Les cotillons célèbres. Emile Gaboriau

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Les cotillons célèbres - Emile Gaboriau

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de l'ascendant de la jeune favorite.

      Anne d'Autriche résolut d'éloigner son fils. Louis était fort dévot; elle éveilla les susceptibilités de sa conscience, l'effraya de l'horrible péché qu'il allait commettre, et finit par le décider à fuir le danger. L'amant désolé de la belle d'Argencourt quitta donc Saint-Germain, et se réfugia à Vincennes près du cardinal Mazarin.

      Cette éclipse du roi déconcerta si fort les belles espérances caressées par les parents de la jeune personne, «que madame d'Argencourt, qui croyait tout perdu, alla jusqu'à faire avertir la reine, que si elle le désirait elle consentirait aux relations de Louis et de sa fille, et cela sans condition.» Anne d'Autriche refusa cette offre obligeante.

      Le jeune roi, arrivé à Vincennes, s'était mis en retraite sous la direction d'un confesseur choisi par le cardinal. Quinze jours durant, il pria, pleura, jeûna, se mortifia, se confessa, communia, et enfin se croyant complétement guéri, ou tout au moins en bonne voie de guérison, il revint à la cour. Il se défiait pourtant encore de son cœur, et, pour ne pas s'exposer à une rechute, il mit tous ses soins à éviter autant que possible sa charmante amie.

      Cette affectation même à la fuir convainquit mademoiselle d'Argencourt qu'elle était toujours aimée, et, en fille bien instruite, elle fit naître cette occasion que redoutait le roi. L'occasion vint; la rechute fut complète.

      En se trouvant près de celle qu'il aimait, Louis oublia toutes les remontrances maternelles, les pieuses exhortations de son directeur, les belles résolutions s'envolèrent: il se troubla, balbutia, rougit, et pour dissimuler sa rougeur, sans doute, cacha son front dans les belles mains de son amie.

      Anne d'Autriche, à son tour, perdit tout espoir; elle avait lu dans les yeux de son fils une passion si grande, une résolution si énergique, que, renonçant à entraver cet amour, elle ne songea plus qu'à en tirer tout le parti possible et à s'arranger avec la grandeur future de cette favorite.

      Malheureusement pour mademoiselle d'Argencourt, Mazarin n'avait pas dit son dernier mot. Beaucoup moins convaincu que la reine mère de l'efficacité d'une retraite, il avait cherché quelque autre moyen plus humain pour rompre ce grand amour, et il n'avait pas tardé à trouver.

      Le cardinal, tandis que Louis était à Vincennes, avait mis en campagne trois ou quatre de ses plus habiles espions, et le résultat de cette enquête avait été de lui apprendre que mademoiselle d'Argencourt n'en était pas à faire ses premières armes. Un amant la vengeait de la timidité du royal néophyte, et, pour trouver la force de résister à la passion du roi, elle retrempait sa vertu entre les bras de Chamarante, le plus bel homme de la cour. Elle poussait même l'imprudence jusqu'à écrire les lettres les plus passionnées à ce favori de son cœur.

      Fort de cette découverte, Mazarin manda le beau Chamarante, et lui fit comprendre qu'il donnerait un bon prix de cette correspondance amoureuse. Chamarante eut la lâcheté de trahir celle qui l'avait aimé, et, moyennant finance, la tendre prose de mademoiselle d'Argencourt passa aux mains du ministre.

      Ces doux billets, le cardinal les avait précieusement conservés. Voyant que désormais le roi, emporté par la passion, n'écouterait aucune remontrance, il lui demanda un entretien.

      Louis s'attendait à de longues exhortations, à une explication presque orageuse et, conseillé par sa charmante maîtresse, il s'était muni de tout son courage pour résister ouvertement et déclarer qu'il entendait être le maître. Peine perdue! le ministre parut. Calme et presque souriant, il ne dit pas un mot de mademoiselle d'Argencourt. Seulement, après quelques banalités générales sur la perfidie des femmes et sur le malheur des souverains qui sont si rarement aimés pour eux-mêmes, il tira de son sein les fameuses lettres, et les présentant au roi:

      —Que Votre Majesté, dit-il, daigne prendre la peine de lire cette correspondance, elle lui en apprendra plus que je ne saurais lui en dire.

