Les aventures du capitaine Corcoran. Alfred Assollant

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Les aventures du capitaine Corcoran - Alfred  Assollant

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ne livrait jamais ses hôtes.

      «Tout cela indique assez quels sont ses desseins, et le plus sage serait de le prévenir avant qu'il ait eu le temps de se rendre redoutable. Malgré toute son audace et ses succès, il n'est pas sans sujets d'alarme. Les réformes qu'il a introduites dans l'administration et les lois du peuple mahratte, bien qu'approuvées par son assemblée législative, ont excité la haine des Zémindars, grands propriétaires fonciers qui disposaient de tout avant son arrivée. Il ne serait pas difficile d'exciter leur jalousie et, en leur donnant appui, de renverser le nouveau maharajah. C'est même le seul moyen de prévenir le danger dont nous sommes menacés, et lord Braddock aura ainsi une belle occasion de réparer ses fautes passées et de signaler son administration par un coup d'éclat.»

      On voit, par l'article qui précède, quelle opinion avaient de Corcoran ses ennemis les Anglais.

      A peu de chose près, ils avaient raison, car le Malouin, sans communiquer son dessein à personne, avait repris le plan de Dupleix et du fameux Bussy, et se proposait de chasser les Anglais de l'Inde; mais une si grande entreprise ne pouvait pas être exécutée avant cinq ou six ans, et il attendait en silence.

      Malheureusement les Anglais le prévinrent, ainsi qu'on va le voir.

      IV. Le docteur Scipio Ruskaert.

      Un matin, Corcoran avait quitté Bhagavapour, et il visitait avec soin les frontières de ses États, rendant la justice, réformant l'administration, faisant manoeuvrer son armée, construire des routes et des ponts, car il était obligé de faire à lui seul tous les métiers.

      Sita se trouvait seule dans le palais d'Holkar. A ses pieds, sur le gazon, jouait gracieusement son fils, le petit Rama, âgé de deux ans à peine, mais qui déjà annonçait toute la force de son père et toute la grâce de sa mère. Devant eux, le gros éléphant Scindiah agitait doucement sa trompe pour amuser l'enfant qui riait et, prenant des dragées dans une boite sur les genoux de sa mère, les mettait dans le creux de la trompe. Scindiah, sans s'étonner, les portait à sa bouche et les faisait craquer sous ses dents.

      «Scindiah, mon gros ami, dit Sita, veille bien sur mon petit Rama, et protége-le comme tu me protégeais quand j'étais enfant comme lui.»

      L'éléphant inclina sa trompe avec gravité.

      «Rama, dit la mère, donne-lui la main.»

      Aussitôt l'enfant avança sa petite main délicate et la plaça dans le creux de la trompe de Scindiah, qui le saisit avec précaution et le plaça sur son dos, où le petit Rama se mit aussitôt à danser et à crier de joie.

      Puis, sur l'ordre de Sita, il fut remis à terre avec précaution.

      «Encore! encore! criait Rama.

      L'éléphant recommença la même manoeuvre et plaça l'enfant sur son cou. Rama, s'accrochant à ses deux longues oreilles, poussait de nouveaux éclats de rire:

      «Scindiah! je veux que tu marches.»

      L'éléphant marchait.

      «Scindiah! je veux que tu trottes.»

      Et il trottait.

      «Scindiah! je veux que tu galopes.»

      Et il faisait au galop le tour du parc.

      «Merci, mon gros Scindiah, dit Rama, je t'aime bien. Baisse la tête maintenant. Je veux descendre tout seul.»

      Et s'accrochant des pieds et des mains aux longues défenses d'ivoire de l'éléphant, il se laissait glisser doucement jusqu'à terre.

      Pendant ces jeux et ces rires, on annonça Sougriva.

      «Madame, dit-il à Sita, un étranger d'Europe vient de se présenter au palais. Il se dit Allemand, savant, photographe, et il porte lunettes. Que faut-il en faire? Mon avis est de le renvoyer ou de le pendre. Il a plus l'air d'un espion que d'un honnête homme.

      – Mes ancêtres, dit Sita, n'ont jamais refusé l'hospitalité à personne. Amenez-moi cet étranger.»

      L'Allemand fut introduit dans le parc. C'était un homme de haute taille, brun de visage et marqué de la petite vérole. Il avait des lunettes bleues, pour le garantir de la réverbération du soleil sur le sable, disait-il.

      «Soyez le bienvenu, dit Sita. Qui êtes-vous?

      – Madame, répondit l'Allemand, qui parlait assez purement l'hindoustani, je m'appelle Scipio Ruskaert, je suis docteur de l'université d'Iéna, et chargé par la Société géographique de Berlin de faire des études et d'écrire un mémoire sur la composition géologique, la flore et la faune des monts Vindhya. J'ai été attiré ici par la grande réputation de science et de générosité de l'illustre maharajah Corcoran, votre époux. Sa gloire et son génie sont déjà si connus, que....»

      L'étranger avait trouvé le côté faible de Sita. Cette femme admirable, et presque unique en son genre, ne pouvait pas entendre de flatterie plus douce que l'éloge de son mari. L'Allemand lui parut aussitôt le meilleur et le plus sincère des hommes. Il admirait Corcoran; n'était-ce pas assez pour mériter toute confiance?

      Après beaucoup de questions sur l'Europe en général, et sur l'Allemagne et la France en particulier:

      «On m'assure, dit Sita, que vous êtes photographe. Qu'est-ce que cela?»

      L'Allemand le lui expliqua, et dit qu'il s'entendait fort bien à faire des portraits.

      Autre piége où Sita devait tout naturellement tomber. Quelle femme résiste au plaisir de voir sa propre image et de contempler sa beauté? Et, d'ailleurs, quel plaisir d'offrir à Corcoran, dès son retour, son portrait et celui de Rama!

      En un clin d'oeil, l'Allemand disposa ses instruments, sa chambre noire et ses plaques, Sita prit Rama dans ses bras, quoiqu'il se débattit de toutes ses forces, et l'opération commença.

      Tout réussit à merveille, et Sita, enchantée du succès de son idée, voulut qu'on donnât l'hospitalité à l'étranger jusqu'au retour de Corcoran.

      L'Allemand s'inclina humblement, et allait suivre Sougriva; un incident fâcheux augmenta les soupçons de l'Indien.

      Scindiah, témoin muet de cette scène, ne paraissait pas plus charmé que Sougriva de l'arrivée de l'étranger. Cependant il ne grognait pas et se contentait de lui tourner assez grossièrement le dos, lorsque le petit Rama fut pris d'une fantaisie subite.

      «Maman, cria-t-il, je veux que tu fasses faire mon portrait en même temps que celui de Scindiah.»

      Sita essaya de résister, mais il fallu céder. L'enfant se plaça debout sur le cou de Scindiah, en s'appuyant sur la trompe relevée de l'éléphant, comme un roi sur son sceptre, et l'Allemand braqua son objectif.

      Mais, comme tous les photographes, il se croyait un fort grand artiste et voulut donner des conseils à Scindiah, sur la manière de se poser. Scindiah se laissa d'abord poser de face, puis de profil, puis de trois quarts; puis il revint à sa première pose; puis voyant qu'on allait encore le mettre de trois quarts, il regarda l'Allemand d'un air qui n'annonçait rien de bon. Scindiah avait ses nerfs et trépignait. Rama, tout fier de se tenir debout et sans broncher à une si grande hauteur (car l'éléphant n'avait pas moins de dix-sept pieds de haut), chantait de toutes ses forces une chanson dont les vers et la musique étaient de sa composition et qui commençait ainsi:

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