Traité de la Vérité de la Religion Chrétienne. Hugo Grotius

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Traité de la Vérité de la Religion Chrétienne - Hugo Grotius

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pas entièrement morte, ils n'entrent pas quelquefois en défiance de leurs sentimens & de leur témérité? Qui sait si alors ils ne repassent pas avec exactitude ces Véritez; qu'ils avoient rejettées, & leurs preuves qu'ils n'avoient pû goûter? Qui sait si dans cette revue ils ne pourroient pas bien passer à la Religion ses obscuritez, ses Mystéres, ses Miracles, la beauté même & l'austérité de sa Morale, considerée en général comme preuve, si elle n'exigeoit pas d'eux des devoirs contre lesquels ils se sont fortifiez le coeur par un long endurcissement, & dont ils se sont rendu la pratique comme impossible? Qui sait enfin, si alors désespérant de pouvoir y fléchir leur coeur, & apaiser par de véritables regrets la Divinité outragée, ce désespoir ne les replonge pas plus avant que jamais, dans leurs premiers égaremens?

      Toutes ces considérations ne seront peut-être pas inutiles, pour diminuer le scandale que pourroit donner aux véritables Chrétiens l'opiniâtreté de tant d'Esprits éclairez, qui marquent si peu de soumission & si peu d'amour pour une Religion, que mille preuves convainquantes devroient leur faire recevoir.

      Avant que de finir, je dois me justifier sur deux Points. 1. Sur ce que ce Livre aiant déjà paru en François, il semble que je me sois donné une peine assez inutile. 2. Sur la conduite un peu libre que j'ai tenue dans cette Traduction.

      A l'égard du 1. j'avouerai franchement que j'avois déjà commencé ma Traduction, avant que de savoir qu'il y en eût une. Je l'apris quelque tems après; & j'apris aussi que cette Traduction étoit assez bonne, quoi qu'elle n'aprochât pas de celles des Giri & des Ablancourt. Sur cela je fis réflexion que peut-être le Traducteur s'étoit un peu asservi à l'Original; que peut-être voulant en conserver le suc & la force, il en avoit un peu conservé la dureté; que depuis ce tems-là, nôtre Langue avoit assez considérablement changé, soit pour la pureté des termes & des expressions, soit à l'égard de la clarté du stile, pour donner aux esprits médiocres d'à présent quelque avantage à cet égard sur les meilleurs de ce tems-là; qu'enfin la facilité d'avoir une Traduction passablement bonne donneroit à la mienne quelque avantage sur l'autre, qui est extrémement rare.

      Pour ce qui est des libertez que je me suis données, elles regardent ou le stile, ou les choses mêmes.

      Le stile de Grotius, comme on le sait, est serré & concis. Ce caractére, qui trouve de grands modéles dans la Langue dont cet Auteur s'est servi, & qui semble avoir cet avantage, de retrancher toutes les superfluitez fastueuses du Langage des Orateurs, pour présenter à l'esprit plus de choses que de mots: ce caractère, dis-je, n'a pu jusqu'ici gagner le dessus en nôtre Langue. Si d'un côté elle ne donne pas dans les prolixitez & les détours du Langage oratoire, elle se fait d'ailleurs un scrupule d'abandonner cette clarté & cette douceur, qui l'ont jusqu'ici distinguée des autres Langues. Et pour le dire ici par une espéce de digression, ce caractère n'est-il pas infiniment plus raisonnable que l'autre? A quoi bon ce ménagement mystérieux par lequel on ne se montre qu'à demi, lors qu'on peut sans honte se montrer tout entier? A quoi bon cette épargne de termes & d'expressions, lors que ceux à qui vous parlez ne vous peuvent entendre qu'en supléant à peu près ce que vous avez suprimé? A quoi bon enfin cette sécheresse & cette dureté dans des matières qui occupent assez l'esprit par elles-mêmes, sans emprunter le secours du stile obscur & serré, pour mériter quelque aplication?

      Encore une fois, je ne prétens pas blâmer absolument les maniéres de Grotius. Il a ses modéles, qui font encore aujourd'hui les délices des Savans. Outre cela il est certain qu'il est bien difficile de vaincre son naturel, & de sortir de son caractère. Si ce naturel n'a pu le porter à la dernière clarté ni dans cet Ouvrage ni dans plusieurs autres, il vaut mieux qu'il s'en soit éloigné par ce stile un peu sec mais savant, que de donner, en s'en raprochant, dans cette superfluité si rebutante pour ceux qui ne se payent pas de mots. Il est beaucoup plus agréable à un esprit bien fait, d'ajouter que de retrancher, de suivre son Auteur en lecteur atentif & ataché, que de le suivre en Censeur dégoûté par l'abondance incommode de ses expressions. Il est plus agréable de trouver plus qu'on n'atendoit, que de ne trouver presque rien.

