Les Alcooliques anonymes, Quatrième édition. Anonyme
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En revanche, l’ex-buveur qui a trouvé notre solution et qui connaît bien les faits en ce qui le concerne peut généralement gagner l’entière confiance d’un autre alcoolique en quelques heures. Tant qu’il n’y a pas cette compréhension mutuelle, rien, ou presque rien, ne peut être accompli.
Le fait d’être abordé par une personne qui a déjà rencontré la même difficulté, d’entendre cette personne parler indéniablement de ce qu’elle connaît, de voir dans son comportement même qu’elle détient la vraie réponse, de constater qu’elle ne se pose pas en être moralement supérieur et qu’elle est mue par le désir sincère d’aider, le fait aussi qu’il n’y ait aucuns frais à payer, personne à flatter, aucune remontrance à subir, voilà les conditions que nous avons trouvées les plus efficaces. Nombreux sont ceux qui ont pris leur grabat et se sont mis à marcher après avoir fait une telle démarche.
Aucun d’entre nous ne consacre tout son temps à ce travail et nous ne croyons pas que nous serions plus efficaces si nous le faisions. Nous croyons que d’arrêter de boire n’est que le début. Il est encore plus important de mettre nos principes à l’œuvre dans nos propres foyers, dans nos activités et notre travail. Nous consacrons tous une grande partie de nos loisirs à fournir les efforts que nous décrivons plus loin dans ce livre. Certains ont la chance de pouvoir y consacrer presque tout leur temps.
À agir comme nous le faisons, il est certain qu’un grand bien résultera de nos efforts, mais le problème aura été à peine effleuré. Ceux d’entre nous qui vivent dans une grande ville sont ébranlés à l’idée que, tout près, des centaines tombent dans l’oubli chaque jour. Plusieurs d’entre eux pourraient se rétablir s’ils avaient la chance que nous avons eue. Alors comment leur offrir ce qui nous a été donné si gratuitement ?
Nous avons donc décidé de publier un livre anonyme qui expliquerait le problème tel que nous le percevons et dans lequel toute notre expérience et toutes nos connaissances seraient mises à contribution. Toute personne aux prises avec un problème d’alcool devrait y trouver un programme d’action efficace.
Il était nécessaire d’inclure dans notre livre des questions d’ordre médical, psychiatrique, social et religieux. Nous sommes conscients que ces sujets peuvent soulever des controverses. Rien ne nous plairait autant que d’écrire un ouvrage qui ne contienne ni matière à débat ou à dispute. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour atteindre cet objectif. Nous croyons, pour la plupart, que la tolérance des travers et des points de vue d’autrui, et le respect des opinions de chacun sont des attitudes qui permettent d’être d’un plus grand secours aux autres. Notre vie même, parce que nous sommes des ex-buveurs, dépend de notre souci constant des autres et de la façon dont nous pouvons leur venir en aide.
Peut-être vous demandez-vous déjà comment nous sommes arrivés à nous rendre malades à ce point en buvant. Sans doute aimeriez-vous savoir pourquoi et comment, en dépit de l’avis contraire d’experts en la matière, nous nous sommes tirés d’une condition physique et mentale désespérée. Si vous êtes alcoolique et que vous voulez vous en sortir, il se peut que, déjà, vous soyez en train de vous demander : « Que dois-je faire ? »
L’objectif de ce livre est d’apporter des réponses précises à ce genre de questions. Toutefois, avant de vous dire ce que nous avons fait et d’entrer dans des explications détaillées, il nous semble indiqué de vous faire connaître succinctement notre point de vue sur certaines choses.
