Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан
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D’ailleurs, si l’objet représentait tous les mêmes caractères, il n’en offrait aucun autre qui semblât nouveau. C’était un bouchon de cristal, voilà tout. Aucune marque, réellement spéciale, ne le distinguait des autres bouchons. Aucun signe ne s’y trouvait inscrit, aucun chiffre, et, taillé dans un seul bloc, il ne contenait aucune matière étrangère.
– Alors quoi ?
Et Lupin eut la vision subite et profonde de son erreur. Que lui importait de posséder ce bouchon de cristal s’il en ignorait la valeur ? Ce morceau de verre n’existait pas par lui-même, il ne comptait que par la signification qui s’attachait à lui. Avant de le prendre il fallait savoir. Et qui pouvait même lui assurer que, en le prenant, en le dérobant à Daubrecq, il ne commettait pas une bêtise ?
Question impossible à résoudre, mais qui s’imposait à lui avec une rigueur singulière.
« Pas de gaffes ! se dit-il en empochant l’objet. Dans cette diable d’affaire, les gaffes sont irréparables. »
Il n’avait pas quitté Victoire des yeux. Accompagnée d’un commis, elle allait d’un comptoir à l’autre, parmi la foule des clients. Elle stationna ensuite assez longtemps devant la caisse et passa près de Lupin.
Il ordonna, tout bas :
– Rendez-vous derrière le lycée Janson.
Elle le rejoignit dans une rue peu fréquentée.
– Et si l’on me suit ? dit-elle.
– Non, affirmat-il. J’ai bien regardé. Écoute-moi. Où as-tu trouvé ce bouchon ?
– Dans le tiroir de sa table de nuit.
– Cependant, nous avons déjà fouillé là. Oui, et moi encore hier matin. C’est sans doute qu’il l’y a mis cette nuit.
– Et sans doute aussi qu’il va l’y reprendre, observa Lupin.
– Peut-être bien.
– Et s’il ne l’y trouve plus ?
Victoire parut effrayée.
– Réponds-moi, dit Lupin, s’il ne l’y trouve plus, est-ce toi qu’il accusera du vol ?
– Évidemment…
– Alors, va l’y remettre, et au galop.
– Mon Dieu ! Mon Dieu ! gémit-elle, pourvu qu’il n’ait pas eu le temps de s’en apercevoir. Donne-moi l’objet, vite.
– Tiens, le voici, dit Lupin.
Il chercha dans la poche de son pardessus.
– Eh bien ? fit Victoire la main tendue.
– Eh bien, dit-il au bout d’un instant, il n’y est plus.
– Quoi !
– Ma foi, non, il n’y est plus… on me l’a repris.
Il éclata de rire, et d’un rire qui, cette fois, ne se mêlait d’aucune amertume.
Victoire s’indigna.
– Tu as de la gaieté de reste !… Dans une pareille circonstance !…
– Que veux-tu ? Avoue que c’est vraiment drôle. Ce n’est plus un drame que nous jouons… c’est une féerie, une féerie comme Les Pilules du Diable, ou bien Le pied de Mouton. Dès que j’aurai quelques semaines de repos, j’écrirai ça… Le Bouchon Magique, ou Les Mésaventures du pauvre Arsène.
– Enfin… qui te l’a repris ?
– Qu’est-ce que tu chantes !… Il s’est envolé tout seul… Il s’est évanoui dans ma poche… Passez, muscade.
Il poussa doucement la vieille bonne, et, d’un ton plus sérieux :
– Rentre, Victoire, et ne t’inquiète pas. Il est évident qu’on t’avait vu me remettre ce bouchon et qu’on a profité de la bousculade, dans le magasin, pour le cueillir au fond de ma poche. Tout cela prouve que nous sommes surveillés de plus près que je ne pensais, et par des adversaires de premier ordre. Mais, encore une fois, sois tranquille. Les honnêtes gens ont toujours le dernier mot. Tu n’avais rien d’autre à me dire ?
– Si. On est venu, hier soir, pendant que M. Daubrecq était sorti. J’ai vu des lumières qui se reflétaient sur les arbres du jardin.
– La concierge ?
– La concierge n’était pas couchée.
– Alors ce sont les types de la Préfecture, ils continuent de chercher. À tantôt, Victoire… Tu me feras rentrer…
– Comment tu veux…
– Qu’est-ce que je risque ? Ta chambre est au troisième étage. Daubrecq ne se doute de rien.
– Mais les autres !
– Les autres ? S’ils avaient eu quelque intérêt à me faire mauvais parti, ils l’auraient déjà tenté. Je les gêne, voilà tout. Ils ne me craignent pas. À tantôt, Victoire, sur le coup de cinq heures.
Une surprise encore attendait Lupin. Le soir, sa vieille bonne lui annonça que, ayant ouvert par curiosité le tiroir de la table de nuit, elle y avait retrouvé le bouchon de cristal.
Lupin n’en était plus à s’émouvoir de ces incidents miraculeux. Il se dit simplement :
« Donc, on l’y a rapporté. Et la personne qui l’y a rapporté et qui s’introduit dans cet hôtel par des moyens inexplicables, cette personne a jugé comme moi que le bouchon ne devait pas disparaître. Et cependant Daubrecq, lui, qui se sait traqué jusqu’au fond de sa chambre, a de nouveau laissé ce bouchon dans un tiroir, comme s’il n’y attachait aucune importance ! Allez donc vous faire une opinion… »
Si Lupin ne se faisait pas d’opinion, il ne pouvait tout de même pas se soustraire à certains raisonnements, à certaines associations d’idées, qui lui donnaient ce pressentiment confus de lumière que l’on éprouve à l’issue d’un tunnel.
« En l’espèce, il est inévitable, se disait-il, qu’une rencontre prochaine ait lieu entre moi et “les autres”. Dès lors je serai maître de la situation. »
Cinq jours s’écoulèrent sans que Lupin relevât le moindre détail. Le sixième jour, Daubrecq eut la visite matinale d’un monsieur, le député Laybach, qui, comme ses collègues, se traîna désespérément à ses pieds, et, en fin de compte, lui remit vingt mille francs.
Deux jours encore, puis une nuit, vers deux heures, Lupin posté sur le palier du second étage, perçut le grincement d’une porte, la porte, il s’en rendit compte, qui faisait communiquer le vestibule avec le jardin. Dans l’ombre, il distingua, ou plutôt il devina la présence de deux personnes qui montèrent