Le crime de l'Opéra 2. Fortuné du Boisgobey

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Le crime de l'Opéra 2 - Fortuné du Boisgobey

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est chez toi, malade… hors d’état de sortir. Par conséquent, elle n’a pu te suivre…

      – Non, cent fois non.

      – Eh bien, il me semble que si nous allions la voir tous les trois, et si tu lui disais que monsieur est un camarade à toi, tu connaîtrais bien à sa figure si…

      – Pardon, monsieur, interrompit Nointel; je ne sais si votre proposition serait agréée par M.  Crozon, mais moi je refuse absolument de me soumettre à une épreuve de ce genre. Je trouve au-dessous de ma dignité de jouer une comédie qui d’ailleurs n’amènerait pas le résultat que vous espérez. Madame Crozon n’éprouverait aucune émotion en me voyant, puisque je lui suis absolument inconnu; mais M.  Crozon pourrait croire qu’elle a dissimulé ses impressions. Ce n’est pas par de tels moyens que je me propose de le convaincre… lorsque je lui aurai donné la leçon qu’il mérite.

      Le capitaine avait manœuvré avec une habileté rare, et il avait calculé d’avance la portée de ses discours qui tendaient tous à calmer un furieux et qui semblaient être débités tout exprès pour l’exaspérer davantage. Le capitaine connaissait les jaloux, pour les avoir pratiqués, et il s’était dit que plus il prendrait de haut l’accusation portée contre lui par cet affolé, plus il aurait de chances de le ramener à la raison. Le pis qui pût lui arriver, c’était d’être forcé d’aller sur le terrain, et cette rencontre ne l’effrayait pas, car il se croyait à peu près certain de mettre Crozon hors de combat, et par conséquent hors d’état de tuer sa femme. Il se demandait même s’il ne valait pas mieux que l’affaire finît ainsi.

      Mais, pendant qu’il parlait, un revirement s’opérait dans les idées du mari, qui commençait à réfléchir. Il hésita longtemps, ce mari malheureux; il lui en coûtait de faire un pas en arrière, et pourtant il était frappé du calme et de la fermeté que montrait Nointel. Enfin il s’écria:

      – Vous ne voulez pas du moyen de Bernache… vous prétendez que vous en avez un autre pour me prouver que je vous accuse à tort. Dites-le donc, votre moyen.

      – À quoi bon? Vous ne l’admettriez pas.

      – Dites toujours.

      – Non. J’aime mieux me battre.

      – Parce que vous savez bien que vous ne me convaincriez pas.

      – Je vous convaincrais parfaitement. Mais pour cela, il me faudrait peut-être du temps, et vous n’avez pas l’air disposé à attendre. Moi, je n’y tiens pas non plus. Finissons-en. Avez-vous une voiture en bas?

      – Du temps? Comment, du temps? Expliquez-vous.

      – Vous le voulez? soit! mais avouez que j’y mets de la complaisance. Eh bien, si vous étiez de sang-froid, je vous proposerais de me montrer la lettre anonyme que vous venez de recevoir. Vous m’avez offert tantôt de me faire voir les autres, les anciennes. Vous pouvez bien me faire voir celle-là.

      – Sans doute, et quand vous l’aurez vue?

      – Quand je l’aurai vue, il arrivera de deux choses l’une: ou je reconnaîtrai l’écriture de votre aimable correspondant, et, dans ce cas, nous irons ensemble, sans perdre une minute, le forcer à confesser qu’il a menti; ou je ne la reconnaîtrai pas tout de suite, et alors j’ouvrirai une enquête, et cette enquête aboutira, j’en suis sûr, à la découverte du coupable. C’est un de mes ennemis intimes qui a fait cela, et je n’en ai que trois ou quatre. Je me ferais fort de trouver l’auteur de la lettre parmi ces trois ou quatre, mais ce serait trop long. N’en parlons plus.

