Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies. Aimard Gustave

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Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies - Aimard Gustave

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pris terre. Quelques-uns d'entre eux, s'apercevant de ce qui se passait, rentrèrent dans l'eau pour venir en aide à leur chef, tandis que d'autres, guidés par don Juan, suivirent le rivage au galop afin de couper la retraite au cheval de l'Indienne lorsqu'il aborderait.

      Pépé Naïpès, après plusieurs efforts infructueux, se rendit maître du cheval de don López et le mena à celui-ci au moment où il venait de tuer son ennemi d'un coup de couteau dans la poitrine; le Mexicain se remit en selle et gagna le rivage où il tâcha de rétablir un peu d'ordre dans sa troupe, tout en suivant avec anxiété les péripéties du drame silencieux qui se jouait dans la rivière entre Nauchenanga et la jeune Indienne.

      Le chef comanche avait lancé son cheval à la poursuite de celui du Pigeon-Volant, et tous deux, sur une ligne presque parallèle, suivaient le fil de l'eau, le premier cherchant à se rapprocher du second qui s'efforçait au contraire d'augmenter de plus en plus la distance qui les séparait.

      Tout à coup le cheval de Nauchenanga fit un bond en poussant un hennissement de douleur, et il commença à battre follement l'eau de ses pieds de devant, tandis que la rivière se teignait en rouge autour de lui; le chef, comprenant que son cheval était blessé à mort, quitta la selle et se pencha de côté, prêt à plonger. En ce moment, une face hideuse apparut au niveau de l'eau en riant d'une façon diabolique, et une main s'avança vers lui pour le saisir. Avec cet imperturbable sang-froid qui n'abandonne jamais les Indiens, même dans les circonstances les plus critiques, le Comanche prit son tomahawk, fendit le crâne de son ennemi et se laissa glisser dans l'eau.

      Alors un formidable cri de guerre éclata dans la forêt, et une cinquantaine de coups de feu éclatèrent, tirés des deux rives à la fois et illuminant la scène de lueurs fugitives et sinistres. Une foule de peaux-rouges se rua sur les gambucinos et une mêlée terrible s'engagea.

      Les Mexicains, pris à l'improviste, se défendirent d'abord mollement, lâchant pied et cherchant un abri derrière les arbres; mais obéissant à la voix de don López qui faisait des prodiges de valeur tout en excitant ses compagnons à vendre chèrement leur vis, ils reprirent courage, se formèrent en escadron serré et chargèrent les Indiens avec furie, luttant corps à corps avec eux, les assommant à coups de crosse de fusil ou les poignardant avec leurs machettes. Le combat fut court. Les peaux-rouges voyant le mauvais résultat de leur surprise, se découragèrent et disparurent aussi vite qu'ils étaient apparus. Cinq minutes plus tard, le calme et le silence étaient si complètement rétablis, que si quelques Mexicains n'avaient pas été blessés et si plusieurs Indiens n'étaient pas restés sur le champ de bataille, cette scène étrange aurait pour ainsi dire pu sembler un rêve.

      Dès que les sauvages furent en fuite, don López jeta un regard avide sur la rivière: de ce côté aussi la lutte était terminée. Nauchenanga, monté en croupe derrière la jeune fille, guidait son cheval vers le rivage qu'il ne tarda pas à atteindre.

      – Eh bien? lui demanda don López.

      – Les Pawnies sont des renards sans courage, répondit le Comanche en montrant du doigt deux chevelures humaines qui pendaient sanglantes à sa ceinture, ils fuient comme des femmes dès qu'ils voient le visage d'un guerrier de ma nation.

      – Bien! fit avec joie don López, mon frère est un grand chef, il a un ami.

      L'Indien s'inclina avec un sourire indéfinissable; son but était atteint, il avait gagné la confiance de celui qu'il voulait perdre.

      La troupe se remit en marche.

