Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies. Aimard Gustave

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Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies - Aimard Gustave

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aussi je connais don Juan de longue date, poursuivit don López en jetant un regard amical sur son compagnon; aussi n'ai-je pas hésité à lui confier qu'un Indien nous ayant révélé à vous et à moi, señor Pépé, un riche placer, nous avons formé le projet de réunir une troupe d'hommes résolus afin de nous en emparer. Le señor don Juan, dont vous connaissez la discrétion, comprit que nous ne voulions pas faire la fortune du gouvernement aux dépens de la nôtre, et que, par conséquent, l'expédition devait être préparée dans le plus grand secret; car Dieu sait les embarras que nous occasionnerait une parole légère en ce moment où le monde entier ne rêve que placers, mines d'or, etc., et où tous les jours l'Europe vomit sur l'Amérique des nuées de vagabonds avides de s'engraisser à nos dépens.

      – Puissamment raisonné, observa Pépé d'un air convaincu.

      – Bref, continua don López, j'ai pu, grâce à notre ami, réunir en peu de jours, pour notre expédition, la plus belle collection de bribones, tous gaillards de sac et de corde, ruinés par le monté7, et sur lesquels je puis compter parfaitement…

      – Je suis en tous points de votre avis, señor don López; et maintenant qu'avez-vous résolu?

      – Nous n'avons pas de temps à perdre, reprit le Mexicain; ce soir même nous nous mettrons en route: qui sait si déjà nous n'avons pas différé trop longtemps notre départ? Peut-être quelques-uns de ces vagabonds d'Europe dont je vous ai parlé ont-ils découvert notre placer: ces misérables ont un flair particulier pour trouver l'or.

      – ¡Caray! mon maître, s'écria Pépé en frappant du poing sur la table; ce serait à devenir fou: une affaire si bien combinée et si bien menée jusqu'ici!

      – J'y ai autant d'intérêt que vous, señor Pépé, répondit don López avec un aplomb superbe; vous savez que de malheureuses spéculations m'ont fait perdre toute ma fortune: je veux la rétablir d'un seul coup.

      A ces paroles, le ranchero eut une peine incroyable à réprimer un sourire, car il était de notoriété publique que le señor don López Arriaga était un lepero8 qui, en fait de fortune, n'avait jamais possédé un cuartillo de patrimoine; que toute sa vie il n'avait été qu'un aventurier, et que les malheureuses spéculations dont il se plaignait étaient simplement une funeste veine au monté qui lui avait récemment enlevé une vingtaine de mille piastres gagnées Dieu sait comment. Mais le señor don López était un homme d'une bravoure sans égale, doué d'un esprit fertile et prompt, que les hasards de sa vie accidentée outre mesure avaient obligé à vivre longtemps dans les llanos dont il connaissait aussi bien les détours que les ruses de ceux qui les habitent.

      Pour ces différentes raisons et bien d'autres encore, le señor don López était le seul homme capable de mener à bien la difficile expédition qu'ils allaient entreprendre, et le señor Pépé Naïpès, lui aussi, avait de rudes revanches à prendre contre le monté; aussi eut-il l'air d'ajouter la foi la plus complète à ce qu'il plut au señor don López de dire touchant sa fortune perdue.

      – Mais, dit-il après une seconde de réflexion, et la femme, qu'en faisons-nous?

      – La femme?

      – Oui.

      – Eh bien! nous…

      En ce moment, deux coups vigoureux retentirent sur la porte soigneusement verrouillée. Don López s'interrompit.

      – Faut-il ouvrir? demanda Pépé.

      – Oui, répondit don Juan; hésiter ou refuser pourrait donner l'éveil; dans notre position, il faut tout prévoir.

      Don López consentit d'un signe de tête, et le ranchero alla ouvrir la porte, contre laquelle on continuait de frapper comme si l'on avait l'intention de la jeter bas.

      Un homme embossé dans un large manteau, et les ailes du chapeau rabattues sur les yeux, entra dans la salle.

      – Santas tardes9, dit-il en portant la main à son chapeau sans l'ôter cependant.

      – Dios las de a usted buenas10, répondit Pépé; que faut-il servir à votre seigneurie?

      – Une bouteille d'aguardiente, répondit l'étranger en s'installant dans l'endroit le plus obscur de la salle.

      Dès qu'il fut servi, il se versa un verre d'eau-de-vie qu'il but, et, appuyant sa tête sur sa main, il sembla se plonger dans de sérieuses réflexions, sans s'occuper davantage des gens qui se trouvaient auprès de lui.

      Cependant l'arrivée de l'inconnu avait glacé la faconde de nos trois personnages, qui, les bras croisés et le dos au mur, restaient mornes et silencieux, comme s'ils eussent pressenti que cet homme était un ennemi; ils attendaient avec anxiété ce qui allait se passer. Enfin don Juan, voulant savoir à quoi s'en tenir sur le compte de ce mystérieux individu, se leva, remplit résolument son verre et se tournant vers l'étranger toujours impassible en apparence:

      – Señor caballero, lui dit-il avec cette politesse que possèdent à un si suprême degré tous les Mexicains, j'ai l'honneur de boire à votre santé.

      A cette invitation, l'inconnu leva lentement la tête, fixa un instant les yeux sur son interlocuteur, et lui répondit d'une voix sèche et brève:

      – C'est inutile, señor don Juan, car je ne boirai pas à la vôtre; ce que je dis à vous, ajouta-t-il en appuyant sur ces mots, le señor don López Arriaga, peut également le prendre pour lui, si bon lui semble.

      – Qu'est-ce à dire, señor? demanda don López en se levant avec violence. Auriez-vous l'intention de m'insulter?

      – Il y a des gens avec lesquels on ne peut avoir cette intention, reprit l'inconnu d'une voix incisive. Mais, señores, continuez donc votre conversation. Elle était, à mon arrivée, des plus intéressantes: vous parliez, je crois, d'une expédition que vous préparez, et même n'était-il pas question, à l'instant où je suis entré, d'une femme indienne que votre digne associé, le seigneur Pépé Naïpès, a enlevée pour votre compte, et qui doit, je le suppose, vous servir d'otage auprès de ses compatriotes? Que je ne vous dérange pas; je serais charmé, au contraire, de savoir ce que vous comptez faire de cette jeune femme.

      Aucune expression ne saurait rendre le sentiment de stupeur et d'épouvante qui s'empara des trois associés à cette révélation accablante et imprévue de leurs projets. Un instant ils se figurèrent avoir affaire au génie du mal, et firent simultanément le geste de se signer. Mais don López et don Juan étaient des hommes qu'un événement, si grave qu'il fut, ne pouvait longtemps abattre; le premier moment passé, il se raidirent, et, l'étonnement faisant place à la colère, don Juan tira de sa botte vaquera un couteau à lame bien acérée, et fut se placer devant la porte, afin de barrer le passage à l'inconnu; tandis que don López, le sourcil froncé et le machette à la main, s'avançait résolument vers la table derrière laquelle leur étrange interlocuteur, debout et les bras croisés, semblait les défier après les avoir si cruellement raillés.

      – Qui que vous soyez, señor caballero, dit don López en s'arrêtant à deux pas de son adversaire, le hasard vous a rendu maître d'un secret qui tue, et vous allez mourir.

      – Vous croyez, señor don López? répondit l'autre avec un sourire ironique.

      –Défendez-vous

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<p>7</p>

Jeu de cartes.

<p>8</p>

Lazzarone.

<p>9</p>

Manière de saluer qui équivaut à un bonsoir.

<p>10</p>

Dieu vous le donne bon.