Les douze nouvelles nouvelles. Arsène Houssaye
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III
Jusqu'à onze heures, Janina, comme un roseau au vent, s'inclinait tour à tour sous la volonté et l'indécision, se disant: «Je n'irai pas,» quand elle était décidée à tenter l'aventure; se disant: «J'irai,» quand elle avait renoncé à tout.
Ce qui la décida, coûte que coûte, vaille que vaille, c'est que son mari ne rentra pas pour dîner. Il lui écrivit un mot qui la glaça.
Comme il aspirait à un secrétariat d'ambassade, il lui parlait du ministre.
—Encore un mensonge! dit-elle en jetant la lettre au feu. Le ministre, c'est sa maîtresse; eh bien! je serai son ministre, moi!
La Faramineuse demeurait rue Royale, dans un petit appartement qui était une première station vers les splendeurs de la vie de courtisane. Jusque-là elle avait eu plus de dettes que de rentes sur l'État. Son capital se composait de cinquante mille francs de diamants, d'un mobilier de toutes les paroisses et d'un tempérament de soupeuse. Pas une obole de plus!
Janina fut presque surprise de trouver cet intérieur quelque peu mélancolique.
—Comment, murmura-t-elle en entrant, il se plaît mieux sur ce fumier que dans mon nid de dentelles!
Elle jeta ses yeux partout, avec la curiosité d'une grande dame chez une courtisane. Elle commença par déchirer une photographie de son mari, à la glace de la cheminée. Presque aussitôt, en feuilletant un roman de cuisinière, elle trouva comme signet une autre photographie. On pourrait croire que c'était celle de M. Alphonse, placée à la bonne page. Pas du tout. C'était le portrait d'un prince Rio, qui aime toutes les compagnies—même les mauvaises.
La Faramineuse se servait de cette photographie en guise de coupe-papier.
Janina reconnut le prince. Elle le rencontrait dans le monde. Elle constata une fois de plus qu'il ressemblait à son mari.
Cependant, l'heure allait sonner. La jeune femme, de plus en plus pâle, entendait battre son coeur. Il lui semblait qu'elle allait mourir. Elle tomba agenouillée et demanda pardon à Dieu.
Quand elle se releva, le hasard la mit en présence d'une bouteille de fine champagne. Pour se donner du courage, elle fit comme ces comédiennes qui ont peur à leur entrée en scène: elle but à pleine volée.
Je ne sais si le courage lui vint plus tard, mais la fine champagne ne l'empêcha pas de s'écrier:
—Quoi! c'est moi, moi Janina de R., qui vais me mettre dans ce lit!
Elle avait reconnu, d'ailleurs, que la Faramineuse lui avait donné luxe du beau linge. Caroline Bertin, en la quittant, avait acheté au Louvre une magnifique paire de draps brodés au plumetis avec une couronne de princesse.
Ce n'était pas une vaine dépense: cela lui servirait pour les grands jours. Mais au moins la princesse en aurait la virginité!
A peine déshabillée, Janina s'écria: «Jamais!» Un peu plus, elle remettait sa robe.
Mais elle entendit du bruit. Il fallait franchir le Rubicon.
Elle éteignit les deux bougies du candélabre, elle les jeta dans la cheminée et se nicha dans le lit, où elle fit semblant de dormir.
La Faramineuse lui avait dit que son amant la surprenait toujours endormie.
La porte s'ouvrit.
—Lui! murmura Janina. O mon Dieu, faites-nous mourir tous les deux.
A ce moment, la femme de chambre répétait encore au nouveau venu sa leçon—bien apprise.
IV
Ici, les documents font absolument défaut à l'historien. Ce qu'il sait bien, c'est ceci:
Le lendemain, bien avant l'aurore. Janina s'envola comme un oiseau qui ne bat que d'une aile; ou plutôt, pour parler en prose, elle s'habilla en toute hâte vers quatre heures du matin, l'heure où elle savait que son mari s'échappait des bras de la Faramineuse. Sa longue pelisse cachait sa tête comme son corps, mais elle ne se trouvait pas encore assez cachée pour sortir de chez une fille et pour rentrer chez une honnête femme!
Rentra-t-elle chez une honnête femme?
Fut-elle vraiment bien surprise quand sa fille de chambre lui dit, tout ébahie de la voir rentrer si tard sans être en toilette de bal:
—Madame sait-elle que Monsieur est revenu de très bonne heure avec une fièvre de cheval?
Fut-ce pour Janina le Mané, Thécel, Pharès venant la surprendre dans l'enivrement de son triomphe,—ou de sa défaite? Savait-elle, à ce moment, que le beau prince entrevu en photographie dans le vulgaire roman que lisait la Faramineuse avait pris—nouveau Jupiter—les plumes et le nid d'Amphitryon?
Je ne sais par quelle indiscrétion l'histoire courut vaguement, sans toutefois qu'on arrachât les masques. Ce qui est certain, c'est qu'une amie de la Faramineuse lui dit un jour: «On prétend que tu as touché dix mille francs pour rapatrier une femme avec son mari.
—Ma chère amie, j'ai touché quinze mille francs: dix mille francs de la dame, et cinq mille francs du prince.
—C'était donc un prince?» La Faramineuse se mordit les lèvres.
Ste Thérèse a dit: «Nous avons dans le coeur la source des larmes qui lavent nos péchés.» Janina qui avait tant pleuré, pleura encore.
Son mari ne retourna pas chez la Faramineuse.—Ni elle non plus.
LE HUITIÈME PÉCHÉ CAPITAL
III
LE HUITIÈME PÉCHÉ CAPITAL
I