Le crime d'Orcival. Emile Gaboriau

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Le crime d'Orcival - Emile Gaboriau

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assassinat! murmura le valet de chambre; ah! c’est pour l’argent, alors, on aura su...

      —Quoi? demanda le maire.

      —Monsieur le comte a reçu hier dans la matinée une très forte somme.

      —Ah! oui, forte, ajouta une femme de chambre, il y avait gros comme cela de billets de banque. Madame a même dit à Monsieur qu’elle ne fermerait pas l’œil de la nuit avec cette somme immense dans la maison.

      Il y eut un silence, chacun se regardant d’un air effrayé. M. Courtois, lui, réfléchissait.

      —À quelle heure êtes-vous partis hier soir, demanda-t-il aux domestiques.

      —À huit heures, on avait avancé le dîner.

      —Vous êtes partis tous ensemble?

      —Oui, monsieur.

      —Vous ne vous êtes pas quittés?

      —Pas une minute.

      —Et vous revenez tous ensemble?

      Les domestiques échangèrent un singulier regard:

      —Tous, répondit une femme de chambre qui avait la langue bien pendue... c’est-à-dire, non. Il y en a un qui nous a lâchés en arrivant à la gare de Lyon, à Paris: c’est Guespin.

      —Ah!

      —Oui, monsieur, il a filé de son côté en disant qu’il nous rejoindrait aux Batignolles, chez Wepler, où se faisait la noce.

      Monsieur le maire donna un grand coup de coude au juge de paix, comme pour lui recommander l’attention, et continua à interroger.

      —Et ce Guespin, comme vous le nommez, l’avez-vous revu?

      —Non, monsieur, j’ai même plusieurs fois demandé inutilement de ses nouvelles pendant la nuit; son absence me paraissait louche.

      Évidemment la femme de chambre essayait de faire montre d’une perspicacité supérieure; encore un peu elle eût parlé de pressentiments.

      —Ce domestique, demanda M. Courtois, était-il depuis longtemps dans la maison?

      —Depuis le printemps.

      —Quelles étaient ses attributions?

      —Il avait été envoyé de Paris par la maison du Gentil Jardinier pour soigner les fleurs rares de la serre de Madame.

      —Et... avait-il eu connaissance de l’argent?

      Les domestiques eurent encore des regards bien significatifs.

      —Oui, oui! répondirent-ils en chœur, nous en avions beaucoup causé entre nous à l’office.

      —Même, ajouta la femme de chambre, belle parleuse, il m’a dit à moi-même, parlant à ma personne:

      «—Dire que monsieur le comte a dans son secrétaire de quoi faire notre fortune à tous!

      —Quelle espèce d’homme est-ce?

      Cette question éteignit absolument la loquacité des domestiques. Aucun n’osait parler, sentant bien que le moindre mot pouvait servir de base à une accusation terrible.

      Mais le palefrenier de la maison d’en face qui brûlait de se mêler à cette affaire, n’eut point ces scrupules.

      —C’est, répondit-il, un bon garçon, Guespin, et qui a roulé. Dieu de Dieu! en sait-il de ces histoires! Il connaît tout, cet homme-là, il paraît qu’il a été riche dans le temps, et s’il voulait... Mais, dame! il aime le travail tout fait, et avec ça c’est un noceur comme il n’y en a pas, un creveur de billards, quoi!

      Tout en écoutant d’une oreille, en apparence distraite, ces dépositions, ou, pour parler plus juste, ces cancans, le père Plantat examinait soigneusement et le mur et la grille. Il se retourna à point nommé pour interrompre le palefrenier.

      —En voilà bien assez, dit-il, au grand scandale de M. Courtois. Avant de poursuivre cet interrogatoire, il est bon de constater le crime, si crime il y a, toutefois, ce qui n’est pas prouvé. Que celui de vous qui a une clé ouvre la grille.

      Le valet de chambre avait la clé, il ouvrit, et tout le monde pénétra dans la petite cour. Les gendarmes venaient d’arriver. Le maire dit au brigadier de le suivre, et plaça deux hommes à la grille, avec défense de laisser entrer ou sortir personne sans sa permission.

      Alors seulement le valet de chambre ouvrit la porte de la maison.

       Table des matières

      S’il n’y avait pas eu de crime, au moins s’était-il passé quelque chose de bien extraordinaire chez le comte de Trémorel; l’impassible juge de paix dut en être convaincu dès ses premiers pas dans le vestibule.

      La porte vitrée donnant sur le jardin était toute grande ouverte, et trois des carreaux étaient brisés en mille pièces.

      Le chemin de toile cirée qui reliait toutes les portes avait été arraché, et sur les dalles de marbre blanc, çà et là, on apercevait de larges gouttes de sang. Au pied de l’escalier était une tache plus grande que les autres, et sur la dernière marche une éclaboussure hideuse à voir.

      Peu fait pour de tels spectacles, pour une mission comme celle qu’il avait à remplir, l’honnête M. Courtois se sentait défaillir. Par bonheur, il puisait dans le sentiment de son importance et de sa dignité une énergie bien éloignée de son caractère. Plus l’instruction préliminaire de cette affaire lui paraissait difficile, plus il tenait à bien la mener.

      —Conduisez-nous à l’endroit où vous avez aperçu le corps, dit-il aux Bertaud.

      Mais le père Plantat intervint.

      —Il serait, je crois, plus sage, objecta-t-il, et plus logique de commencer par visiter la maison.

      —Soit, oui, en effet, c’est ce que je pensais, dit le maire, s’accrochant au conseil du juge de paix, comme un homme qui se noie s’accroche à une planche.

      Et il fit retirer tout le monde, à l’exception du brigadier et du valet de chambre destiné à servir de guide.

      —Gendarmes, cria-t-il encore, aux hommes en faction devant la grille, veillez à ce que personne ne s’éloigne, empêchez d’entrer dans la maison, et que nul surtout ne pénètre dans le jardin.

      On monta alors.

      Tout le long de l’escalier les taches de sang se répétaient. Il y avait aussi du sang sur la rampe, et M. Courtois s’aperçut avec horreur qu’il s’y était rougi les mains.

      Lorsqu’on

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