      Les preuves étaient accablantes, le doute n'était pas possible: Louis fut accablé, son orgueil naissant recevait là un rude choc. Il pleura de dépit et de rage, mais il eut la force de dissimuler sa colère. Il ne témoigna plus qu'un dédain glacial à sa perfide et refusa d'avoir avec elle aucune explication.

      Déchue de ses espérances, outrée de la conduite de Chamarante, brouillée avec sa famille, qui lui reprochait bien moins son amant que sa maladresse, mademoiselle d'Argencourt ne songea plus qu'à chercher une consolation. Elle s'éprit d'une passion folle pour le marquis de Richelieu.

      Cette liaison fit tant de bruit et de scandale que la marquise de Richelieu vint se jeter aux pieds de la reine-mère pour la conjurer d'éloigner mademoiselle d'Argencourt, et que l'on conseilla l'air du cloître à la trop sensible jeune fille.

      Elle se réfugia dans un de ces charmants couvents où les grandes dames dépitées allaient alors passer leurs accès de dévotion. Elle s'y trouva si bien qu'elle n'en voulut plus sortir et y passa sa vie, sans jamais cependant prononcer ses vœux. Plus tard Louis XIV paya pour elle une dot de vingt mille écus.

      Refroidi par ce premier naufrage, le jeune roi hésitait à se rembarquer sur le fleuve du Tendre, lorsqu'il tomba aux mains de madame de Beauvais, la femme de chambre favorite d'Anne d'Autriche.

      La Beauvais, pour parler comme les Mémoires, avait depuis longtemps déjà doublé le cap de la quarantaine lorsqu'elle mit son expérience au service de Louis.

      Laide, borgne, ridée comme pomme en avril, l'affreuse vieille avait depuis plusieurs années jeté son dévolu sur le jeune roi. Elle guettait l'âge de sa puberté, sachant bien qu'alors le tempérament parle plus haut que le cœur, décidée à profiter de la première surprise et à en tirer parti pour l'élévation de sa famille. Son plan réussit à merveille.

      La flamme de l'œil unique de la Beauvais alluma les sens du royal jouvenceau, et bientôt il n'eut plus rien à lui refuser. Mais l'enivrement fut de courte durée. Adresse et séductions échouèrent, l'élève s'échappa tout fier de son expérience nouvelle, impatient d'en tirer parti.

      Les bons offices de la Beauvais eurent cependant leur récompense, on lui fit don de la seigneurie de Chantilly, et sa famille fut toujours protégée[7]. «Le roi, dit l'abbé de Choisi, ne perdit pas la mémoire de l'autel de ses premiers sacrifices.»

      La Beauvais continua jusqu'à sa mort de rester à la cour, et on lit dans les Mémoires de la princesse Palatine: «J'ai vu encore cette vieille créature de Beauvais; elle a vécu quelques années depuis que je suis en France. C'est elle qui, la première apprit au feu roi ce qu'il a si bien pratiqué auprès des femmes. Cette affreuse borgne s'entendait fort bien à faire des élèves.»

      Tout frais émancipé après ce premier amour borgne, le jeune Louis n'osa pas tout d'abord s'adresser aux grandes dames qui formaient la cour d'Anne d'Autriche. Peut-être était-il retenu par la crainte de sa mère, peut-être ne savait-il pas encore qu'un roi trouve bien rarement des cruelles. Au grand dépit de toutes celles qui si volontiers eussent accepté le mouchoir, il se contentait d'égarer son cœur dans les cuisines et dans les antichambres.

      «Le feu roi, dit la Palatine, a été très galant assurément, mais il est allé souvent plus loin que la débauche. Tout lui était bon en sa jeunesse: paysannes, filles de jardinier, servantes, femmes de chambre, pourvu qu'elles fissent semblant de l'aimer.»

      Beaucoup faisaient semblant, et les passions du jeune roi s'en arrangeaient à merveille. Il ne résulta rien de toutes ces liaisons obscures, rien qu'un enfant, une fille qui était, assure Saint-Simon, son portrait vivant. Il l'avait eue d'une jeune et fraîche jardinière de Saint-Germain.

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