      Crozon hésita encore un peu, puis il tira brusquement un papier de sa poche, et il le tendit à Nointel, qui éprouva, en y jetant les yeux, la sensation la plus vive qu’il eût ressentie depuis la mort de Julia d’Orcival.

      Les écritures n’ont pas toujours un caractère particulier qui saute aux yeux tout d’abord. Par exemple, les cursives usitées dans le commerce se ressemblent toutes; les anglaises allongées aussi, ces anglaises que les jeunes filles apprennent au pensionnat. Mais celle de la lettre anonyme était très grosse, très espacée et très régulière, une écriture du bon vieux temps. Nointel n’eut qu’à la regarder pour constater qu’elle ne lui était pas inconnue; seulement, il ne se rappelait pas encore où ni quand il l’avait vue.

      – Eh bien? lui demanda Crozon.

      – Eh bien, répondit-il sans se départir de son calme, je ne puis pas vous nommer immédiatement l’auteur de cette lettre, mais je suis à peu près certain que je saurai bientôt de qui elle est, surtout si vous permettez que je la lise.

      – Lisez… lisez tout haut. Je n’ai pas de secrets pour Bernache.

      Le capitaine prit le papier que Crozon lui tendait et lut lentement, posément, comme un homme qui se recueille pour rassembler ses souvenirs.

      La lettre était ainsi conçue:

      «L’ami qui vous écrit regrette de ne pas être encore en mesure de vous apprendre où se trouve l’enfant dont votre femme est accouchée secrètement, il y a six semaines. Cet enfant a été confié par elle à une nourrice qui a changé de domicile au moment où celui qui la cherche pour vous rendre service était sur le point de la découvrir. La mère a sans doute eu vent des recherches, et elle s’est arrangée de façon à les empêcher d’aboutir. La nourrice a été avertie, et elle a su se dérober. Mais on est sûr qu’elle n’a pas quitté Paris, et on la trouvera.»

      – Convenez, dit Nointel, convenez que s’il dit la vérité, votre correspondant est un sinistre coquin. Dénoncer une femme coupable, c’est lâche, c’est ignoble; mais enfin il peut prétendre que son devoir l’oblige à éclairer un ami trompé. Rien ne l’oblige à vous livrer l’enfant. S’il connaît votre caractère, il doit penser que vous le tuerez, ce pauvre petit être qui est assurément fort innocent. Il tient donc à vous pousser à commettre un crime.

      – Faites-moi grâce de vos réflexions, interrompit le baleinier, plus ému qu’il ne voulait le paraître.

      – Si tel est le but que se propose cet homme, reprit le capitaine, cet homme mériterait d’être envoyé au bagne, et je me chargerais volontiers de lui faciliter le voyage de Nouméa. Mais je crois qu’il se vante, je crois qu’il ment. Il n’a pas trouvé l’enfant, parce que l’enfant n’existe pas. Il a inventé cette histoire à seule fin de vous entretenir dans un état d’irritation dont il compte bien tirer parti. Quels sont ses projets? Je n’en sais rien encore, mais je soupçonne qu’il veut vous employer à le débarrasser de quelqu’un qui le gêne.

      – Lisez! mais lisez donc!

      – M’y voici:

      «En attendant qu’il puisse vous montrer la preuve vivante de la trahison de votre femme, l’ami tient aujourd’hui la promesse qu’il vous a faite de vous désigner l’amant, ou plutôt les amants, car il y en a eu deux.»

      – S’il continue, il finira par en découvrir une douzaine, dit railleusement Nointel.

      Et, comme il vit que ce commentaire n’était pas du goût de Crozon, il reprit:

      «Le premier, celui qui l’a détourné de ses devoirs, et qui a été le père de cet enfant, était un aventurier polonais, nommé Wenceslas Golymine. Cet homme prétendait être noble, et s’attribuait le titre de comte. Il vivait dans le grand monde et il dépensait beaucoup d’argent,

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