LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан
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Читать онлайн книгу LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан страница 247
– Mais le palais était gardé.
– Gardé par vos soldats, Sire. Est-ce que ça compte pour des hommes comme lui ? Je ne doute pas d’ailleurs que Waldemar ait concentré ses recherches sur les communs, dégarnissant ainsi les portes du palais.
– Mais le bruit de l’horloge ? Ces douze coups dans la nuit ?
– Un jeu, Sire ! Un jeu d’empêcher une horloge de sonner !
– Tout cela me paraît bien invraisemblable.
– Tout cela me paraît rudement clair, à moi, Sire. S’il était possible de fouiller dès maintenant les poches de tous vos hommes, ou de connaître toutes les dépenses qu’ils feront pendant l’année qui va suivre, on en trouverait bien deux ou trois qui sont, à l’heure actuelle, possesseurs de quelques billets de banque, billets de banque français, bien entendu.
– Oh ! protesta Waldemar.
– Mais oui, mon cher comte, c’est une question de prix, et celui-là n’y regarde pas. S’il le voulait, je suis sûr que vous-même…
L’Empereur n’écoutait pas, absorbé dans ses réflexions. Il se promena de droite et de gauche à travers la chambre, puis fit un signe à l’un des officiers qui se tenaient dans la galerie.
– Mon auto… et qu’on s’apprête… nous partons.
Il s’arrêta, observa Lupin un instant, et, s’approchant du comte :
– Toi aussi, Waldemar, en route… Droit sur Paris, d’une étape…
Lupin dressa l’oreille. Il entendit Waldemar qui répondait :
– J’aimerais mieux une douzaine de gardes en plus, avec ce diable d’homme !…
– Prends-les. Et fais vite, il faut que tu arrives cette nuit.
Lupin haussa les épaules et murmura :
– Absurde !
L’Empereur se retourna vers lui, et Lupin reprit :
– Eh ! Oui, Sire, car Waldemar est incapable de me garder. Mon évasion est certaine, et alors…
Il frappa du pied violemment.
– Et alors, croyez-vous, Sire, que je vais perdre encore une fois mon temps ? Si vous renoncez à la lutte, je n’y renonce pas, moi. J’ai commencé, je finirai.
L’Empereur objecta :
– Je ne renonce pas, mais ma police se mettra en campagne.
Lupin éclata de rire.
– Que Votre Majesté m’excuse ! C’est si drôle ! La police de Sa Majesté ! Mais elle vaut ce que valent toutes les polices du monde, c’est-à-dire rien, rien du tout ! Non, Sire, je ne retournerai pas à la Santé. La prison, je m’en moque. Mais j’ai besoin de ma liberté contre cet homme, je la garde.
L’Empereur s’impatienta.
– Cet homme, vous ne savez même pas qui il est.
– Je le saurai, Sire. Et moi seul peux le savoir. Et il sait, lui, que je suis le seul qui peut le savoir. Je suis son seul ennemi. C’est moi seul qu’il attaque. C’est moi qu’il voulait atteindre, l’autre jour, avec la balle de son revolver. C’est moi qu’il lui suffisait d’endormir, cette nuit, pour être libre d’agir à sa guise. Le duel est entre nous. Le monde n’a rien à y voir. Personne ne peut m’aider, et personne ne peut l’aider. Nous sommes deux, et c’est tout. Jusqu’ici la chance l’a favorisé. Mais en fin de compte, il est inévitable, il est fatal que je remporte.
– Pourquoi ?
– Parce que je suis le plus fort.
– S’il vous tue ?
– Il ne me tuera pas. Je lui arracherai ses griffes, je le réduirai à l’impuissance. Et j’aurai les lettres. Il n’est pas de pouvoir humain qui puisse m’empêcher de les reprendre.
Il parlait avec une conviction violente et un ton de certitude qui donnait, aux choses qu’il prédisait, l’apparence réelle de choses déjà accomplies.
L’Empereur ne pouvait se défendre de subir un sentiment confus, inexplicable, où il y avait une sorte d’admiration et beaucoup aussi de cette confiance que Lupin exigeait d’une façon si autoritaire. Au fond il n’hésitait que par scrupule d’employer cet homme et d’en faire pour ainsi dire son allié. Et soucieux, ne sachant quel parti prendre, il marchait de la galerie aux fenêtres, sans prononcer une parole.
À la fin il dit :
– Et qui nous assure que les lettres ont été volées cette nuit ?
– Le vol est daté. Sire.
– Qu’est-ce que vous dites ?
– Examinez la partie interne du fronton, qui dissimulait la cachette. La date y est inscrite à la craie blanche : minuit, 24 août.
– En effet… en effet… murmura l’Empereur interdit… Comment n’ai-je pas vu ?
Et il ajouta, laissant percevoir sa curiosité :
– C’est comme pour ces deux N peints sur la muraille… je ne m’explique pas. C’est ici la salle de Minerve.
– C’est ici la salle où coucha Napoléon, Empereur des Français, déclara Lupin.
– Qu’en savez-vous ?
– Demandez à Waldemar, Sire. Pour moi, quand je parcourus le journal du vieux domestique, ce fut un éclair. Je compris que Sholmès et moi, nous avions fait fausse route. Apoon, le mot incomplet que traça le grand-duc Hermann à son lit de mort, n’est pas une contraction du mot Apollon, mais du mot Napoléon.
– C’est juste… vous avez raison… dit l’Empereur les mêmes lettres se retrouvent dans les deux mots, et suivant le même ordre. Il est évident que le grand-duc a voulu écrire Napoléon. Mais ce chiffre 813 ?…
– Ah ! C’est là le point qui me donna le plus de mal à éclaircir. J’ai toujours eu l’idée qu’il fallait additionner les trois chiffres 8,1 et 3, et le nombre 12 ainsi obtenu me parut aussitôt s’appliquer à cette salle qui est la douzième de la galerie. Mais cela ne suffisait pas. Il devait y avoir autre chose, autre chose que mon cerveau affaibli ne pouvait parvenir à formuler. La vue de l’horloge, de cette horloge située justement dans la salle Napoléon, me fut une révélation. Le nombre 12 signifiait évidemment la douzième heure. Midi ! Minuit ! N’est-ce pas un instant plus solennel et que l’on choisit plus volontiers ? Mais pourquoi ces trois chiffres 8,1 et 3, plutôt que d’autres qui auraient fourni le même total ?