Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies. Aimard Gustave

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Le lion du désert: Scènes de la vie indienne dans les prairies - Aimard Gustave

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répondit le jeune homme, nous nous remettons en chasse. Mon frère a-t-il l'intention de nous accompagner?

      – Non, mon cœur est triste; Niang15 s'est appesanti sur moi.

      – Que veut dire mon frère? lui serait-il arrivé un malheur?

      – Mon frère ne me comprend-il pas? Ignore-t-il que le walkon16 a vu couper ses ailes et se trouve prisonnier des guerriers de feu17? Ou bien me suis-je trompé et mon frère n'aime-t-il réellement que les bisons dont il mange la chair et dont il vend la peau? répondit l'Indien, dont le regard étincela comme celui d'un chat-tigre.

      – Que mon frère s'explique plus clairement et alors je tâcherai de le comprendre, murmura le Faucon-Noir.

      Il y eut un instant de silence. L'Indien semblait réfléchir profondément.

      Enfin il releva la tète, rendit à son regard toute sa sérénité, et, d'une voix basse et mélodieuse:

      – Pourquoi feindre de ne pas me comprendre, Kolixi18? dit-il; le petit oiseau qui chante dans mon cœur ne chante-t-il pas dans le tien? Pourquoi ne pas être franc? Un guerrier ne doit pas avoir la langue fourchue. Ce qu'un homme seul ne peut faire, deux peuvent le tenter et réussir. Que mon frère s'explique, les oreilles d'un ami sont ouvertes.

      – Mon frère a raison, je ne tromperai pas son attente; oui, j'ai dans le cœur un petit oiseau qui me répète de douces paroles à chaque instant du jour; oui, je donnerais ma vie avec bonheur pour voir le Pigeon-Volant libre de prendre son essor vers les cases de ses pères; mais que peut la volonté d'un homme seul?

      – Mon frère se trompe, il n'est pas seul; je vois à ses côtés les six plus terribles rifles de la prairie. Que me dit donc là mon frère? Ne serait-il plus le grand guerrier que je connais? Douterait-il de l'amitié de son frère rouge Nauchenanga, le grand sagamore des Comanches?

      – Je n'ai jamais douté de l'amitié de mon frère; c'est un illustre chef, et je suis flatté de l'offre qu'il veut bien me faire, répondit le jeune homme sans se compromettre.

      – Eh bien, que mon frère dise un mot, et deux cents guerriers comanches se joindront à lui pour délivrer le Pigeon-Volant et prendre la chevelure de ses ravisseurs.

      – Merci, chef, votre offre est loyale, et je l'accepte; je sais que vous êtes honnête et que votre parole est sacrée.

      – Michabou19 nous protège, dit l'Indien en se levant; mon frère peut compter sur moi: qu'il suive les ladrones, je me charge de les lui livrer sans défense.

      – Mais, reprit le chasseur, quand nous aurons sauvé la jeune fille, à qui appartiendra-t-elle?

      – Rant-chaï-vaï-mè est sage, répondit noblement l'Indien, elle choisira entre le Faucon-Noir et Nauchenanga; heureux celui sur lequel tombera son regard; l'autre se retirera sans se plaindre: la douleur aime la solitude.

      – Voici ma main, chef, et, quel que soit l'arrêt de celle que j'aime, je saurai m'y soumettre en homme de cœur.

      – Mon frère parle bien, reprit l'Indien; Michabou a entendu son serment.

      Et, s'inclinant avec courtoisie, le chef comanche se retira sans ajouter une parole.

      Quelques minutes plus tard, les chasseurs quittaient la clairière pour se mettre à la poursuite des gambucinos.

      III

      EL VADO

      Don López ne resta pas longtemps sous le coup du sanglant outrage qu'il avait reçu. L'orgueil, la colère, et surtout le désir de se venger lui rendirent le courage, et, quelques minutes après le départ du Faucon-Noir, il avait retrouvé toute son audace et son sang-froid.

      – Vous le voyez, señor Pépé, dit-il en s'adressant au ranchero, nos projets sont connus; il faut donc nous hâter si nous ne voulons voir ici faire irruption les suppôts du gouvernement. Ce soir même, aidé du señor don Juan, que je vous laisse, vous mettrez à cheval le Pigeon-Volant, en ayant soin de lui couvrir la tête d'un chapeau d'homme à larges bords, et vous vous rendrez au camp. Votre arrivée sera le signal du départ de l'expédition.

      – Mais, observa Pépé, dans quel but vous embarrasser d'une femme?

      – Parce que cette femme, dit López avec une émotion mal dissimulée, est douée d'une beauté étrange; elle est aimée des principaux chefs des tribus indiennes sur le territoire desquelles nous devons passer; elle est donc pour nous un otage précieux, comme l'a fort bien dit l'homme qui vient de nous braver avec tant d'insolence; grâce à elle, je pourrai neutraliser les efforts que tenteront les Indiens pour nous fermer la route du placer.

      Don López se leva, et, remontant à cheval, prit au galop la route du Cerro Prieto.

      – Hum! fit Pépé en le regardant s'éloigner, quel œil de démon! Quoiqu'il y ait vingt ans que je le connaisse, je ne l'avais jamais vu ainsi! Comment tout cela finira-t-il?

      Et, sans plus de commentaires, il commença à mettre tout en ordre dans le rancho. Lorsque ses apprêts furent terminés, il jeta un regard autour de lui.

      Le señor don Juan, les coudes sur la table et la cigarette à la bouche, buvait à petits coups l'eau-de-vie restée dans la bouteille, sans doute pour se consoler de la navajada dont l'avait gratifié le Faucon-Noir, et qui déjà se cicatrisait tout en lui formant la plus piteuse physionomie du monde.

      – Hé! dit le ranchero d'une voix insinuante, señor don Juan, savez-vous qu'il est à peine cinq heures?

      – Vous croyez? répondit l'autre pour dire quelque chose.

      – J'en suis sûr.

      – Ah!

      – Est-ce que le temps ne vous semble pas long?

      – Extraordinairement.

      – Si vous le vouliez, il nous serait facile de l'abréger.

      – De quelle façon?

      – Oh! mon Dieu, avec ceci.

      Et Pépé sortit de sa poche un jeu de cartes crasseux, qu'il étala avec complaisance sur la table.

      – Ah! la bonne idée! s'écria don Juan, dont les yeux étincelèrent; faisons un monté!

      – A vos ordres; mais que jouerons-nous?

      – Ah! diable, c'est vrai, il faut jouer quelque chose, fit don Juan en se grattant la tète.

      – La moindre des choses, simplement pour intéresser la partie.

      – Encore faut-il l'avoir.

      – Que cela ne vous embarrasse pas; si vous y consentez, je vous ferai une proposition.

      – Faites, señor, je serai charmé de la connaître.

      – Voici. Nous jouerons, si vous voulez, la part qui doit nous revenir dans les lingots

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<p>15</p>

Dieu du mal.

<p>16</p>

Oiseau de Paradis.

<p>17</p>

Espagnols.

<p>18</p>

Faucon noir.

<p>19</p>

Dieu.