A se tordre. Alphonse Allais

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A se tordre - Alphonse Allais

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quand vous êtes mort…

      – Alors, pourquoi qu’il ne tuait pas son oncle, le neveu ?

      – Eh bien ! tu es joli, toi ! Il ne tuait pas son oncle parce qu’il ne faut pas tuer son oncle, dans aucune circonstance, même pour en hériter.

      – Pourquoi qu’il ne faut pas tuer son oncle ?

      – À cause des gendarmes.

      – Mais si les gendarmes le savent pas ?

      – Les gendarmes le savent toujours, le concierge va les prévenir. Et puis, du reste, tu vas voir que le neveu a été plus malin que ça. Il avait remarqué que son oncle, après chaque repas, était rouge…

      – Peut-être qu’il était saoul.

      – Non, c’était son tempérament comme ça. Il était apoplectique…

      – Qu’est-ce que c’est apoplectique ?

      – Apoplectique… Ce sont des gens qui ont le sang à la tête et qui peuvent mourir d’une forte émotion…

      – Moi, je suis-t-y apoplectique ?

      – Non, et tu ne le seras jamais. Tu n’as pas une nature à ça. Alors le neveu avait remarqué que surtout les grandes rigolades rendaient son oncle malade, et même une fois il avait failli mourir à la suite d’un éclat de rire trop prolongé.

      – Ça fait donc mourir, de rire ?

      – Oui, quand on est apoplectique… Un beau jour, voilà le neveu qui arrive chez son oncle, juste au moment où il sortait de table. Jamais il n’avait si bien dîné. Il était rouge comme un coq et soufflait comme un phoque…

      – Comme les phoques du Jardin d’Acclimatation ?

      – Ce ne sont pas des phoques, d’abord, ce sont des otaries. Le neveu se dit : « Voilà le bon moment », et il se met à raconter une histoire drôle, drôle…

      – Raconte-la-moi, dis ?

      – Attends un instant, je vais te la dire à la fin… L’oncle écoutait l’histoire, et il riait à se tordre, si bien qu’il était mort de rire avant que l’histoire fût complètement terminée.

      – Quelle histoire donc qu’il lui a racontée ?

      – Attends une minute… Alors, quand l’oncle a été mort, on l’a enterré, et le neveu a hérité.

      – Il a pris aussi les bateaux ?

      – Il a tout pris, puisqu’il était son seul héritier.

      – Mais quelle histoire qu’il lui avait racontée, à son oncle ?

      – Eh bien ! celle que je viens de te raconter.

      – Laquelle ?

      – Celle de l’oncle et du neveu.

      – Fumiste, va !

      – Et toi, donc

      COLLAGE

      Le Dr Joris Abraham W. Snowdrop, de Pigtown (U.S.A.), était arrivé à l’âge de cinquante-cinq ans, sans que personne de ses parents ou amis eût pu l’amener à prendre femme.

      L’année dernière, quelques jours avant Noël, il entra dans le grand magasin du 37th Square (Objets artistiques en Banaloïd), pour y acheter ses cadeaux de Christmas.

      La personne qui servait le docteur était une grande jeune fille rousse, si infiniment charmante qu’il en ressentit le premier trouble de toute sa vie. À la caisse, il s’informa du nom de la jeune fille.

      – Miss Bertha.

      Il demanda à miss Bertha si elle voulait l’épouser. Miss Bertha répondit que, naturellement (of course), elle voulait bien.

      Quinze jours après cet entretien, la séduisante miss Bertha devenait la belle mistress Snowdrop.

      En dépit de ses cinquante-cinq ans, le docteur était un mari absolument présentable. De beaux cheveux d’argent encadraient sa jolie figure toujours soigneusement rasée. Il était fou de sa jeune femme, aux petits soins pour elle et d’une tendresse touchante.

      Pourtant, le soir des noces, il lui avait dit avec une tranquillité terrible :

      – Bertha, si jamais vous me trompez, arrangez-vous de façon que je l’ignore.

      Et il avait ajouté :

      – Dans votre intérêt.

      Le Dr Snowdrop, comme beaucoup de médecins américains, avait en pension chez lui un élève qui assistait à ses consultations et l’accompagnait dans ses visites, excellente éducation pratique qu’on devrait appliquer en France. On verrait peut-être baisser la mortalité qui afflige si cruellement la clientèle de nos jeunes docteurs.

      L’élève de M. Snowdrop, George Arthurson, joli garçon d’une vingtaine d’années, était le fils d’un des plus vieux amis du docteur, et ce dernier l’aimait comme son propre fils.

      Le jeune homme ne fut pas insensible à la beauté de miss Bertha, mais, en honnête garçon qu’il était, il refoula son sentiment au fond de son cœur et se jeta dans l’étude pour occuper ses esprits.

      Bertha, de son côté, avait aimé George tout de suite, mais, en épouse fidèle, elle voulut attendre que George lui fasse la cour le premier. Ce manège ne pouvait durer bien longtemps, et un beau jour George et Bertha se trouvèrent dans les bras l’un de l’autre.

      Honteux de sa faiblesse, George se jura de ne pas recommencer, mais Bertha s’était juré le contraire.

      Le jeune homme la fuyait ; elle lui écrivit des lettres d’une passion débordante : « … Être toujours avec toi ; ne jamais nous quitter, de nos deux êtres ne faire qu’un être ! … »

      La lettre où flamboyait ce passage tomba dans les mains du docteur qui se contenta de murmurer :

      – C’est très faisable.

      Le soir même, on dîna à White Oak Park, une propriété que le docteur possédait aux environs de Pigtown.

      Pendant le repas, une étrange torpeur, invincible, s’empara des deux amants.

      Aidé de Joe, un nègre athlétique, qu’il avait à son service depuis la guerre de Sécession, Snowdrop déshabilla les coupables, les coucha sur le même lit et compléta leur anesthésie grâce à un certain carbure d’hydrogène de son invention.

      Il prépara ses instruments de chirurgie aussi tranquillement que s’il se fût agi de couper un cor à un Chinois.

      Puis avec une dextérité vraiment remarquable, il enleva, en les désarticulant, le bras droit et la jambe droite de sa femme.

      À George, par la même opération, il enleva le bras gauche et la jambe gauche.

      Sur toute la longueur du flanc droit de Bertha, sur toute la longueur

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