Combien de fois ne nous a-t-on pas dit : « Moi, je peux cesser de boire quand je veux. Pourquoi pas lui ? » ; « Si tu ne peux pas boire raisonnablement, tu ferais mieux d’arrêter. » ; « Celui-là est incapable de se maîtriser quand il s’agit d’alcool. » ; « Pourquoi n’essaies-tu pas la bière ou le vin ? » ; « Laisse les boissons alcoolisées. » ; « Il manque sûrement de volonté. » ; « Il pourrait cesser s’il le voulait. » ; « Elle est tellement gentille que par égard pour elle il devrait cesser de boire. » ; « Le médecin lui a dit qu’il mourrait s’il continuait de boire, mais il est toujours rond comme un œuf. »
Ce sont là des lieux communs que nous entendons souvent. Ils dénotent un monde d’ignorance et de malentendus, et sont le fait de personnes qui réagissent fort différemment de nous face à l’alcool.
Le buveur modéré abandonne facilement l’alcool s’il a une bonne raison pour le faire. Dans son cas, cesser de boire ne pose aucun problème.
Il y a également le cas du gros buveur. Il peut avoir développé cette habitude au point d’en avoir affecté progressivement sa santé physique et mentale. Sa vie peut même en être écourtée. Cependant, s’il est motivé par une raison suffisamment sérieuse comme une santé défaillante, une nouvelle relation amoureuse, un changement d’environnement ou encore une sévère mise en garde de son médecin, ce buveur parviendra, sinon à couper l’alcool complètement, du moins à modérer sa consommation, même s’il trouve cela difficile ou contrariant. Il pourrait même avoir besoin d’une assistance médicale.
Mais que dire du véritable alcoolique ? Il a d’abord pu être un buveur modéré ; il peut par la suite devenir ou non un gros buveur, mais il vient un temps où dès qu’il commence à boire, il ne peut plus s’arrêter.
Son comportement vous rend perplexe, en particulier par son manque de contrôle. Il a des gestes absurdes, inexplicables et tragiques lorsqu’il boit. Il fait alors penser au Dr Jekyll et M. Hyde. Il est rarement à moitié ivre. Il est plutôt, en tout temps, plus ou moins ivre à en perdre la raison. Quand il boit, son comportement n’est pas normal. C’est peut-être la personne la plus agréable au monde mais une journée à boire le rendra souvent exécrable et même dangereusement antisocial. Il a le don de s’enivrer quand précisément il ne le faudrait pas, particulièrement lorsqu’il doit prendre une décision importante ou tenir un engagement. Souvent, c’est un être parfaitement sensé et bien équilibré en tout, sauf en ce qui concerne l’alcool ; sur ce point, il est incroyablement égoïste et malhonnête. Souvent aussi, c’est un sujet talentueux et doué, qui possède des aptitudes particulières et qui a devant lui une carrière prometteuse. Il utilise ses talents pour assurer à lui-même et aux siens un avenir brillant. Puis, par une série de cuites insensées, il détruit ce qu’il a édifié. On croirait que dans l’état d’ivresse où il se trouve lorsqu’il se couche, il devrait dormir au moins douze heures d’affilée. Pourtant, dès son réveil le lendemain matin, il cherche avidement la bouteille qu’il a égarée la veille. Lorsqu’il en a les moyens, il dissimule des bouteilles dans toute la maison, de crainte qu’on ne lui prenne ses provisions pour les jeter à l’évier. À mesure que les choses s’aggravent, il se tourne progressivement vers des sédatifs puissants qu’il mêle à l’alcool pour se calmer et être en état de se rendre à son travail. Vient un jour où il est incapable de continuer et il reste chez lui et s’enivre de nouveau. Peut-être ira-t-il voir le médecin qui lui donnera de la morphine ou un autre calmant pour qu’il se remette. Puis, c’est le début des visites à l’hôpital ou à la clinique.
Ce portrait que nous venons de brosser du véritable alcoolique est loin d’être complet ; les comportements varient d’un sujet à un autre. Cependant, il en présente une description générale.
Pourquoi se conduit-il ainsi ? Si des centaines d’expériences lui ont prouvé qu’un seul verre peut déclencher la débâcle avec toute la souffrance et l’humiliation qu’elle entraîne, pourquoi le prend-il ? Pourquoi ne peut-il pas s’abstenir de boire ? Qu’est-il advenu du bon sens et de la volonté qu’il montre parfois encore dans d’autres domaines