Manuel de la procédure d'asile et de renvoi. Constantin Hruschka

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Manuel de la procédure d'asile et de renvoi - Constantin Hruschka

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cadre d’un projet pilote mené à Altstetten (Zurich). Un projet de loi reprenant les éléments principaux de ce projet pilote a été soumis au Parlement fédéral en septembre 2014. Les Chambres fédérales ont adopté le projet, avec quelques modifications, le 25 septembre 2015.

      La restructuration adoptée marque un changement fondamental dans la façon de concevoir la procédure d’asile. Elle signifie premièrement une répartition différente des compétences entre les cantons et la Confédération. Comme elle le faisait déjà pour les centres d’enregistrement et de procédure, la Confédération devient responsable des procédures accélérées ayant lieu dans les nouveaux centres. Sur ce nouveau modèle, les cantons qui n’hébergent pas de centres fédéraux ne sont responsables que des demandes qui leur sont transmises après une première phase de sélection, des personnes ayant reçu protection ainsi que des personnes dont l’exécution du renvoi n’est pas prévisible. Cette réforme devrait permettre, à terme, d’accélérer sensiblement la durée des procédures d’une majorité de demandes. De manière cruciale, la nouvelle loi repose sur l’équilibre entre cette accélération des procédures et la garantie d’une offre adéquate et gratuite en termes de conseils et de représentation juridiques. De plus, la qualité des procédures doit être compatible avec les standards de l’Etat de droit et avec les engagements européens et internationaux de la Suisse.

      De manière générale, la restructuration complète du domaine de l’asile peut s’appuyer sur de solides appuis, tant au Parlement fédéral qu’auprès des organisations et associations travaillant dans le domaine de l’asile. Tous soulignent la nécessité d’accélérer les procédures d’asile tout en garantissant les standards d’un Etat de droit. Du point de vue de la protection des requérants d’asile, cette accélération ne sera acceptable que si la qualité de la procédure est compatible avec les standards que la Suisse se doit de respecter.

      De manière générale, les Etats ont la compétence de déterminer à quels ressortissants étrangers ils veulent accorder un droit de séjour sur leur territoire. Par les choix souverains qu’elle a réalisés, la Suisse s’est toutefois engagée à respecter certains droits et principes du droit international.

      Le concept de « juridiction » joue un rôle essentiel à cet égard. En bref, la responsabilité de l’Etat est engagée dès qu’une personne se trouve sous sa juridiction. Dès ce moment, l’Etat porte la responsabilité d’assurer une protection suffisante à cette personne. En plus des droits et principes reconnus dans sa propre Constitution, cette protection comprend l’ensemble des droits conférés par les conventions et traités internationaux que l’Etat en question s’est engagé à respecter.

      Dans la plupart des cas, cette question de la juridiction est relativement facile à régler. La présence de la personne sur le territoire de l’Etat coïncide avec la juridiction. Lorsqu’un requérant d’asile se rend à la frontière d’un Etat, il entre sous sa juridiction en déposant une demande d’asile. Toutefois, comme une série de décisions sensibles le prouve, cet aspect peut être difficile à clarifier lorsque l’Etat agit au-delà de ses frontières. Un arrêt de principe de la Cour européenne des droits de l’homme de 2012 traite de la responsabilité de l’Italie lorsqu’elle intercepte des bateaux de migrants en Méditerranée.3 Selon la Cedh, le critère de juridiction était rempli dans ce cas d’espèce. L’Italie était donc responsable d’assurer une protection en adéquation avec ses engagements internationaux, dans ce cas la CEDH. Cette responsabilité n’implique pas de reconnaître automatiquement l’asile à ces requérants, mais elle implique un traitement juste et conforme de leur demande. De manière générale, cette notion de juridiction fait donc apparaître clairement les liens entre souveraineté, responsabilité et respect des engagements internationaux.

      Une fois ce critère de juridiction établi, différents engagements internationaux de la Suisse s’appliquent, notamment la Convention de Genève (CR). Cette convention fonde le droit d’asile moderne et la définition du réfugié qu’elle contient fait office d’étalon pour les législations nationales. D’une part, le réfugié reconnu doit être traité sur un pied d’égalité avec les autres ressortissants étrangers présents sur le territoire, voire comme les nationaux, dans de nombreux domaines (travail, logement, soutien). D’autre part, la CR contient une interdiction de refoulement. Les Etats parties s’engagent ainsi à ne pas refouler des personnes vers un pays où elles seraient menacées de persécutions (« interdiction de refoulement du droit des réfugiés »).

      [32]Cette interdiction de refoulement inscrite dans la CR fait écho à l’interdiction de refoulement contenue à l’art. 3 CEDH. Sur la base de l’interdiction de la torture et de tout traitement inhumain, la Cedh a formulé une interdiction absolue de renvoyer des personnes dans des pays où elles risqueraient de subir la torture ou d’autres graves violations des droits humains (« interdiction de refoulement résultant des droits humains »). L’interdiction de refoulement en cas de menace de torture fait partie du « droit international impératif » (ius cogens). La Convention de l’ONU contre la torture4 contient aussi, à son art. 3, une interdiction de refoulement. L’art. 7 Pacte II de l’ONU5 connaît également une interdiction de la torture et de tout traitement inhumain. La Suisse a signé et ratifié toutes les conventions précitées.

      La Constitution fédérale6 mentionne expressément aussi bien l’interdiction de refoulement du droit des réfugiés que celle basée sur les droits humains (art. 25 al. 2 et 3 Cst.). Une initiative populaire des Démocrates suisses déposée en 1992 a été déclarée invalide par les Chambres fédérales pour incompatibilité avec cette norme impérative.

      La Convention sur les droits de l’enfant7 joue également un rôle important pour l’asile en Suisse. En s’engageant à mettre l’intérêt supérieur de l’enfant au cœur de ses politiques, la Suisse a accepté de porter une attention particulière aux défis spécifiques des mineurs. Ce principe influe fortement sur la procédure d’asile spécifique aux mineurs non accompagnés et sur les conditions de leur accueil en Suisse.

      D’autres conventions internationales portant sur des besoins spécifiques de protection peuvent également être pertinentes dans le domaine de l’asile. Elles concernent par exemple la protection des droits des personnes handicapées8, des victimes de la traite des êtres humains9 ou l’élimination des discriminations à l’encontre des femmes10. Les développements des standards liés aux droits humains en vue d’une protection renforcée pourraient bientôt déployer plus d’effets dans le domaine de l’asile.

      Depuis le traité de Maastricht (1992), les Etats membres de l’UE reconnaissent que la politique d’asile est une « affaire d’intérêt général ». Jusqu’en 1998, la coopération en matière de politique d’asile de l’UE est toutefois demeurée largement informelle. Les Etats membres développèrent une collaboration intergouvernementale composée principalement de diverses recommandations non contraignantes. Avec les traités d’Amsterdam (1997) puis de Nice (2000), l’asile est devenu une politique communautaire. Les éléments clés du droit d’asile européen sont donc le résultat d’une délégation graduelle de compétences de la sphère nationale vers le niveau supranational de l’Union. Cette volonté politique se confirme avec le traité de Lisbonne (2007). Aujourd’hui, la politique d’asile commune est un pilier important de la politique d’immigration européenne et de son objectif de créer « un espace de liberté, de sécurité et de droit ». Cette évolution se traduit également dans la normalisation politique du régime de l’asile au niveau de l’UE. Dans le domaine de l’asile, le Parlement européen joue maintenant un rôle de législateur

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