Le roman d'un enfant. Pierre Loti
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Читать онлайн книгу Le roman d'un enfant - Pierre Loti страница 10
Je ne tenais pas à ce que ce fût varié, ces histoires; souvent même j'en faisais recommencer de déjà racontées qui m'avaient plus particulièrement captivé.
En général, c'étaient des voyages (sur ces petits ânes qui jouaient un rôle si important jadis dans la vie des bonnes gens de l'île), pour aller visiter des propriétés éloignées, des vignes, ou bien pour traverser les sables de la «grand'côte»; ensuite, sur le soir de ces expéditions, se déchaînaient des orages terribles, qui obligeaient à camper pour la nuit dans des auberges, dans des fermes...
Et quand mon imagination était bien tendue vers ces choses d'autrefois, dans l'obscurité tout à fait épaissie dont je n'avais plus conscience: drelin, drelin, la sonnette du dîner!... Je me levais en sautant de joie. Nous descendions ensemble, dans la salle à manger, où je retrouvais toute la famille réunie, la lumière, la gaieté, et où je me jetais tout d'abord sur maman pour me cacher la figure dans sa robe.
XI
Gaspard, un petit chien courtaud, lourd, pas bien de sa personne, mais qui était tout en deux grands yeux pleins de vie et bonne amitié. Je ne sais plus comment il avait été recueilli chez nous, où il passa quelques mois et où je l'aimai tendrement.
Or, un soir, pendant une promenade d'hiver, Gaspard m'avait quitté. On me consola en me disant qu'il rentrerait certainement seul, et je revins à la maison assez courageusement. Mais quand la nuit commença de tomber, mon cœur se serra beaucoup.
Mes parents avaient à dîner ce jour-là un violoniste de talent et on m'avait permis de veiller plus tard pour l'entendre. Aux premiers coups de son archet, dès qu'il commença de faire gémir je ne sais quel adagio désolé, ce fut pour moi comme une évocation de routes noires dans les bois, de grande nuit où l'on se sent abandonné et perdu; puis je vis très nettement Gaspard errer sous la pluie, à un carrefour sinistre, et, ne se reconnaissant plus, partir dans une direction inconnue pour ne revenir jamais... Alors les larmes me vinrent, et comme on ne s'en apercevait point, le violon continua de lancer dans le silence ses appels tristes, auxquels répondaient, du fond des abîmes d'en dessous, des visions qui n'avaient plus de forme, plus de nom, plus de sens.
Ce fut ma première initiation à la musique, évocatrice d'ombres. Des années se passèrent ensuite avant que j'y comprisse de nouveau quelque chose, car les petits morceaux de piano, «remarquables pour mon âge», disait-on, que je commençais à jouer moi-même, n'étaient encore rien qu'un bruit doux et rythmé à mes oreilles.
XII
Ceci maintenant est une angoisse causée par une lecture qu'on m'avait faite. (Je ne lisais jamais moi-même et dédaignais beaucoup les livres.)
Un petit garçon très coupable, ayant quitté sa famille et son pays, revenait visiter seul la maison paternelle, après quelques années pendant lesquelles ses parents et sa sœur étaient morts. Cela se passait en novembre, naturellement, et l'auteur décrivait le ciel gris, parlait du vent qui secouait les dernières feuilles des arbres.
Dans le jardin abandonné, sous un berceau aux branches dégarnies, l'enfant prodigue, en se baissant vers la terre mouillée, reconnut parmi toutes ces feuilles d'automne, une perle bleue qui était restée à cette place depuis le temps où il venait s'amuser là, avec sa sœur...
Oh! alors je me levai, demandant qu'on cessât de lire, sentant les sanglots qui me venaient... J'avais vu, absolument vu, ce jardin solitaire, ce vieux berceau dépouillé, et, à moitié cachée sous ces feuilles rousses, cette perle bleue, souvenir d'une sœur morte... Tout cela me faisait mal, affreusement, me donnait la conception de la fin languissante des existences et des choses, de l'immense effeuillement de tout...
Il est étrange que mon enfance si tendrement choyée m'ait surtout laissé des images tristes.
Évidemment, ces tristesses étaient les très rares exceptions, et je vivais d'ordinaire dans l'insouciance gaie de tous les enfants; mais sans doute, les jours de complète gaieté, précisément parce qu'ils étaient habituels, ne marquaient rien dans ma tête, et je ne les retrouve plus.
J'ai aussi beaucoup de souvenirs d'été, qui sont tous les mêmes, qui font comme des taches claires de soleil sur la confusion des choses entassées dans ma tête.
Et toujours, la grande chaleur, les très profonds ciels bleus, les étincellements de nos plages de sable, la réverbération de la lumière sur les chaux blanches des maisonnettes dans nos petite villages de «l'île», me causaient ces impressions de mélancolie et de sommeil que j'ai retrouvées ensuite, avec une intensité plus grande, dans les pays d'Islam...
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