Les cotillons célèbres. Emile Gaboriau

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Les cotillons célèbres - Emile Gaboriau

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COUR DE CHARLES VII.

       Table des matières

      Souverain dépossédé, roi sans couronne, Charles VII s'en allait perdant une à une les plus riches provinces de ce beau pays de France, devenu la proie des Anglais. La Normandie était conquise; Paris obéissait à des maîtres venus d'outremer; Orléans et toutes les villes environnantes ne voyaient plus briller la fleur-de-lis d'or de la royauté française.

      A l'insensé Charles VI il eût fallu un successeur actif et énergique, Charles VII était indolent et faible: loin de profiter de l'ardeur guerrière de ses chevaliers fidèles, il ne songeait qu'à la contenir, et, sans souci de son devoir de roi, il ne s'occupait que de plaisirs et de fêtes, à l'heure où pièce à pièce s'écroulait l'édifice si péniblement construit de la nationalité.

      L'Anglais, déjà, se croyait vainqueur, et le roi d'Angleterre prenait le titre de roi d'Angleterre et de France.

      Quelques jours encore, et c'en était fait du royaume de Charles VII, la France était à deux doigts de sa perte, un miracle seul pouvait la sauver....

      Le miracle eut lieu!

      Une jeune paysanne, bien ignorante, bien inconnue, apparaît tout à coup à la cour du roi fugitif. C'est Jeanne Darc, l'humble bergère de Domrémy.

      A travers mille périls, elle est venue trouver Charles VII, parce qu'elle en a reçu l'ordre d'en haut; des voix ont parlé à son oreille; elle a obéi.

      A cette heure où le découragement s'est emparé de tous, elle annonce qu'elle a mission de Dieu pour chasser l'Anglais, pour faire sacrer le «gentil Dauphin,» pour sauver la France.

      L'incrédulité et la raillerie l'accueillent. En ce temps de superstitions et de ridicules croyances nul ne veut ajouter foi à ses paroles.

      —Que peut cette vilaine pour votre cause? disent au roi les courtisans.

      Mais Charles VII répond:

      —Quelle que soit la main qui me rendra ma couronne, je bénirai cette main.

      Et il accueille Jeanne Darc, et il déclare que, le premier, il veut combattre sous sa miraculeuse bannière.

      A dater de ce moment la vierge de Vaucouleurs devient le premier capitaine de Charles VII, tous les seigneurs se disputent l'honneur de la suivre au combat. On forme sa maison, D'Aulon est son premier écuyer, Raymond et Louis de Contes sont ses pages; elle choisit pour hérauts d'armes d'Ambleville et Guienne; le frère Jean Pasquerel, lecteur du couvent des Augustins de Tours, est son aumônier.

      La France, comme l'agonisant qui recueille avidement la moindre parole de salut, a entendu la voix de la vierge inspirée, la France tressaille et renaît à l'espérance.

      Jeanne Darc dit:

      —Levez vous, et marchons!

      Chacun se lève et la suit.

      —Allons sauver Orléans!

      Et Orléans est sauvé.

      De ce jour, les choses changent de face; l'ennemi tremble à son tour. Jeanne Darc lui renvoie la terreur que, la veille encore, il inspirait à tous. L'Anglais n'attaque plus, il se défend. Il se renferme dans ses places fortes dont les murailles ne lui semblent même plus un abri suffisant. L'heure de la délivrance a sonné et, chaque jour, depuis l'arrivée de l'héroïque jeune fille, est marqué par de nouvelles conquêtes.

      Jeanne Darc tient cependant toutes ses promesses, et bientôt, à la tête de douze mille hommes, elle traverse un pays presqu'entièrement occupé par l'ennemi, et arrive jusqu'à Reims où Charles VII doit être sacré.

      A l'église, elle se tient près du roi, son étendard à la main.

      —Il était à la peine, dit-il, il est juste qu'il soit à l'honneur.

      Mais là s'arrête la mission de la vierge inspirée, les cérémonies du sacre terminées, Jeanne Darc conjure le roi de lui permettre de se retirer. Se mettant à genoux devant lui, «l'accolant par les genoux,» elle se met à fondre en larmes et toute l'assemblée avec elle:

      —Gentil roi, dit-elle, ores est exécuté le plaisir de Dieu qui voulait que vous vinssiez à Reims recevoir votre digne sacre, pour montrer que vous êtes vrai roi et celui auquel le royaume doit appartenir, voilà mon devoir accompli, souffrez donc que je retourne vers mes parents qui sont en grand mal de moi.

      Mais elle exerçait un trop grand prestige sur le peuple et sur l'armée pour qu'on la laissât partir. Obligée de rester, elle en éprouve un «grand regret;» sa confiance en elle même l'abandonne.

      —Je n'entends plus mes voix, disait-elle, et c'est l'indice de ma fin prochaine.

      Ce triste pressentiment allait, hélas! se réaliser bientôt.

      Le duc de Bourgogne assiégeait alors Compiègne, qui venait de se rendre aux armes de Charles VII.

      Toujours la première au danger, Jeanne Darc accourt à la défense de la ville menacée. Dès le jour de son arrivée, elle tente contre les Bourguignons une vigoureuse sortie. Les Français, inférieurs en nombre, sont repoussés. Jeanne, toujours la dernière à la retraite, reste seule exposée à tous les coups; elle tient tête aux masses afin de laisser aux siens le temps de se retirer. Enfin, elle songe à rentrer dans la ville; il est trop tard. Imprudence, fatalité ou trahison, la poterne qui doit assurer son salut est fermée, et, après d'héroïques efforts, elle est obligée de se rendre.

      Un chevalier bourguignon, le bâtard de Vendôme, reçoit son épée.

      A la nouvelle fatale, une morne tristesse enveloppe la France comme un crêpe de deuil. Les Anglais, au contraire, font éclater les transports de la joie la plus vive; dans toutes leurs églises ils font chanter des Te Deum; c'est que la Pucelle leur semble plus redoutable qu'une armée!

      Mais tenir Jeanne Darc prisonnière n'est point assez pour l'Anglais. Il faut tenter de détruire le prestige de l'héroïne de la France, et, par un procès infâme, on essaie de la flétrir.

      L'évêque de Beauvais, Pierre Cauchon, accepte le déshonneur et l'ignominie de cette tâche.

      Jeanne Darc est conduite à Rouen. Douze mois on la retient prisonnière, la harcelant nuit et jour d'odieuses obsessions. Enfin, après une procédure dans laquelle le ridicule le dispute à l'ignoble, au mépris de toutes les lois divines et humaines, Jeanne Darc, dite Pucelle, est déclarée hérétique, dissolue, invocatrice de démons, blasphèmeresse de Dieu, pernicieuse, abuseresse du peuple, cruelle, devineresse, idolâtre.

      Le 24 mai 1431, l'inique sentence reçoit son exécution, et Jeanne, conduite au bûcher, expire au milieu des plus cruels tourments.

      —Jésus! Jésus! Jésus!

      Telle est sa dernière parole, l'expression suprême de ses mortelles angoisses, cri de douleur et d'espérance qui, dominant les gémissements et les sanglots de la foule agenouillée autour du bûcher, monte vers le ciel comme pour demander grâce pour cette France oublieuse

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