Le crime de l'Opéra 2. Fortuné du Boisgobey

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Le crime de l'Opéra 2 - Fortuné du Boisgobey

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main à travers la poitrine; mais il sentit que la situation était sérieuse, et il répondit avec un flegme parfait:

      – Je suis charmé de faire la connaissance de M.  Bernache. Veuillez m’expliquer, mon cher Crozon, ce que je puis pour son service… et pour le vôtre.

      – Vous ne devinez pas? lui demanda le marin, en le foudroyant du regard.

      – Non, sur ma parole.

      – Monsieur est mon témoin.

      – Ah! très bien. Je comprends. Vous avez reçu la lettre que vous attendiez. Vous savez maintenant à qui vous en prendre, vous allez vous battre, et vous avez choisi pour vous assister sur le terrain un camarade éprouvé, qui a navigué avec vous. Je ne puis que vous féliciter de ce choix, et je ne vous en veux pas du tout de m’avoir préféré monsieur, qui vous connaît plus que moi et qui vous représentera beaucoup mieux.

      Nointel croyait être fort habile en parlant ainsi. Il craignait que Crozon n’eût l’idée de lui adjoindre ce mécanicien comme second témoin, et il prenait les devants pour éviter la ridicule corvée dont il pensait être menacé. Il ne s’attendait guère à être interpellé comme il le fut aussitôt.

      – Ne faites donc pas semblant de ne pas comprendre, lui cria le baleinier. C’est avec vous que je veux me battre, et j’ai amené Bernache pour que nous en finissions tout de suite. Vous devez avoir ici des amis. Envoyez-en chercher un, et partons. Nous irons où vous voudrez. J’ai en bas, dans un fiacre, des épées, des pistolets et des sabres.

      Le capitaine tombait de son haut, mais il commençait à entrevoir la vérité, et il ne se troubla point.

      – Pourquoi voulez-vous donc vous battre avec moi? demanda-t-il tranquillement.

      Crozon tressaillit et dit entre ses dents:

      – Vous raillez. Il vous en coûtera cher.

      – Je ne raille pas. Je n’ai jamais été plus sérieux, et je vous prie de répondre à la question que je viens de vous adresser.

      – Vous m’y forcez. Vous tenez à m’entendre proclamer ce que vous savez fort bien. Soit! c’est un outrage de plus, mais je règlerai tous mes comptes à la fois, car je veux vous tuer, entendez-vous?

      – Parfaitement, mais pourquoi?

      – Parce que vous avez été l’amant de ma femme.

      Nointel reçut cette extravagante déclaration avec autant de calme qu’il recevait autrefois les obus lancés par les canons Krupp. Un autre se serait récrié et aurait essayé de se justifier. Il s’y prit d’une façon toute différente, et il fit bien.

      – Si je vous affirmais que ce n’est pas vrai, vous ne me croiriez pas, je suppose, dit-il sans s’émouvoir.

      – Non, et je vous engage à vous épargner la peine de mentir. Comment voulez-vous que je vous croie? Vous m’avez déclaré vous-même, il n’y a pas deux heures, qu’en pareil cas un galant homme niait toujours.

      – Je l’ai dit et je le répète. Mais vous admettez aussi qu’un galant homme peut avoir été accusé faussement.

      – Non. Personne n’a intérêt à vous désigner comme ayant été l’amant de ma femme.

      – Qu’en savez-vous? J’ai des ennemis, et je m’en connais un entre autres qui est très capable d’avoir imaginé ce moyen de se débarrasser de moi, sans exposer sa personne. Remarquez, je vous prie, que je ne proteste pas, que je ne discute pas, et même que je ne refuse pas de vous rendre raison.

      – C’est tout ce qu’il me faut. Marchons.

      – Tout à l’heure. Veuillez me laisser achever. Je ne serai pas long.

      »Vous avez reçu, à ce que je vois, une nouvelle lettre du drôle qui ne cesse depuis trois mois de dénoncer votre femme, et cette fois il a plu à ce drôle de me désigner à votre vengeance. J’ai le droit de vous demander si cette lettre est signée, et, si elle l’est, je puis exiger que vous m’accompagniez chez son auteur, afin de me mettre à même de le forcer à avouer en votre présence qu’il m’a lâchement calomnié. Je l’y forcerai, je vous en réponds, et je lui ferai avaler son épître, s’il refuse le duel à mort que je lui proposerai.

      – La lettre n’est pas signée.

      – Très bien! Alors, je ne peux m’en prendre qu’à vous, qui ajoutez foi à une accusation anonyme portée contre moi par un vil coquin. Et si vous ne me cherchiez pas querelle, c’est moi qui vous demanderais satisfaction, car vous m’insultez en supposant que je vous ai trompé, vous qui avez été mon camarade, et presque mon ami.

      – Ces trahisons-là sont très bien vues dans le monde où vous vivez.

      – Cela se peut, mais ce qu’on ne tolèrerait dans aucun monde, c’est le procédé dont j’aurais usé aujourd’hui en vous faisant raconter vos infortunes de ménage si je les avais causées. Me croire capable d’une action si basse, c’est m’insulter, je vous le répète, et je ne tolère pas les insultes. Donc, nous allons nous battre.

      – À la bonne heure! trouvez vite un témoin et partons.

      – Pardon! je n’ai pas fini. Je tiens absolument à vous dire, avant de vous suivre sur le terrain, ce que je compte faire après la rencontre. Vous allez m’objecter que je ne ferai rien du tout, attendu que vous êtes certain de me tuer. Eh bien, je vous affirme que vous ne me tuerez pas. Vous êtes d’une jolie force à toutes les armes, mais je suis plus fort que vous.

      – Nous verrons bien, dit le marin avec impatience.

      – Vous le verrez, en effet. Je vous blesserai, et quand je vous aurai blessé, pour vous apprendre à me soupçonner d’une vilenie, je prendrai la peine de vous prouver que l’accusation que vous avez admise si légèrement était absurde, et que non seulement je n’ai jamais été l’amant de votre femme, mais que je ne l’ai jamais vue.

      »Maintenant, j’ai tout dit et je suis prêt à vous suivre partout où il vous plaira de me conduire. Permettez-moi seulement d’aller prendre chez lui un ami que je tiens à avoir pour témoin, par la raison qu’il est inutile d’ébruiter cette affaire, et que je suis sûr de sa discrétion.

      Le baleinier semblait hésiter un peu. La péroraison du capitaine avait fait sur lui une certaine impression, mais il n’était pas homme à reculer après s’être tant avancé, et il fit signe à Bernache de le suivre. Le maître mécanicien ne payait pas de mine et n’avait pas l’élocution facile, mais il ne manquait pas de bon sens, et il risqua une observation fort sage.

      – Moi, à ta place, mon vieux Crozon, dit-il timidement, avant d’aller me cogner avec ce monsieur, qui n’a pas plus peur que toi, ça se voit bien, je lui demanderais de faire avant le coup de torchon ce qu’il te propose de faire après.

      – Qu’est-ce que tu me chantes là, toi? grommela le loup de mer.

      – Elle est bien facile à comprendre, ma chanson. Monsieur déclare qu’il n’a jamais vu ni connu ta femme, et je mettrais ma main au feu qu’il ne ment pas. Mais, puisque tu refuses de croire à la parole d’un officier, pourquoi ne le pries-tu pas de te montrer qu’il dit la vérité?

      – Je suis curieux

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