P'tit-bonhomme. Jules Verne

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P'tit-bonhomme - Jules Verne

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une comédienne est tellement occupée, absorbée par les choses de son art,—rôles à apprendre, répétitions à suivre, représentations qui ne laissent pas une soirée libre... Et les fatigues du métier?... Dans les premiers jours, on lui apportait le chérubin sur son lit. Elle jouait avec lui, elle faisait la «petite mère». Puis, cela interrompant son sommeil qu'elle avait l'habitude de prolonger fort tard, elle ne le demandait plus qu'au déjeuner. Ah! quelle joie de le voir assis sur une haute chaise qu'on avait achetée exprès, et manger de si bel appétit.

      «Hein!... c'est bon? disait-elle.

      —Oh! oui, madame, répondit-il un jour, c'est bon comme ce qu'on mange à l'hospice, quand on est malade.»

      Une observation: bien que P'tit-Bonhomme n'eût jamais reçu ce qu'on appelle des leçons de belles manières,—et ce n'étaient ni Thornpipe ni même M. O'Bodkins qui auraient pu les lui enseigner,—il était d'une nature réservée et discrète, d'un caractère doux et affectueux, qui avaient toujours contrasté avec les turbulences et les polissonneries des déguenillés de la ragged-school. Cet enfant se montrait supérieur à sa condition, ainsi qu'il était supérieur à son âge, par les façons et les sentiments. Si étourdie, si linotte qu'elle fût, miss Anna Waston n'avait point été sans en faire la remarque. De son histoire, elle ne connaissait que ce qu'il avait pu lui en raconter depuis l'époque où il avait été recueilli par le montreur de marionnettes. C'était donc bien et dûment un enfant trouvé. Pourtant, étant donné ce qu'elle appelait sa «distinction naturelle», miss Anna Waston voulut voir en lui le fils de quelque grande dame, d'après la poétique du drame courant, un fils que, pour une raison inconnue, sa position sociale l'avait contrainte d'abandonner. Et là-dessus, de s'emballer suivant son habitude, brodant tout un roman qui ne brillait guère par la nouveauté. Elle imaginait des situations que l'on pourrait adapter au théâtre... On en tirerait une pièce à grands effets de larmes... Elle la jouerait, cette pièce... Ce serait le plus magnifique succès de sa carrière dramatique... Elle s'y montrerait renversante, et pourquoi pas sublime... etc., etc. Et, lorsqu'elle était montée à ce diapason, elle saisissait son ange, elle l'étreignait comme si elle eût été en scène, et il lui semblait entendre les bravos de toute une salle...

      Un jour, P'tit-Bonhomme, troublé par ces démonstrations, lui dit:

      «Madame Anna?...

      —Que veux-tu, chéri?

      —Je voudrais vous demander quelque chose.

      —Demande, mon cœur, demande.

      —Vous ne me gronderez pas?...

      —Te gronder!...

      —Tout le monde a eu une maman, n'est-ce pas?...

      —Oui, mon ange, tout le monde a eu une maman.

      —Alors pourquoi que je ne connais pas la mienne?...

      —Pourquoi?... Parce que... répondit miss Anna Waston, assez embarrassée, parce que... il y a des raisons... Mais... un jour... tu la verras... oui!... j'ai l'idée que tu la verras...

      —Je vous ai entendu dire, pas vrai, que ce devait être une belle dame?...

      —Oui, certes!... une belle dame!

      —Et pourquoi une belle dame?...

      —Parce que... ton air... ta figure!... Est-il drôle, cet amour, avec ses questions! Puis... la situation... la situation dans la pièce exige que ce soit une belle dame... une grande dame... Tu ne peux pas comprendre...

      —Non... je ne comprends pas! répondit P'tit-Bonhomme d'un ton bien triste. Il me vient quelquefois la pensée que ma maman est morte...

      —Morte?... Oh non!... Ne pense pas à ces choses-là!... Si elle était morte, il n'y aurait plus de pièce...

      —Quelle pièce?...»

      Miss Anna Waston l'embrassa, ce qui était encore la meilleure manière de lui répondre.

      «Mais si elle n'est pas morte, reprit P'tit-Bonhomme avec la logique ténacité de son âge, si c'est une belle dame, pourquoi qu'elle m'a abandonné?...

      —Elle y aura été forcée, mon babery!... oh! bien malgré elle!... D'ailleurs, au dénouement...

      —Madame Anna?...

      —Que veux-tu encore?...

      —Ma maman?...

      —Eh bien?...

      —Ce n'est pas vous?...

      —Qui... moi... ta maman?...

      —Puisque vous m'appelez votre enfant!...

      —Cela se dit, mon chérubin, cela se dit toujours aux bébés de ton âge!... Pauvre petit, il a pu croire!... Non! je ne suis pas ta maman!... Si tu avais été mon fils, ce n'est pas moi qui t'aurais délaissé... qui t'aurais voué à la misère!... Oh non!»

      Et miss Anna Waston, infiniment émue, termina la conversation en embrassant de nouveau P'tit-Bonhomme, qui s'en alla tout chagrin.

      Pauvre enfant! Qu'il appartienne à une famille riche ou à une famille misérable, il est à craindre qu'il ne parvienne jamais à le savoir, pas plus que tant d'autres, ramassés au coin des rues!

      En le prenant avec elle, miss Anna Waston n'avait pas autrement réfléchi à la charge que sa bonne action lui imposait dans l'avenir. Elle n'avait guère songé que ce bébé grandirait, et qu'il y aurait lieu de pourvoir à son instruction, à son éducation. C'est bien de combler un petit être de caresses, c'est mieux de lui donner les enseignements que son esprit réclame. Adopter un enfant crée le devoir d'en faire un homme. La comédienne avait vaguement entrevu ce devoir. Il est vrai, P'tit-Bonhomme avait à peine cinq ans et demi. Mais, à cet âge, l'intelligence commence à se développer. Que deviendrait-il? Il ne pourrait la suivre pendant ses tournées de ville en ville, de théâtre en théâtre... surtout lorsqu'elle irait à l'étranger... Elle serait forcée de le mettre en pension... oh! dans une bonne pension!... Ce qui était certain, c'est qu'elle ne l'abandonnerait jamais.

      Et un jour, elle dit à Élisa:

      «Il se montre de plus en plus gentil, ne remarques-tu pas? Quelle affectueuse nature! Ah! son amour me paiera de ce que j'aurais fait pour lui!... Et puis... précoce... voulant savoir les choses... Je trouve même qu'il est plus réfléchi qu'on ne doit l'être si jeune... Et il a pu croire qu'il était mon fils!... Le pauvre petit!... Je ne dois guère ressembler à la mère qu'il a eue, j'imagine?... Ce devait être une femme sérieuse... grave... Dis donc, Élisa, il faudra bien y penser, pourtant...

      —A quoi, madame?

      —A ce que nous en ferons.

      —Ce que nous en ferons... maintenant?..

      —Non, pas maintenant, ma fille... Maintenant, il n'y a qu'à le laisser pousser comme un arbuste!... Non... plus tard... plus tard... quand il aura sept ou huit ans... N'est-ce pas à cet âge-là que les enfants vont en pension?...»

      Élisa allait représenter que le gamin devait être déjà habitué au régime des pensions,

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