Le dernier vivant. Paul Feval

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le dernier vivant - Paul Feval страница 9

Автор:
Серия:
Издательство:
Le dernier vivant - Paul  Feval

Скачать книгу

ne me laissa pas achever ce nom.

      Ce fut avec une véritable violence qu'il sauta hors de son siège pour appuyer sur ma bouche sa main qui était glacée et qui tremblait.

      —Tu mens! s'écria-t-il. Je ne suis pas celui-là!

      Et il ajouta par trois fois, secoué par une émotion fiévreuse:

      —Non! non! non! je ne suis pas celui-là! Celui-là a condamné une femme à mort. Si j'étais celui-là, il me faudrait donc tuer cette femme!

       Table des matières

       Table des matières

      Lucien parlait-il encore de Jeanne Péry? Et pourquoi Lucien aurait-il tué Jeanne Péry qui était son âme?

      Je n'osais plus interroger parce que je le voyais en proie à une surexcitation croissante. Ses lèvres tremblaient et ses cheveux s'agitaient sur son crâne.

      Tout à coup sa tête s'inclina si bas que ses deux mains croisées sur ses genoux furent inondées par les boucles de ses cheveux. Il dit d'un ton d'accablement:

      —Condamner! tuer! une femme! Peut-être que Lucien Thibaut ne devrait pas se montrer si sévère. Il a eu des torts. Je sais qu'il a eu de grands torts. Êtes-vous encore là, Geoffroy?

      Ma main toucha la sienne.

      —Merci, prononça-t-il tout bas et sans se redresser. Je n'aurais pas été surpris si vous m'aviez abandonné. Écoutez-moi, Geoffroy: En un jour dans sa vie, un seul jour, il est vrai, et précisément à l'égard de cette femme la conduite de Lucien Thibaut ne fût pas celle d'un galant homme.

      À ces derniers mots, il s'arrêta pour prêter l'oreille, puis il se redressa furieusement et me regarda en face, comme si l'accusation fût venue de moi et non pas de lui-même.

      Sa colère était si violente que tout son corps frémissait. Sa main crispée s'agitait. Je crus qu'il allait me frapper au visage.

      Mais il se contint par un effort puissant qui gonfla les veines de son front, et me dit avec amertume:

      —Je n'ai pas à défendre Lucien Thibaut. Ce sont des choses fatales. Il est juge, il a jugé et il a condamné. Pensez de lui ce que vous voudrez, il doit la tuer, il la tuera! voilà.

      Sa tête retomba lourdement et il ne bougea plus.

      Je crus d'abord qu'il éprouvait un spasme ou même un évanouissement, car son immobilité ne cessait point, mais je m'aperçus bientôt qu'il dormait tout simplement. La force de son émotion l'avait brisé comme il arrive aux enfants de tomber dans le sommeil après la colère ou les larmes.

      Tantôt son souffle était égal et doux, tantôt il subissait une oppression soudaine. Un rêve lui rendait peut-être, non pas seulement l'émoi qui venait de secouer sa faiblesse engourdie, mais d'autres commotions plus anciennes et plus douloureuses aussi. Une fois il laissa échapper des paroles confuses, entremêlées de sanglots. Je crus distinguer deux noms, deux noms de femme: Jeanne, Olympe.... Mme la marquise de Chambray s'appelait Olympe. Je savais cela dès le collège. Était-ce cette Olympe qu'il avait condamnée!

      Il dormit longtemps. Je ne songeais ni à l'éveiller ni à me retirer. J'avais pris un livre que je tenais ouvert, mais je ne lisais pas.

      À peine puis-je dire que je pensais. Quelque chose de lourd pesait sur mon cœur et sur mon intelligence.

      Quand cette idée de me retirer me vint à la fin, je la repoussai comme une impossibilité.

      Il me sembla que j'étais ici à mon devoir tout naturellement et que j'y devais rester jusqu'à ce qu'un événement quelconque vint me relever de ma faction.

      Faction est bien le mot: je me sentais de garde.

      Lucien m'avait appelé; je le trouvais malheureux et seul; car je ne sais si d'autres partagent ce sentiment: c'est surtout dans ces faux hospices, ouverts par la spéculation, que l'isolement semble navrant.

      Je crois que Lucien m'eût parut moins abandonné dans un trou campagnard ou dans un grenier parisien.

      Partout où le Dr Chapart, quel que soit son vrai nom, débite son sirop, il y a odeur de séquestration.

      Depuis que j'avais passé le seuil de cette cellule, j'étais chargé de Lucien. Je l'entendais, je l'acceptais ainsi.

      À la longue, pendant qu'il reposait, ses mains s'étaient écartées, et je voyais cette pauvre figure enfantine dans son cadre de cheveux bouclés, dont bien des femmes eussent envié la finesse et l'abondance.

      Était-ce là un homme de trente ans? un homme que j'avais connu joyeux, intelligent et fort?

      Quel pouvait être l'étrange mystère de cette décadence?

      Je ne puis dire que mon envie de percer le mystère fût très vive en ce moment. J'étais beaucoup plus désolé que curieux.

      Il y avait là une énigme, et toute énigme qui se pose porte avec soi son aiguillon; mais l'aiguillon ne m'avait pas encore piqué.

      La preuve, c'est que je me souviens de l'instant précis où ma curiosité, soudainement éveillée, secoua les langueurs de ma tristesse.

      Il pouvait y avoir une heure et demi que Lucien dormait. Le soleil de midi se cachait sous des nuées orageuses. Des bouffées de tièdes parfums montaient du parterre qui fleurissait sous la fenêtre.

      La voix lointaine de Paris arrivait comme un sourd murmure dans la maison muette. La feuillée des grands arbres assombrissait encore le jour pâle et gris.

      Je dis tout cela parce que tout cela me gênait et m'opprimait.

      À force de regarder le sommeil de Lucien, j'avais fermé les yeux moi-même, rêvant confusément au mélancolique début de notre revoir.

      J'étais ainsi, n'ayant plus qu'une conscience très vague des choses extérieures, lorsque je crus entendre un faible craquement dans la chambre même, à quelques pas de moi.

      Je rouvris les yeux à demi. Une porte que je n'avais pas aperçue—ce n'était pas celle par où le Dr Chapart et moi nous étions entrés—roula lentement sur ses gonds.

      Je regardai mieux, pensant que c'était l'œuvre du vent, car l'orage commençait à agiter les feuilles; mais je vis paraître au seuil une jeune femme d'une remarquable beauté, élégamment vêtue de noir et appartenant, selon les apparences, à ce qu'on appelle la classe distinguée.

      Elle ne me vit point, d'abord, parce que son regard inquiet cherchait Lucien.

      Inquiet

Скачать книгу