Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies. Aimard Gustave

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Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies - Aimard Gustave

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lâchement; les mornes et les quebradas de la Sierra Nevada ont entendu déjà les cris d'agonie de vos victimes.

      A cette allusion faite par l'inconnu à un crime que don López croyait ignoré de tous, une pâleur livide envahit son visage, un tremblement convulsif agita tous ses membres. Il poussa un cri de rage et se précipita sur l'étranger. Celui-ci attendit impassible le choc qui le menaçait; mais, dès que don López fut à sa portée, il se débarrassa vivement de son manteau et le jeta sur la tête de son ennemi, qui roula sur le sol sans pouvoir se délivrer de l'étoffe maudite qui l'enveloppait comme un réseau inextricable.

      D'un bond l'étranger sauta par dessus la table, et, sans plus s'occuper de don López, il se dirigea vers la porte; mais là, il trouva don Juan, qui, s'élançant sur lui, chercha à lui enfoncer son couteau dans la poitrine. Sans se déconcerter, l'inconnu saisit le poignet de son agresseur, et, avec une force que celui-ci était loin de soupçonner, il lui tordit le bras de telle façon que ses doigts se détendirent, et qu'il laissa échapper le couteau avec un cri de douleur.

      L'étranger le ramassa, et, serrant don Juan à la gorge:

      – Écoute, misérable, lui dit-il; je suis maître de ta vie, et je pourrais te tuer si bon me semblait, mais ce serait voler le bourreau et faire tort au garrote qui t'attend; seulement je veux te marquer pour que tu te souviennes de moi!

      Et, appuyant la pointe du couteau sur le visage blêmi du Mexicain, il lui fit deux entailles en forme de croix qui lui partagèrent la figure dans toute sa longueur.

      – Au revoir, dit-il en jetant le couteau avec dégoût, nous nous retrouverons dans la Prairie!

      Et, s'élançant hors de la salle, il disparut.

      Lorsque les trois hommes se retrouvèrent seuls, une expression de rage impuissante et de haine mortelle contracta leur visage.

      – Oh! s'écria don López en grinçant des dents et en montrant le poing au ciel, je me vengerai!

      – Et moi! murmura don Juan d'une voix sourde en étanchant le sang qui souillait son visage.

      – C'est égal, dit à part lui Pépé Naïpès en jetant sur ses compagnons un regard de compassion ironique, je ne le connais pas, mais, caray! c'est un rude homme!

      II

      LES CHASSEURS DE BISONS

      A deux lieues au plus de Santa Fé, dans une clairière située sur le bord de la petite rivière qui borde le presidio, le soir du jour où s'étaient passés les événements que nous venons de rapporter, six hommes aux traits durs, profondément accentués, et portant le costume des chasseurs de bisons, c'est-à-dire le chapeau à larges bords, la veste de velours garnie de réales percées en guise de boutons, la culotte serrée aux hanches par une ceinture de soie rouge, les bottes vaqueras et le zarapé bariolé, étaient réunis autour d'un grand feu qu'ils entretenaient avec soin et causaient entre eux tout en s'occupant activement des préparatifs de leur souper. Frugal repas, du reste, que ce souper! Il se composait d'une bosse de bison, produit de leur chasse, de quelques patates et de tortillas de maïs cuites sous la cendre: le tout arrosé d'eau de smilax et d'aguardiente.

      La nuit était sombre, de gros nuages noirs couraient lourdement dans l'espace, interceptant parfois les rayons blafards de la lune, qui ne répandait qu'une lueur incertaine. Le paysage était noyé dans ces flots d'épaisses vapeurs qui, dans les pays équatoriaux, s'exhalent de la terre à la suite d'une chaude journée. Le vent soufflait violemment au travers des arbres, dont les branches s'entrechoquaient avec un bruit sinistre, et, dans les profondeurs des bois, les miaulements des chats sauvages se mêlaient aux glapissements des carcajous et aux hurlements des pumas et des jaguars.

