Théologie hindoue: Le Kama soutra. Vatsyayana
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Théologie hindoue: Le Kama soutra - Vatsyayana страница 9
La morale du Paganisme nous séduit par sa facilité, par l'art et la poésie qui l'accompagnent; mais, à la réflexion, nous sommes frappés d'une supériorité de l'Art d'Aimer de Vatsyayana sur celui des poètes latins. Ceux-ci ne chantent que la volupté, le plaisir égoïste, et souvent le libertinage grossier d'une jeunesse habituée à la brutalité des camps. Vatsyayana donne pour but aux efforts de l'homme la satisfaction de la femme. C'est déjà, indépendamment même de la procréation, un point de vue altruiste par comparaison avec celui auquel se plaçaient les rudes enfants de Romulus, tels que nous les ont dépeints Catulle, Tibulle et Juvénal. On sait que ce dernier commence sa satyre sur les femmes de son temps par le conseil de prendre un mignon plutôt qu'une épouse pour laquelle il faudrait se fatiguer les flancs. La philopédie ([Grec: philopaidia]) était plus en honneur à Rome que le mariage; elle était inconnue à l'Inde brahmanique; Vatsyayana n'en fait même pas mention.
Un autre avantage des Indiens sur les Romains, c'était la décence extérieure dans les rapports entre les deux sexes. Les bonnes castes de l'Inde n'ont jamais rien connu qui ressemble à l'orgie romaine sous les Césars et au cynisme de Caligula.
Dans l'antiquité, une intrigue amoureuse n'était point une affaire de coeur. Pas plus chez les Indiens que chez les Romains, on ne trouve dans l'amour ce que nous appelons la tendresse; c'est là un sentiment tout moderne et qui prête à nos poètes élégiaques, tels que Parny, André Chénier, etc., un charme que n'ont point les Latins. Properce est le seul qui approche de la délicatesse moderne.
Mais la dureté romaine se retrouvait jusque dans la galanterie. Les jeunes Romains maltraitaient leurs maîtresses. Au cirque, on représentait des scènes mythologiques où le meurtre, non point simulé, mais bien réel, se mêlait à l'amour quelquefois bestial, et où souvent ont figuré Tibère et Néron.
Au contraire, l'Inde obéit à ce précepte: «Ne frappez point une femme, même avec une fleur.»
Nous rappellerons enfin que, dans l'Inde, l'amour est au service de la religion, tandis qu'à Rome la religion (le culte de Vénus par exemple) était au service de l'amour comme de la politique.
L'érotisme joue un grand rôle dans toutes les fêtes religieuses des
Hindous, il en est pour eux le principal attrait.
Tels sont les contrastes que notre travail fait ressortir et ils ne sont pas sans intérêt pour la science des religions.
L'ART D'AIMER
TITRE I GÉNÉRALITÉS
CHAPITRE I
Invocation.
Au commencement, le Seigneur des créatures[4] donna aux hommes et aux femmes, dans cent mille chapitres, les règles à suivre pour leur existence, en ce qui concerne:
Le Dharma ou devoir religieux[5];
L'Artha ou la richesse;
Le Kama ou l'amour.
La durée de la vie humaine, quand elle n'est point abrégée par des accidents, est d'un siècle.
On doit la partager entre le Dharma, l'Artha et le Kama, de telle sorte qu'ils n'empiètent point l'un sur l'autre; l'enfance doit être consacrée à l'étude; la jeunesse et l'âge mûr, à l'Artha et au Kama; la vieillesse, au Dharma qui procure à l'homme la délivrance finale, c'est-à-dire la fin des transmigrations.
[Note 4: Le Seigneur des créatures est une qualification souvent donnée à Siva. Vatsyayana était donc Sivaïste comme tous les brahmes de son temps.]
[Note 5: Pour les Brahmes, le Dharma est le rite religieux, le sacrifice, l'offrande, le culte, l'obéissance à la coutume. Pour les Bouddhistes, c'est la règle morale, le devoir philosophique.]
Le Dharma est l'accomplissement de certains actes, comme les sacrifices qu'on omet parce qu'on n'en aperçoit pas le résultat dans ce monde, et l'abstention de certains autres, comme de manger de la viande, que l'on accomplit parce qu'on en éprouve un bon effet.
L'Artha comprend l'industrie, l'agriculture, le commerce, les relations sociales et de famille; c'est l'économie politique que doivent apprendre les fonctionnaires et les négociants.
Le Kama est la jouissance, au moyen des cinq sens; il est enseigné par le Kama Soutra et la pratique.
Quand le Dharma, l'Artha et le Kama se présentent en concurrence, le Dharma est généralement préféré à l'Artha et l'Artha au Kama. Mais pour le roi, l'Artha occupe le premier rang, parce qu'il assure les moyens de subsistance.
Toute une école, très nombreuse, fait passer l'Artha avant tout, parce que, avant tout, il faut assurer les besoins de la vie.
En pratique, toutes les classes qui vivent de leur travail, et tous les hommes qui convoitent la richesse, suivent le sentiment de cette école.
Les Lokayatikas prétendent qu'il n'y a pas lieu d'observer le Dharma, parce qu'il n'a en vue que la vie future dans laquelle on ignore s'il portera ou non son fruit.
Selon eux, c'est sottise que de remettre en d'autres mains ce que l'on tient. En outre, il vaut mieux avoir un pigeon aujourd'hui qu'un coq de paon demain, et une pièce de cuivre que l'on donne vaut mieux qu'une pièce d'or que l'on promet.»
Réponse à l'objection:
«1° Le livre saint qui prescrit les pratiques du Dharma ne laisse place à aucun doute.
2° Nous voyons par expérience que les sacrifices offerts pour obtenir la destruction de nos ennemis ou la chute de la pluie portent leur fruit.
3° Le soleil, la lune, les étoiles et les autres corps célestes paraissent travailler avec intérêt pour le bien du monde.
4° Le monde ne se maintient que par l'observance des règles concernant les quatre castes et les quatre périodes de la vie.
5° On sème dans l'espérance de récolter.»
On ne doit point sacrifier le Kama à l'Artha parce que le plaisir est aussi nécessaire que la nourriture. Modéré et prudent, il s'associe au Dharma et à l'Artha. Celui qui pratique les trois est heureux dans cette vie et dans la vie future. Tout acte qui se lie à la fois aux trois ou seulement à deux ou même à un seul des trois peut être accompli. Tout acte qui, pour satisfaire l'un des trois, sacrifie les deux autres, doit être évité (par exemple, un homme qui se ruine par la dévotion ou le libertinage est insensé et coupable)[6].
[Note 6: Au temps de Vatsyayana, la philosophie