travaille, mon petit. Moi, je suis intrépide et inattaquable. Rappelle-toi le roi Mithridate.

      Et, se rasseyant :

      – À table, maintenant ! Mais comme j’aime à prouver les vertus que je me décerne, et comme, d’autre part, je ne veux pas faire de peine à ta cuisinière, donne-moi donc cette assiette de gâteaux.

      Il en prit un, le cassa en deux, et tendit une moitié au baron :

      – Mange !

      L’autre eut un geste de recul.

      – Froussard ! dit Sernine.

      Et, sous les yeux ébahis du baron et de ses acolytes, il se mit à manger la première, puis la seconde moitié du gâteau, tranquillement, consciencieusement, comme on mange une friandise dont on serait désolé de perdre la plus petite miette.

      – 3 –

      Ils se revirent.

      Le soir même, le prince Sernine invitait le baron Altenheim au Cabaret Vatel, et le faisait dîner avec un poète, un musicien, un financier et deux jolies comédiennes, sociétaires du Théâtre-Français.

      Le lendemain, ils déjeunèrent ensemble au Bois, et le soir ils se retrouvèrent à l’Opéra.

      Et chaque jour, durant une semaine, ils se revirent.

      On eût dit qu’ils ne pouvaient se passer l’un de l’autre, et qu’une grande amitié les unissait, faite de confiance, d’estime et de sympathie.

      Ils s’amusaient beaucoup, buvaient de bons vins, fumaient d’excellents cigares, et riaient comme des fous.

      En réalité, ils s’épiaient férocement. Ennemis mortels, séparés par une haine sauvage, chacun d’eux, sûr de vaincre et le voulant avec une volonté sans frein, ils attendaient la minute propice, Altenheim pour supprimer Sernine, et Sernine pour précipiter Altenheim dans le gouffre qu’il creusait devant lui. Tous deux savaient que le dénouement ne pouvait tarder. L’un ou l’autre y laisserait sa peau, et c’était une question d’heures, de jours, tout au plus.

      Drame passionnant, et dont un homme comme Sernine devait goûter l’étrange et puissante saveur. Connaître son adversaire et vivre à ses côtés, savoir que, au moindre pas, à la moindre étourderie, c’est la mort qui vous guette, quelle volupté !

      Un jour, dans le jardin du cercle de la rue Cambon, dont Altenheim faisait également partie, ils étaient seuls, à cette heure de crépuscule où l’on commence à dîner au mois de juin, et où les joueurs du soir ne sont pas encore là. Ils se promenaient autour d’une pelouse, le long de laquelle il y avait, bordé de massifs, un mur que perçait une petite porte. Et soudain, pendant qu’Altenheim parlait, Sernine eut l’impression que sa voix devenait moins assurée, presque tremblante. Du coin de l’œil il l’observa. La main d’Altenheim était engagée dans la poche de son veston, et Sernine vit, à travers l’étoffe, cette main qui se crispait au manche d’un poignard, hésitante, indécise, tour à tour résolue et sans force.

      Moment délicieux ! Allait-il frapper ? Qui remporterait, de l’instinct peureux et qui n’ose pas, ou de la volonté consciente, toute tendue vers l’acte de tuer ?

      Le buste droit, les bras derrière le dos, Sernine attendait, avec des frissons d’angoisse et de plaisir. Le baron s’était tu, et dans le silence ils marchaient tous les deux côte à côte.

      – Mais frappe donc ! s’écria le prince.

      Il s’était arrêté, et, tourné vers son compagnon :

      – Frappe donc, disait-il, c’est l’instant ou jamais ! Personne ne peut te voir. Tu files par cette petite porte dont la clef se trouve par hasard accrochée au mur, et bonjour, baron… ni vu ni connu… Mais j’y pense, tout cela était combiné… C’est toi qui m’as amené ici… Et tu hésites ? Mais frappe donc !

      Il le regardait au fond des yeux. L’autre était livide, tout frémissant d’énergie impuissante.

      – Poule mouillée ! ricana Sernine. Je ne ferai jamais rien de toi. La vérité, veux-tu que je te la dise ? Eh bien, je te fais peur. Mais oui, tu n’es jamais très sûr de ce qui va t’arriver quand tu es en face de moi. C’est toi qui veux agir, et ce sont mes actes, mes actes possibles, qui dominent la situation. Non, décidément, tu n’es pas encore celui qui fera pâlir mon étoile !

      Il n’avait pas achevé ce mot qu’il se sentit pris au cou et attiré en arrière. Quelqu’un, qui se cachait dans le massif, près de la petite porte, l’avait happé par la tête.

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