L'éclaireur. Aimard Gustave

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L'éclaireur - Aimard Gustave

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style="font-size:15px;">      – Don Miguel Ortega; après cela peut-être me trompé-je, mais je ne crois pas.

      – C'est étrange! répéta le vieux chasseur, comme se parlant à lui-même.

      – Je ne vois rien d'étrange là-dedans; ce nom me semble fort ordinaire.

      – Pour vous, c'est possible; et vous avez traité avec lui?

      – Parfaitement.

      – Comme éclaireur?

      – Oui, mille fois oui.

      – Eh bien, rassurez-vous, Bon-Affût, nous avons de longs jours à vivre ensemble.

      – Feriez-vous partie de sa troupe?

      – Dieu m'en garde!

      – Alors je n'y comprends plus rien.

      Balle-Franche sembla sérieusement réfléchir pendant quelques instants, puis se tournant vers son ami:

      – Écoutez-moi, Bon-Affût, lui dit-il, aussi bien vous êtes mon plus ancien ami, et je ne veux pas vous voir vous fourvoyer de gaieté de cœur; j'ai à vous donner certains renseignements qui vous sont indispensables pour vous acquitter convenablement de la tâche que vous avez acceptée; je vois que nous ne dormirons pas cette nuit, ainsi prêtez-moi l'oreille avec attention; ce que vous allez entendre en vaut la peine.

      Bon Affût, surpris de l'accent solennel du vieux chasseur, le regarda avec inquiétude.

      – Parlez, lui dit-il.

      Balle-Franche rassembla un instant ses souvenirs, puis il prit la parole et commença une longue histoire que les assistants écoutèrent avec une attention et un intérêt qui croissaient d'instant en instant; car jamais, jusqu'à ce jour, ils n'avaient entendu de récit d'événements aussi bizarres et aussi extraordinaires.

      Le soleil était levé depuis longtemps; le vieux chasseur parlait encore.

      VI.

      Une ténébreuse histoire

      Voici dégagée de toutes les observations plus ou moins justes dont il plut au prolixe chasseur de l'embellir, l'histoire extraordinaire que le Canadien raconta à ses auditeurs. Cette histoire se lie si intimement à notre récit, que nous sommes contraints de la rapporter dans tous ses détails.

      Peu de villes offrent un aspect plus enchanteur que Mexico; l'ancienne capitale des Aztèques s'étend, molle et paresseuse comme une nonchalante créole, à demi voilée par les épais rideaux de saules élancés qui bordent au loin les canaux et les routes. Bâtie juste à égale distance de deux océans, à environ 2,280 mètres au-dessus de leur niveau, c'est-à-dire à la hauteur de l'hospice du mont Saint-Bernard, cette ville jouit cependant d'un ciel délicieusement tempéré, entre deux magnifiques montagnes, le Popocatepetl– montagne fumante – et l'Iztaczehualt, ou la femme blanche, dont les cimes chenues, couvertes de glaces éternelles, se perdent dans les nues. L'étranger qui arrive à Mexico au coucher du soleil, par la chaussée de l'Est, une des quatre grandes voies qui conduisent à la cité des Aztèques, et qui seule aujourd'hui reste encore isolée au milieu des eaux du lac de Tezcuco, sur lequel elle est construite, éprouve, à la vue de cette ville, une émotion étrange dont il ne peut se rendre compte. L'architecture mauresque des édifices, les maisons peintes de couleurs claires, les coupoles sans nombre des églises et des couvents, qui dépassent les azotéas et couvrent, pour ainsi dire, la capitale tout entière de leurs vastes parasols jaunes, bleus ou rouges, dorés par les derniers rayons du soleil couchant, la brise tiède et parfumée du soir, qui arrive comme en se jouant à travers les branches touffues des arbres, tout concourt à donner à Mexico un air tout à fait oriental qui étonne et séduit à la fois. Mexico, brûlée entièrement par Fernando Cortez, fut rebâtie par ce conquérant sur le plan primitif: toutes les rues se coupent a angle droit, et vont aboutir à la plaza Mayor par cinq artères principales, qui sont les calles de Tacuba, de la Monterilla, de Santo Domingo, de la Moneda et de San Francisco.