      Pendant plus d'un mois, le voyage des aventuriers à travers la Prairie ne fut qu'une longue suite de combats soutenus contre les Indiens qui les suivaient pour ainsi dire à la piste. Ils voulaient délivrer le Pigeon-Volant, c'était là du moins le principal motif de leurs agressions; le second était cette haine qui séparera toujours la race rouge de la race blanche, race avide qui enserre d'année en année davantage les Indiens, envahissant un jour leurs plus beaux territoires de chasse, le lendemain promenant la charrue au lieu même où reposent les os de leurs pères, les refoulant sans cesse vers les mornes désolés et les pics neigeux des Montagnes Rocheuses, et qui ne sera satisfaite que lorsqu'elle aura vu tomber sous ses coups le dernier de ces enfants de la Prairie, abruti par les vices qu'elle lui aura inoculés.

       IV

       LA GROTTE DU SAYOTKATTA 21

      Le Néobraska – la Plate – ainsi que le nomment les Indiens, est un de ces immenses cours d'eau comme l'Amérique a seule le privilège d'en posséder. Aussitôt descendu des Montagnes Rocheuses, il se partage en deux branches magnifiques qui, après des détours sans nombre, se réunissent enfin vers le 41° 9' N et le 101° 40' O et vont se perdre dans le Missouri.

      C'est à l'endroit où le Néobraska forme en se divisant une large fourche, que nous prierons le lecteur de se transporter avec nous.

      L'homme auquel les splendides paysages américains sont inconnus aura peine à se figurer l'imposante et sauvage majesté de ce lieu. La rivière, parsemée d'iles couvertes de cotonniers des bois, coule silencieuse et rapide entre des rives peu élevées et garnies d'herbes si hautes qu'elles suivent l'impulsion du vent; au loin dans la vaste plaine, sont disséminées d'innombrables collines, dont le sommet, coupé à peu près à la même hauteur, présente une surface plate; jusqu'à une grande distance vers le nord, le sol est semé de larges dalles de grès semblables à des pierres tumulaires.

      A l'extrême pointe de la fourche s'élève un tertre conique supportant a son sommet un obélisque de granit de cent vingt pieds de haut, les Indiens, épris comme tous les peuples primitifs du fantastique et du bicarré, se réunissaient souvent en cet endroit: c'est là que se font les hécatombes à Kitchi-Manitou. Un grand nombre de crânes de bisons, amoncelés au pied de la colonne et disposés en cercles, en courbes et autres ligures géométriques, attestent leur piété pour ce dieu de la chasse, dont l'esprit protecteur plane, disent-ils, du haut du monolithe. Çà et là poussent et s'épanouissent par larges touffes, la pomme de terre indienne, l'oignon sauvage, la tomate des prairies et ces millions de fleurs et d'arbres étranges qui composent la flore américaine; le reste du paysage est couvert de hautes herbes qui ondulent continuellement sous le pied léger des gracieux ahsathas ou longues-cornes qui bondissent d'un roc à un autre. Et bien loin enfin, bien loin à l'horizon, se confondant avec l'azur du ciel, apparaissent les pics dénudés des Montagnes Rocheuses, dont les sommets, couverts de neiges éternelles, servent de cadre à ce tableau immense et imposant, empreint d'une sombre et mystérieuse grandeur.

      Deux mois après les événements que nous avons rapportés, par une belle soirée du mois de mai, que dans leur langue imagée et sonore les Indiens nomment wabigon-quisi», le mois des fleurs, la tranquillité du désert que nous avons essayé de décrire fut troublée par le bruit de la course précipitée d'une nombreuse troupe de cavaliers qui apparut suivant les rives de la branche méridionale de la Plate, nommée Paduca, et se dirigeant vers la colonne de granit placée au centre de la fourche.

      C'était l'heure où le maukawis22 faisait entendre son dernier chant pour saluer le coucher du soleil, qui, à demi plongé dans la pourpre du soir, jaspait encore le ciel de longues bandes rouges.

      Arrivés à une légère distance de la colonne, les cavaliers s'arrêtèrent subitement, et, mettant pied à terre, se préparèrent à camper pour la nuit. Cette troupe d'une trentaine d'hommes environ, présentait l'ensemble le plus pittoresque et le moins pacifique. Au premier coup d'œil, elle paraissait composée d'Indiens; mais, en l'examinant avec attention, l'on reconnaissait à certains signes une réunion de ces trappeurs blancs et de ces gambucinos mexicains dont l'audace est proverbiale dans le Nouveau-Monde.

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<p>21</p>

Sorcier voyant.

<p>22</p>

Espèce de caille.