      – Je crois que la nuit sera mauvaise, dit un des chasseurs tout en retournant les patates dont il surveillait la cuisson.

      – Je suis de votre avis, Fleur-de-Genêt, répondit un grand homme sec en ce moment occupé à rendre le même service à la bosse de bison; le soleil était, à son coucher d'une couleur de cuivre qui ne présage rien de bon.

      – Entre nous, Castor, j'ai bien peur que le Faucon-Noir n'ait commis une faute en allant trouver seul ce misérable López.

      – Frère, vous savez que je n'ai pas approuvé cette démarche; mais le Faucon est prudent, et il aura su sortir des griffes de cet homme.

      – Dieu le veuille! cependant vous conviendrez que, pour de vieux coureurs de bois, nous avons agi en véritables enfants en nous fourrant à l'étourdie dans un véritable guêpier dont je ne vois pas comment nous sortirons.

      – Bah! fit le Castor, avec un bon rifle et un œil sûr on vient à bout de bien des choses, et sept hommes déterminés en valent cinquante dans la Prairie. Et puis, pouvions-nous laisser notre fils adoptif sans secours lorsqu'il réclamait notre aide?

      Tous les chasseurs se récrièrent en protestant de leur dévouement au Faucon-Noir.

      – Depuis vingt ans que nous arpentons les llanos dans tous les sens, reprit le Castor, notre plus grande joie a été de voir grandir à nos côtés et devenir un hardi et vigoureux chasseur l'enfant chétif et malingre que nous avons sauvé si miraculeusement lors de l'incendie de l'hacienda del Toro. Nous avons fait le serment solennel de nous dévouer à son bonheur: le moment est arrivé, hésiterons-nous?

      – Nous ne le pouvons ni ne le devons, dit Fleur-de-Genêt.

      – Bien parlé! s'écria le Castor. Et maintenant, frères, soupons.

      La bosse de bison fut tirée du feu, posée sur une large feuille d'abanijo au milieu du cercle formé par les chasseurs. Chacun s'arma de son couteau, et ils commencèrent à manger de bon appétit.

      – Cette affaire de l'hacienda n'a jamais été bien éclaircie, dit l'un d'eux en engloutissant une énorme tranche de bison saupoudrée de piment, et, dans l'intérêt de l'enfant, peut-être aurions-nous dû faire des recherches.

      – Chut! répondit le Castor en baissant la voix, Tío Perico et moi nous nous en sommes occupés. Croyez-vous donc que je n'aie pas songé comme vous à retrouver la famille de notre cher enfant?

      – Eh bien, demanda un des chasseurs, qui était resté silencieux jusque-là et qu'on appelait le Grand-Lièvre, qu'avez-vous découvert?

      – Hélas! répondit Tío Perico, en secouant tristement la tête, ce que nous avons appris se borne à bien peu de chose.

      – Oui, interrompit le Castor, à force d'interroger çà et là les voisins de l'hacienda del Toro, ce qui n'était pas facile, voici à quoi se bornent les renseignements que nous avons recueillis: Le père du Faucon-Noir se nommait don Gutierrez de la Fuente; c'était un homme riche et considéré dans le pays, qu'il n'habitait, du reste, que depuis peu de temps, sans que l'on sût d'où il était venu. Le jour de l'incendie, – que l'on suppose être le résultat d'une vengeance, – des personnes dignes de foi nous ont assuré l'avoir aperçu, lorsque tout espoir de sauver sa demeure fut évanoui, prendre la route des Prairies sur un cheval, emportant sur le devant de sa selle le cadavre à demi calciné de sa femme. Depuis ce jour, nul n'a revu don Gutierrez. Est-il mort de désespoir dans quelque lieu retiré de la Pampa? Vit-il encore? Voilà ce que personne ne saurait dire.

      – Et rien qui puisse nous mettre sur la trace de ce mystère! dit Fleur-de-Genêt. Et puis quand même, chose impossible, le Faucon retrouverait son père, comment s'en ferait-il reconnaître, après vingt ans passés?

      – Avez-vous

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