Discours de la méthode. Рене Декарт

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Discours de la méthode - Рене Декарт страница 10

Автор:
Серия:
Издательство:
Discours de la méthode - Рене Декарт

Скачать книгу

est humectée, la nature rafraîchie se repose en silence, le soleil brille, un arc, paré de couleurs éclatantes, se dessine dans l'air. Descartes en cherche la cause; il la trouve dans l'action du soleil sur les gouttes d'eau qui composent la nue: les rayons partis de cet astre tombent sur la surface de la goutte sphérique, se brisent à leur entrée, se réfléchissent dans l'intérieur, ressortent, se brisent de nouveau, et vont tomber sur l'oeil qui les reçoit. Je ne cherche point à parer Descartes d'une gloire étrangère; je sais qu'avant lui Antonio de Dominis avoit expliqué l'arc-en-ciel par les réfractions de la lumière; mais je sais que ce prélat célèbre avoit mêlé plusieurs erreurs à ces vérités. Descartes expliqua ce phénomène d'une manière plus précise et plus vraie: il découvrit le premier la cause de l'arc-en-ciel extérieur; il fit voir qu'il dépendoit de deux réfractions et de deux réflexions combinées. S'il se trompa dans les raisons qu'il donne de l'arrangement des couleurs, c'est que l'esprit humain ne marche que pas à pas vers la vérité; c'est qu'on n'avoit point encore analysé la lumière; c'est qu'on ne savoit point alors qu'elle est composée de sept rayons primitifs, que chaque rayon a un degré de réfrangibilité qui lui est propre, et que c'est de la différence des angles sous lesquels ces rayons se brisent que dépend l'ordre des couleurs. Ces découvertes étoient réservées à Newton. Mais, quoique Descartes ne connût pas bien la nature de la lumière, quoiqu'il la crût une matière homogène et globuleuse répandue dans l'espace, et qui, poussée par le soleil, communique en un instant son impression jusqu'à nous; quoique la fameuse observation de Roemer sur les satellites de Jupiter n'eût point encore appris aux hommes que la lumière emploie sept à huit minutes à parcourir les trente millions de lieues du soleil à la terre, Descartes n'en explique pas avec moins de précision, et les propriétés générales de la lumière, et les lois qu'elle suit dans son mouvement, et son action sur l'organe de l'homme. Il représente la vue comme une espèce de toucher, mais un toucher d'une nature extraordinaire et plus parfaite, qui ne s'exerce point par le contact immédiat des corps, mais qui s'étend jusqu'aux extrémités de l'espace, va saisir ce qui est hors de l'empire de tous les autres sens, et unit à l'existence de l'homme l'existence des objets les plus éloignés. C'est par le moyen de la lumière que s'opère ce prodige. Elle est, pour l'homme éclairé, ce que le bâton est pour l'aveugle: par l'un, on voit, pour ainsi dire, avec ses mains; par l'autre, on touche avec ses yeux. Mais, pour que la lumière agisse sur l'oeil, il faut qu'elle traverse des espaces immenses; ces espaces sont semés de corps innombrables, les uns opaques, les autres transparents ou fluides. Descartes suit la lumière dans sa route, et à travers tous ces chocs: il la voit, dans un milieu uniforme, se mouvoir en ligne droite; il la voit se réfléchir sur la surface des corps solides, et toujours sous un angle égal à celui d'incidence; il la voit enfin, lorsqu'elle traverse différents milieux, changer son cours, et se briser selon différentes lois.