      C'est dans le dessein de garder le milieu entre ces deux extrémitez vicieuses, que je me suis permis de tems en tems de certaines libertez. Ici j'ai dévelopé une pensée ou une preuve que l'Auteur avoit plûtôt indiquée que traitée: là j'ai changé son ordre, lors que j'ai cru pouvoir y en substituer un plus clair & plus facile. En un mot, j'ai tâché à me rendre maître de mon Auteur quand je l'ai cru nécessaire pour le plier à nos manières. Mes premières vues ont été de découvrir les pensées & de les exprimer. Mes secondes vûes ont été de les exprimer, comme il l'a fait lui-même. Mais lors que je n'ai pu obéïr à cette seconde loi sans tomber dans l'obscurité ou dans la langueur, je m'en suis départi: me tenant néanmoins ataché inviolablement à la 1. de ces deux Loix, qui est de réprésenter fidélement les pensées de l'Auteur.

      Pour ce qui est des libertez qui regardent les choses mêmes, elles consistent en quelques Additions & quelques Remarques.

      Je ne pretens pas exclure Mr. du Plessis Mornai du nombre de ceux qui ont reüssi sur la matiere.

      Je ne dirai là-dessus qu'un mot en général. Il n'est point d'Ouvrage parfait à tous égards, & où une revue exacte faite par d'autres yeux que ceux de l'Auteur, ne puisse découvrir quelque endroit à fortifier, & quelque autre à redresser. Cela arrive sur tout dans les matiéres qui n'ont pas encore reçu leur derniére perfection. Telle étoit du tems de Grotius celle qu'il traite en ce Livre. C'est presque lui qui a ouvert la carriére; d'autres y ont heureusement couru sur ses pas. Et je ne sai si l'on ne peut pas dire que M. Abbadie l'a fournie parfaitement, & qu'il s'est rendu pour le moins aussi original que Grotius l'étoit en son tems. Il ne faut donc à présent qu'une capacité médiocre pour apercevoir dans ceux qui ont précédé, certaines choses qui pouvoient être plus éclaircies & mieux prouvées, & d'autres qui ne sont pas dans toute l'exactitude où elles auroient été, si elles fussent nées plus tard.

      En particulier, l'on voit en quelques endroits du premier Livre de ce Traité, une certaine teinture de vieille Philosophie qui n'est plus à la mode, depuis que l'on a apris à mieux raisonner, à ne se pas contenter de mots, & à ne rien admettre que de clair & de certain. Mais ces endroits sont rares, & ils ne préjudicient aucunement au fond du Systême de cet Auteur, ni à la force de ses raisons.

      Peut-être cependant aurois-je mieux fait de donner l'Auteur tel qu'il est, & de me tenir dans une religieuse retenue. On écoute volontiers ceux qui par leurs longs services ont aquis le droit de parler en maîtres. On souffre qu'ils se mesurent à ceux du premier rang. C'est là le privilège des vétérans dans la République des Lettres. Le partage des nouveaux venus est d'écouter, & de se taire. Et quoi qu'en matiére de raisonnement, le bon sens ne reconnoisse ni âge ni sexe, & qu'étant Citoyen né dans cette heureuse République dont nous parlions, il doive jouir de tous ses privilèges: il y a néanmoins en cela, comme en beaucoup d'autres rencontres, de certaines bien-séances qu'on ne peut se dispenser de suivre sans quelque nécessité. Si l'on trouve que j'en aye passé les bornes, je suis tout prêt à rentrer dans le devoir en éfaçant & Additions & Remarques.

      Il ne sera pas inutile d'avertir ici le Lecteur, que quoique nôtre Langue n'ait point encore d'orthographe fixe, on on s'est déterminé à retrancher toutes les lettres superflues, afin de mettre ce Livre en état d'être lu commodément de toutes sortes de personnes. Si cette maniére d'écrire ne plait pas à tout le monde, du moins elle a cet avantage par dessus les autres, qu'elle est & la plus débarassée & la plus uniforme.

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