Le secret de l'échafaud. Auguste de Villiers de l'Isle-Adam

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Le secret de l'échafaud - Auguste de Villiers de l'Isle-Adam

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       Auguste de Villiers de L'Isle-Adam

      Le secret de l'échafaud

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066086725

       L’AMOUR SUPRÊME

       SAGACITÉ D’ASPASIE

       LE SECRET DE L’ÉCHAFAUD

       L’INSTANT DE DIEU

       UNE PROFESSION NOUVELLE

       L’AGENCE DU CHANCELIER D’OR

       LA LÉGENDE DE L’ÉLÉPHANT BLANC

       CATALINA

       LES EXPÉRIENCES DU Dr CROOKES

       LE DROIT DU PASSÉ

       LE TZAR ET LES GRANDS-DUCS

       L’AVENTURE DE TSË-I-LA

       AKËDYSSÉRIL

       Table des matières

       Les cœurs chastes diffèrent des Anges en félicité, mais pas en honneur.

      St-Bernard.

      Ainsi l’humanité, subissant, à travers les âges, l’enchantement du mystérieux Amour, palpite à son seul nom sacré.

      Toujours elle en divinisa l’immuable essence, transparue sous le voile de la vie, — car les espoirs inapaisés ou déçus que laissent au cœur humain les fugitives illusions de l’amour terrestre, lui font toujours pressentir que nul ne peut posséder son réel idéal sinon dans la lumière créatrice d’où il émane.

      Et c’est pourquoi bien des amants — oh ! les prédestinés ! — ont su, dès ici-bas, au dédain de leurs sens mortels, sacrifier les baisers, renoncer aux étreintes et, les yeux perdus en une lointaine extase nuptiale, projeter, ensemble, la dualité même de leur être dans les mystiques flammes du Ciel. A ces cœurs élus, tout trempés de foi, la Mort n’inspire que des battements d’espérance ; en eux, une sorte d’Amour-phénix a consumé la poussière de ses ailes pour ne renaître qu’immortel : ils n’ont accepté de la terre que l’effort seul qu’elle nécessite pour s’en détacher.

      Si donc il est vrai qu’un tel amour ne puisse être exprimé que par qui l’éprouve, et puisque l’aveu, l’analyse ou l’exemple n’en sauraient être qu’auxiliateurs et salubres, celui-là même qui écrit ces lignes, favorisé qu’il fût de ce sentiment d’en haut, n’en doit-il pas la fraternelle confidence à tous ceux qui portent, dans l’âme, un exil ?

      En vérité, ma conscience ne pouvant se défendre de le croire, voici, en toute simplicité, par quels chaînons de circonstances, de futiles hasards mondains, cette sublime aventure m’arriva.

      Ce fut grâce à la parfaite courtoisie de M. le duc de Marmier que je me trouvai, par ce beau soir de printemps de l’année 1868, à cette fête donnée à l’hôtel des Affaires étrangères.

      Le duc était allié à la maison de M. le marquis de Moustiers, alors aux Affaires. Or, la surveille, à table, chez l’un de nos amis, j’avais manifesté le désir de contempler, par occasion, le monde impérial, et M. de Marmier avait poussé l’urbanité jusqu’à me venir prendre chez moi, rue Royale, pour me conduire à cette fête, où nous entrâmes sur les dix heures et demie.

      Après les présentations d’usage, je quittai mon aimable introducteur et m’orientai.

      Le coup d’œil du bal était éclatant ; les cristaux des lustres lourds flambaient sur des fronts et des sourires officiels ; les toilettes fastueuses jetaient des parfums ; de la neige vivante palpitait aux bords tout en fleur des corsages ; le satiné des épaules, que des diamants mouillaient de lueurs, miroitait.

      Dans le salon principal, où se formaient des quadrilles, des habits noirs, sommés de visages célèbres, montraient à demi, sous un parement, l’éclair d’une plaque aux rayons d’or neuf. Des jeunes filles, assises, en toilette de mousseline aux traînes enguirlandées, attendaient, le carnet au bout des gants, l’instant d’une contredanse. Ici, des attachés d’ambassade, aux boutonnières surchargées d’ordres en pierreries, passaient ; là, des officiers généraux, cravatés de moire rouge et la croix de commandeur en sautoir, complimentaient à voix basse d’aristocratiques beautés de la cour. Le triomphe se lisait dans les yeux de ces élus de l’inconstante Fortune.

      Dans les salons voisins devisaient des groupes diplomatiques, parmi lesquels on distinguait un camail de pourpre. Des étrangères marchaient, attentives, l’éventail aux lèvres, aux bras de « conseillers » de chancelleries ; ici, les regards glissaient avec le froid de la pierre. Un vague souci semblait d’ordonnance sur tous les fronts. — En résumé, la fête me paraissait un bal de fantômes, et je m’imaginais que, d’un moment à l’autre, l’invisible montreur de ces ombres magiques allait s’écrier fantastiquement dans la coulisse, le sacramentel : « Disparaissez ! »

      Avec l’indolence ennuyée qu’impose l’étiquette, je traversai donc cette pièce encore et parvins en un petit salon à peu près désert, dont j’entrevoyais à peine les hôtes. Le balcon d’une vaste croisée grand’ouverte invitait mon désir de solitude ; je vins m’y accouder. Et, là, je laissai mes regards errer au dehors sur tout ce pan du Paris nocturne qui, de l’Arc-de-l’Étoile à Notre-Dame, se déroulait à la vue.

      *

      Ah ! l’étincelante nuit ! De toutes parts, jusqu’à l’horizon, des myriades de lueurs fixes ou mouvantes peuplaient l’espace. Au delà des quais et des ponts sillonnés de lueurs d’équipages, les lourds feuillages des Tuileries, en face de la croisée, remuaient, vertes clartés, aux souffles du Sud. Au ciel, mille feux brûlaient dans le bleu-noir de l’étendue. Tout en bas, les astrals reflets frissonnaient dans l’eau sombre : la Seine fluait, sous ses arches, avec des

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