      La lumière, mue en ligne droite, ou réfléchie, ou brisée, parvient jusqu'à l'organe qui doit la recevoir. Quel est cet organe étonnant, prodige de la nature, où tous les objets acquièrent tour à tour une existence successive; où les espaces, les figures et les mouvements qui m'environnent sont créés; où les astres qui existent à cent millions de lieues deviennent comme partie de moi-même; où, dans un demi-pouce de diamètre, est contenu l'univers? Quelles lois président à ce mécanisme? quelle harmonie fait concourir au même but tant de parties différentes? Descartes analyse et dessine toutes ces parties, et celles qui ont besoin d'un certain degré de convexité pour procurer la vue, et celles qui se rétrécissent ou s'étendent à proportion du nombre de rayons qu'il faut recevoir; et ces humeurs, d'une nature comme d'une densité différente, où la lumière souffre trois réfractions successives; et cette membrane si déliée, composée des filets du nerf optique, où l'objet vient se peindre; et ces muscles si agiles qui impriment à l'oeil tous les mouvements dont il a besoin. Par le jeu rapide et simultané de tous ces ressorts, les rayons rassemblés viennent peindre sur la rétine l'image des objets; et les houppes nerveuses transmettent par leur ébranlement leur impression jusqu'au cerveau. Là finissent les opérations mécaniques, et commencent celles de l'âme. Cette peinture si admirable est encore imparfaite, et il faut en corriger les défauts; il faut apprendre à voir. L'image peinte dans l'oeil est renversée; il faut remettre les objets dans leur situation: l'image est double; il faut la simplifier. Mais vous n'aurez point encore les idées de distance, de figure et de grandeur; vous n'avez que des lignes et des angles mathématiques. L'âme s'assure d'abord de la distance par le sens du toucher et le mouvement progressif; elle juge ensuite les grandeurs relatives par les distances, en comparant l'ouverture des angles formés au fond de l'oeil. Des distances et des grandeurs combinées résulte la connoissance des figures. Ainsi le sens de la vue se perfectionne et se forme par degrés; ainsi l'organe qui touche prête ses secours à l'organe qui voit; et la vision est en même temps le résultat de l'image tracée dans l'oeil et d'une foule de jugements rapides et imperceptibles, fruits de l'expérience. Descartes, sur tous ces objets, donne des règles que personne n'avoit encore développées avant lui; il guide la nature, et apprend à l'homme à se servir du plus noble de ses sens. Mais, dans un être aussi borné et aussi foible, tout s'altère; cette organisation si étonnante est sujette à se déranger; enfin, le genre humain est en droit d'accuser la nature, qui, l'ayant placé et comme suspendu entre deux infinis, celui de l'extrême grandeur et celui de l'extrême petitesse, a également borné sa vue des deux côtés, et lui dérobe les deux extrémités de la chaîne. Grâces à l'industrie humaine appliquée aux productions de la nature, à l'aide du sable dissous par le feu, on a su faire de nouveaux yeux à l'homme, prescrire de nouvelles routes à la lumière, rapprocher l'espace, et rendre visible ce qui ne l'est pas. Roger Bacon, dans un siècle barbare, prédit le premier ces effets étonnants; Alexandre Spina découvrit les verres concaves et convexes; Métius, artisan hollandais, forma le premier télescope; Galilée en expliqua le mécanisme: Descartes s'empare de tous ces prodiges; il en développe et perfectionne la théorie; il les crée pour ainsi dire de nouveau par le calcul mathématique; il y ajoute une infinité de vues, soit pour accélérer la réunion des parties de la lumière, soit pour la retarder, soit pour déterminer les courbes les plus propres à la réfraction, soit pour combiner celles qui, réunies, feront le plus d'effet; il descend même jusqu'à guider la main de l'artiste qui façonne les verres, et, le compas à la main, il lui trace des machines nouvelles pour perfectionner et faciliter ses travaux. Tels sont les objets et la marche de la dioptrique de Descartes19, un des plus beaux monuments de ce grand homme, qui suffiroit seul pour l'immortaliser, et qui est le premier ouvrage où l'on ait appliqué, avec autant d'étendue que de succès, la géométrie à la physique. Dès l'âge de vingt ans il avoit jeté un coup d'ceil rapide sur la théorie des sons, qui peut-être a tant d'analogie avec celle de la lumière20. Il avoit porté une géométrie profonde dans cet art, qui chez les anciens tenoit aux moeurs et faisoit partie de la constitution des états, qui chez les modernes est à peine créé depuis un siècle, qui chez quelques nations est encore à son berceau; art étonnant et incroyable, qui peint par le son, et qui, par les vibrations de l'air, réveille toutes les passions de l'âme. Il applique de même les calculs mathématiques à la science des mouvements; il détermine l'effet de ces machines qui multiplient les bras de l'homme, et sont comme de nouveaux muscles ajoutés à ceux qu'il tient de la nature. L'équilibre des forces, la résistance des poids, l'action des frottements, le rapport des vitesses et des masses, la combinaison des plus grands effets par les plus petites puissances possibles; tout est ou développé ou indiqué dans quelques lignes que Descartes a jetées presque au hasard21. Mais, comme, jusque dans ses plus petits ouvrages, sa marche est toujours grande et philosophique, c'est d'un seul principe qu'il déduit les propriétés différentes de toutes les machines qu'il explique.

      Un plus grand objet vient se présenter à lui: une machine plus étonnante, composée de parties innombrables, dont plusieurs sont d'une finesse qui les rend imperceptibles à l'oeil même le plus perçant; machine qui, par ses parties solides, représente des leviers, des cordes, des poulies, des poids et des contre-poids, et est assujettie aux lois de la statique ordinaire; qui, par ses fluides et les vaisseaux

Скачать книгу