Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан
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Читать онлайн книгу Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан страница 294
Victoire s’apitoya.
– Le pauvre petit ange ! Regarde… il se retient de crier… Jésus Marie, il a des mains, c’est des glaçons ! N’aie pas peur, fiston, on ne te fera pas de mal… le monsieur n’est pas méchant.
– Non, dit Lupin, pas méchant pour deux sous, le monsieur, mais il y a un autre monsieur, très méchant qui va se réveiller si tu continues à faire du boucan comme cela, à la porte du vestibule. Tu les entends, Victoire ?
– Qui est-ce ?
– Les satellites de notre jeune hercule, la bande du chef indomptable.
– Alors ? balbutia Victoire, déjà bouleversée.
– Alors comme je ne veux pas être pris au piège, je commence par ficher le camp. Tu viens Hercule ?
Il roula l’enfant dans une couverture de laine, de manière à ce que la tête dépassât, le bâillonna aussi soigneusement que possible et le fit attacher par Victoire sur ses épaules.
– Tu vois, Hercule, on rigole. T’en trouveras des messieurs qui jouent au bon vinaigre à trois heures du matin. Allons, ouste, prenons notre vol. T’as pas le vertige ?
Il enjamba le rebord de la fenêtre et mit le pied sur un des barreaux de l’échelle. En une minute, il arrivait au jardin.
Il n’avait pas cessé d’entendre, et il entendait plus nettement encore les coups que l’on frappait à la porte du vestibule. Il était stupéfiant que Daubrecq ne fût pas réveillé par un tumulte aussi violent.
« Si je n’y mets bon ordre, ils vont tout gâter », se dit Lupin.
S’arrêtant à l’angle de l’hôtel, invisible dans la nuit, il mesura la distance qui le séparait de la grille. Cette grille était ouverte. À sa droite il voyait le perron, au haut duquel les gens s’agitaient ; à sa gauche, le pavillon de la concierge.
Cette femme avait quitté sa loge, et, debout près du perron, suppliait les gens.
– Mais taisez-vous donc ! Taisez-vous donc ! Il va venir.
« Ah ! Parfait, se dit Lupin, la bonne femme est aussi la complice de ceux-là. Bigre, elle cumule. »
Il s’élança vers elle, et l’empoignant par le cou, lui jeta :
– Va les avertir que j’ai l’enfant… Qu’ils viennent le reprendre chez moi, rue Chateaubriand.
Un peu plus loin, sur l’avenue, il y avait un taxi que Lupin supposa retenu par la bande. D’autorité, et comme s’il eût été un des complices, il monta dans la voiture, et se fit conduire chez lui.
– Eh bien, dit-il à l’enfant, on n’a pas été trop secoué ?… Si l’on se reposait un peu sur le dodo du monsieur ?
Son domestique Achille, dormait. Lui-même installa le petit et le caressa gentiment.
L’enfant semblait engourdi. Sa pauvre figure était comme pétrifiée dans une expression rigide, où il y avait à la fois de la peur et de la volonté de ne pas avoir peur, l’envie de pousser des cris et un effort pitoyable pour n’en point pousser.
– Pleure, mon mignon, dit Lupin, ça te fera du bien de pleurer.
L’enfant ne pleura pas, mais la voix était si douce et si bienveillante qu’il se détendit, et dans ses yeux plus calmes, dans sa bouche moins convulsée, Lupin, qui l’examinait profondément, retrouva quelque chose qu’il connaissait déjà, une ressemblance indubitable.
Cela encore lui fut une confirmation de certains faits qu’il soupçonnait, et qui s’enchaînaient les uns aux autres dans son esprit.
En vérité, s’il ne se trompait pas, la situation changeait singulièrement, et il n’était pas loin de prendre la direction des événements. Dès lors…
Un coup de sonnette, et deux autres, aussitôt, brusques.
– Tiens, dit Lupin à l’enfant, c’est ta maman qui vient te chercher. Ne bouge pas.
Il courut à la porte et l’ouvrit.
Une femme entra, comme une folle.
– Mon fils s’exclamat-elle… mon fils, où est-il ?
– Dans ma chambre, dit Lupin.
Sans en demander davantage, montrant ainsi que le chemin lui était connu, elle se précipita dans la chambre.
« La jeune femme aux cheveux gris, murmura Lupin, l’amie et l’ennemie de Daubrecq ; c’est bien ce que je pensais. »
Il s’approcha de la fenêtre et souleva le rideau. Deux hommes arpentaient le trottoir, en face : Grognard et Le Ballu.
« Et ils ne se cachent même pas, ajouta-t-il. C’est bon signe. Ils considèrent qu’il faut obéir au patron. Reste la jolie dame aux cheveux gris. Ce sera plus difficile. À nous deux, la maman ! »
Il trouva la mère et le fils enlacés, et la mère tout inquiète, les yeux mouillés de larmes, qui disait :
– Tu n’as pas de mal ? Tu es sûr ? Oh ! Comme tu as dû avoir peur, mon petit Jacques !
– Un rude petit bonhomme, déclara Lupin.
Elle ne répondit pas, elle palpait le jersey de l’enfant comme Lupin l’avait fait, sans doute pour voir s’il avait réussi dans sa mission nocturne, et elle l’interrogea tout bas.
– Non, maman… je t’assure que non, dit l’enfant.
Elle l’embrassa doucement et le câlina contre elle, si bien que l’enfant, exténué de fatigue et d’émotion, ne tarda pas à s’endormir. Elle demeura longtemps encore penchée sur lui. Elle-même semblait très lasse et désireuse de repos.
Lupin ne troubla pas sa méditation. Il la regardait anxieusement avec une attention dont elle ne pouvait pas s’apercevoir, et il nota le cerne plus large de ses paupières et la marque plus précise de ses rides. Pourtant il la trouva plus belle qu’il ne la croyait, de cette beauté émouvante que donne l’habitude de souffrir à certaines figures plus humaines, plus sensibles que d’autres.
Elle eut une expression si triste, que, dans un élan de sympathie instinctive, il s’approcha d’elle et lui dit :
– J’ignore quels sont vos projets, mais, quels qu’ils soient, vous avez besoin de secours. Seule, vous ne pouvez pas réussir.
– Je ne suis pas seule.
– Ces deux hommes qui sont là ? Je les connais. Ils ne comptent pas. Je vous en supplie, usez de moi. Vous vous rappelez l’autre soir, au théâtre, dans la baignoire ? Vous étiez sur le point de parler. Aujourd’hui, n’hésitez pas.
Elle tourna les yeux vers lui, l’observa, et, comme si elle n’eût pu se soustraire à cette volonté adverse, elle articula :