P'tit-bonhomme. Jules Verne

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P'tit-bonhomme - Jules Verne

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malheur, sa fierté eut bientôt à souffrir: un réel chagrin l'attendait dans la loge de miss Anna Waston.

      Jusqu'à ce soir-là, il n'avait point «répété en costume», comme on dit, et vraiment cela n'en valait pas la peine. Il était donc venu au théâtre avec ses beaux habits. Or, dans cette loge où se préparait la riche toilette de la duchesse de Kendalle, voici qu'Élisa lui apporte des haillons qu'elle se dispose à lui mettre. De sordides loques, propres en dessous certainement, mais en dessus, sales, rapiécées, déchirées. En effet, dans ce drame émouvant, Sib est un enfant abandonné que sa mère retrouve avec son accoutrement de petit pauvre,—sa mère, une duchesse, une belle dame toute en soie, en dentelles et en velours!

      Quand il vit ces guenilles, P'tit-Bonhomme eut d'abord l'idée qu'on allait le renvoyer à la ragged-school.

      «Madame Anna... madame Anna! s'écria-t-il.

      —Eh qu'as-tu? répondit miss Waston.

      —Ne me renvoyez pas!...

      —Te renvoyer?... Et pourquoi?...

      —Ces vilains habits...

      —Quoi!... il s'imagine...

      —Eh non, petit bêta!... Tiens-toi un peu! répliqua Élisa, en le ballotant d'une main assez rude.

      —Ah! l'amour de chérubin!» s'écria miss Anna Waston, qui se sentit prise d'attendrissement.

      Et elle se faisait de légers sourcils bien arqués avec l'extrémité d'un pinceau.

      «Le cher ange... si l'on savait cela dans la salle!»

      Et elle se mettait du rouge sur les pommettes.

      «Mais on le saura, Élisa... Ce sera demain dans les journaux... Il a pu croire...»

      Et elle passait la houppe blanche sur ses épaules de grand premier rôle.

      «Mais non... mais non... invraisemblable babish!... Ces vilains habits, c'est pour rire...

      —Pour rire, madame Anna?...

      —Oui, et il ne faut pas pleurer!»

      Et volontiers elle aurait versé des larmes, si elle n'eût craint d'endommager ses couleurs artificielles.

      Aussi Élisa de lui répéter en secouant la tête:

      «Vous voyez, madame, que nous ne pourrons jamais en faire un comédien!»

      Cependant P'tit-Bonhomme, de plus en plus troublé, le cœur gros, les yeux humides, pendant qu'on lui enlevait ses beaux habits, se laissa mettre les haillons de Sib.

      C'est alors que la pensée vint à miss Anna Waston de lui donner une belle guinée toute neuve. Ce serait son cachet d'artiste en représentation, «ses feux!» répéta-t-elle. Et, ma foi, l'enfant, vite consolé, prit la pièce d'or avec une évidente satisfaction et la fourra dans sa poche, après l'avoir bien regardée.

      Cela fait, miss Anna Waston lui donna une dernière caresse, et descendit sur la scène, en recommandant à Élisa de le garder dans la loge, puisqu'il ne paraissait qu'au troisième acte.

      Ce soir-là, le beau monde et le populaire remplissaient le théâtre depuis les derniers rangs de l'orchestre jusqu'aux cintres, bien que cette pièce n'eût plus l'attrait de la nouveauté. Elle avait déjà vu le feu de la rampe pendant douze à treize cents représentations sur les divers théâtres du Royaume-Uni,—ainsi que cela arrive souvent pour des œuvres du cru, même quand elles sont médiocres.

      Le premier acte marcha d'une façon convenable. Miss Anna Waston fut chaleureusement applaudie, et elle le méritait par la passion de son jeu, par l'éclat de son talent, dont les spectateurs subissaient la très visible impression.

      Après le premier acte, la duchesse de Kendalle remonta dans sa loge, et, à la grande surprise de Sib, voici qu'elle enlève ses ajustements de soie et de velours pour revêtir le costume de simple servante,—changement nécessité par des combinaisons de dramaturge aussi compliquées que peu nouvelles, et sur lesquelles il est inutile d'insister.

      P'tit-Bonhomme contemplait cette femme de velours qui devenait une femme de bure, et il se sentait de plus en plus inquiet, abasourdi, comme si quelque fée venait d'opérer devant lui cette fantastique transformation.

      Puis la voix de l'avertisseur parvint jusqu'à la loge,—une grosse voix de stentor qui le fit tressaillir, et la «servante» lui fit un signe de la main, en disant:

      «Attends, bébé!... Ce sera bientôt ton tour.»

      Et elle descendit sur la scène.

      Deuxième acte: la servante y obtint un succès égal à celui que la duchesse avait obtenu au premier, et le rideau dut être relevé au milieu d'une triple salve d'applaudissements.

      Décidément, l'occasion ne se présentait pas aux bonnes amies et à leurs tenants d'être désagréables à miss Anna Waston.

      Elle regagna sa loge et se laissa tomber sur un canapé, un peu fatiguée, bien qu'elle eût réservé pour l'acte suivant son plus grand effort dramatique.

      Cette fois encore, nouveau changement de costume. Ce n'est plus une servante, c'est une dame,—une dame en toilette de deuil, un peu moins jeune, car cinq ans se sont passés entre le deuxième et le troisième acte.

      P'tit-Bonhomme ouvrait de grands yeux, immobile en son coin, n'osant ni remuer ni parler. Miss Anna Waston, assez énervée, ne lui prêtait aucune attention.

      Cependant, dès qu'elle fut habillée:

      «Petit, dit-elle, ça va être à toi.

      —A moi, madame Anna?....

      —Et rappelle-toi que tu te nommes Sib.

      —Sib?... oui!

      —Élisa, répète-lui bien qu'il se nomme Sib jusqu'au moment où tu descendras avec lui sur la scène pour le conduire au régisseur près de la porte.

      —Oui, madame.

      —Et, surtout, qu'il ne manque pas son entrée!»

      Non! il ne la manquerait pas, dût-on l'y aider d'une bonne tape, le petit Sib... Sib... Sib...

      «Tu sais, d'ailleurs, ajouta miss Anna Waston en montrant le doigt à l'enfant, on te reprendrait ta guinée... Ainsi, gare à l'amende...

      —Et à la prison!» ajouta Élisa en faisant ces gros yeux qu'il connaissait bien.

      Ledit Sib s'assura que la guinée était toujours au fond de sa poche, bien décidé à ne point se la laisser reprendre.

      Le moment était venu. Élisa saisit Sib par la main, descendit sur la scène.

      Sib fut d'abord ébloui par les traînées d'en bas, les herses d'en haut,

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