Le comte de Monte Cristo. Alexandre Dumas

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le comte de Monte Cristo - Alexandre Dumas страница 68

Le comte de Monte Cristo - Alexandre  Dumas

Скачать книгу

observation que je faisais.

      – Eh bien, tu ferais bien mieux encore de prêter à ce brave garçon, qui est tout nu, un pantalon et une vareuse, si toutefois tu en as de rechange.

      – Non, dit Jacopo, mais j’ai une chemise et un pantalon.

      – C’est tout ce qu’il me faut, dit Dantès; merci, mon ami.»

      Jacopo se laissa glisser par l’écoutille, et remonta un instant après avec les deux vêtements, que Dantès revêtit avec un indicible bonheur.

      «Maintenant, vous faut-il encore autre chose? demanda le patron.

      – Un morceau de pain et une seconde gorgée de cet excellent rhum dont j’ai déjà goûté; car il y a bien longtemps que je n’ai rien pris.»

      En effet, il y avait quarante heures à peu près. On apporta à Dantès un morceau de pain, et Jacopo lui présenta la gourde. «La barre à bâbord!» cria le capitaine en se retournant vers le timonier. Dantès jeta un coup d’œil du même côté en portant la gourde à sa bouche, mais la gourde resta à moitié chemin.

      «Tiens! demanda le patron, que se passe-t-il donc au château d’If?»

      En effet, un petit nuage blanc, nuage qui avait attiré l’attention de Dantès, venait d’apparaître, couronnant les créneaux du bastion sud du château d’If.

      Une seconde après, le bruit d’une explosion lointaine vint mourir à bord de la tartane.

      Les matelots levèrent la tête en se regardant les uns les autres.

      «Que veut dire cela? demanda le patron.

      – Il se sera sauvé quelque prisonnier cette nuit, dit Dantès, et l’on tire le canon d’alarme.»

      Le patron jeta un regard sur le jeune homme, qui, en disant ces paroles, avait porté la gourde à sa bouche; mais il le vit savourer la liqueur qu’elle contenait avec tant de calme et de satisfaction, que, s’il eut eu un soupçon quelconque, ce soupçon ne fit que traverser son esprit et mourut aussitôt.

      «Voilà du rhum qui est diablement fort, fit Dantès, essuyant avec la manche de sa chemise son front ruisselant de sueur.

      – En tout cas, murmura le patron en le regardant, si c’est lui, tant mieux; car j’ai fait là l’acquisition d’un fier homme.»

      Sous le prétexte qu’il était fatigué, Dantès demanda alors à s’asseoir au gouvernail. Le timonier, enchanté d’être relayé dans ses fonctions, consulta de l’œil le patron, qui lui fit de la tête signe qu’il pouvait remettre la barre à son nouveau compagnon.

      Dantès ainsi placé put rester les yeux fixés du côté de Marseille.

      «Quel quantième du mois tenons-nous? demanda Dantès à Jacopo, qui était venu s’asseoir après de lui, en perdant de vue le château d’If.

      – Le 28 février, répondit celui-ci.

      – De quelle année? demanda encore Dantès.

      – Comment, de quelle année! Vous demandez de quelle année?

      – Oui, reprit le jeune homme, je vous demande de quelle année.

      – Vous avez oublié l’année où nous sommes?

      – Que voulez-vous! J’ai eu si grande peur cette nuit, dit en riant Dantès, que j’ai failli en perdre l’esprit; si bien que ma mémoire en est demeurée toute troublée: je vous demande donc le 28 de février de quelle année nous sommes?

      – De l’année 1829», dit Jacopo.

      Il y avait quatorze ans, jour pour jour, que Dantès avait été arrêté.

      Il était entré à dix-neuf ans au château d’If, il en sortait à trente-trois ans.

      Un douloureux sourire passa sur ses lèvres; il se demanda ce qu’était devenue Mercédès pendant ce temps où elle avait dû le croire mort.

      Puis un éclair de haine s’alluma dans ses yeux en songeant à ces trois hommes auxquels il devait une si longue et si cruelle captivité.

      Et il renouvela contre Danglars, Fernand et Villefort ce serment d’implacable vengeance qu’il avait déjà prononcé dans sa prison.

      Et ce serment n’était plus une vaine menace, car, à cette heure, le plus fin voilier de la Méditerranée n’eût certes pu rattraper la petite tartane qui cinglait à pleines voiles vers Livourne.

      XXII. Les contrebandiers

      Dantès n’avait point encore passé un jour à bord, qu’il avait déjà reconnu à qui il avait affaire. Sans avoir jamais été à l’école de l’abbé Faria, le digne patron de la Jeune-Amélie, c’était le nom de la tartane génoise, savait à peu près toutes les langues qui se parlent autour de ce grand lac qu’on appelle la Méditerranée; depuis l’arabe jusqu’au provençal; cela lui donnait, en lui épargnant les interprètes, gens toujours ennuyeux et parfois indiscrets, de grandes facilités de communication, soit avec les navires qu’il rencontrait en mer, soit avec les petites barques qu’il relevait le long des côtes, soit enfin avec les gens sans nom, sans patrie, sans état apparent, comme il y en a toujours sur les dalles des quais qui avoisinent les ports de mer, et qui vivent de ces ressources mystérieuses et cachées qu’il faut bien croire leur venir en ligne directe de la Providence, puisqu’ils n’ont aucun moyen d’existence visible à l’œil nu: on devine que Dantès était à bord d’un bâtiment contrebandier.

      Aussi le patron avait-il reçu Dantès à bord avec une certaine défiance: il était fort connu de tous les douaniers de la côte, et, comme c’était entre ces messieurs et lui un échange de ruses plus adroites les unes que les autres, il avait pensé d’abord que Dantès était un émissaire de dame gabelle, qui employait cet ingénieux moyen de pénétrer quelques-uns des secrets du métier. Mais la manière brillante dont Dantès s’était tiré de l’épreuve quand il avait orienté au plus près l’avait entièrement convaincu; puis ensuite, quand il avait vu cette légère fumée flotter comme un panache au-dessus du bastion du château d’If, et qu’il avait entendu ce bruit lointain de l’explosion, il avait eu un instant l’idée qu’il venait de recevoir à bord celui à qui, comme pour les entrées et les sorties des rois, on accordait les honneurs du canon; cela l’inquiétait moins déjà, il faut le dire, que si le nouveau venu était un douanier; mais cette seconde supposition avait bientôt disparu comme la première à la vue de la parfaite tranquillité de sa recrue.

      Edmond eut donc l’avantage de savoir ce qu’était son patron sans que son patron pût savoir ce qu’il était; de quelque côté que l’attaquassent le vieux marin ou ses camarades, il tint bon et ne fit aucun aveu: donnant force détails sur Naples et sur Malte, qu’il connaissait comme Marseille, et maintenant, avec une fermeté qui faisait honneur à sa mémoire, sa première narration. Ce fut donc le Génois, tout subtil qu’il était, qui se laissa duper par Edmond, en faveur duquel parlaient sa douceur, son expérience nautique et surtout la plus savante dissimulation.

      Et puis, peut-être le Génois était-il comme ces gens d’esprit qui ne savent jamais que ce qu’ils doivent savoir, et qui ne croient que ce qu’ils ont intérêt à croire.

      Ce fut donc dans cette situation réciproque

Скачать книгу