      Toutes les villes espagnoles du Nouveau-Monde, construites sur le même plan, ont cela de commun entre elles, que, dans toutes, la plaza Mayor est bâtie de la même façon. Ainsi, à Mexico, elle a sur une des faces, la cathédrale et le Sagrario; sur la seconde, le palais du président de la république, renfermant les ministères, au nombre de quatre, des casernes, une prison, etc.; sur la troisième face, se trouve l'Ayuntamiento; enfin la quatrième est remplie par deux bazars, le Parian et le Portal de las Flores.

      Le 10 juillet 1854, vers dix heures du soir, après une chaleur torride qui, pendant tout le jour, avait contraint les habitants à se renfermer dans leurs maisons, la brise s'était levée, avait rafraîchi l'air, et chacun, montant sur les azotéas couvertes de fleurs, qui les font ressembler à des jardins suspendus, s'était hâté de jouir de cette sereine placidité des nuits américaines, qui semble, à travers le ciel bleu, pleuvoir des étoiles. Les rues et les places étaient envahies par les promeneurs; partout c'était un tohu-bohu, un pêle-mêle inextricable de piétons, de cavaliers, d'hommes, de femmes, d'Indiens et d'Indiennes, ou les haillons, la soie et l'or se mêlaient de la façon la plus bizarre, au milieu des cris, des quolibets et des éclats de rire, enfin, comme la ville enchantée des Mille et une Nuits, Mexico, au coup de cloche de l'oración, semblait s'être réveillée tout à coup d'un long sommeil séculaire, tant les visages respiraient la joie et semblaient heureux d'aspirer l'air à pleins poumons.

      En ce moment, un sous-officier, facile à reconnaître au cep de vigne qu'il tenait à la main comme indice de son grade, déboucha de la calle San Francisco et se mêla à la foule qui encombrait la plaza Mayor, marchant en se dandinant avec cet air narquois et gobe-mouche particulier aux militaires de tous les pays. Celui-ci était un jeune homme à la mine hautaine, au regard fier et à la fine moustache coquettement relevée. Après avoir fait deux ou trois fois le tour de la place, en agaçant les jeunes filles et coudoyant les hommes, il s'approcha, de l'air toujours en apparence aussi indifférent, d'une échoppe adossée contre un des portales, et dans laquelle un vieillard, au visage de fouine et au regard sournois, s'occupait à renfermer, dans un tiroir d'une méchante table, maculée d'un nombre innombrable de taches d'encre, du papier, des plumes, des enveloppes, de la poudre, enfin tous les ustensiles nécessaires au métier d'écrivain public, métier qu'exerçait, en effet, le petit vieillard, ainsi que l'indiquait une planche suspendue au-dessus de la porte de l'échoppe, et sur laquelle était écrit, en lettres blanches sur fond noir: Juan-Bautista Leporello, Evangelista. Le sergent regarda pendant quelques secondes à travers les vitres, encombrées de spécimens d'écritures de toutes sortes; puis, satisfait sans doute de ce qu'il voyait, il frappa trois coups à la porte avec son cep de vigne.

      Il y eut un mouvement de chaise dans l'intérieur; le soldat entendit le bruit d'une clef dans une serrure, puis la porte s'entrebâilla et l'evangelista parut, avançant timidement la tête.

      – Eh! C'est vous, don Aníbal; ¡Dios me ampare! Je ne vous attendais pas aussitôt, dit-il de cette voie pateline et traînante que certains hommes emploient lorsqu'ils se sentent entre les mains d'un individu plus fort qu'eux.

      – ¡Cuerpo de Cristo! Faites donc l'innocent, vieux coyote, répondit rudement le sergent; qui donc, si ce n'est moi, oserait mettre le pied dans votre bouge maudit.

      L'evangelista ricana en hochant la tête et relevant sur son front ses lunettes d'argent à verres ronds:

      – Eh! Eh! fit-il en toussotant d'un air mystérieux, bien des gens ont recours à mon ministère, beau chérubin d'amour.

      – Possible,

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