L'éclaireur. Aimard Gustave

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L'éclaireur - Aimard Gustave

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vaudrait-il mieux pour vous et pour moi que vos visites eussent un autre motif que celui qui vous conduit ici? hasarda timidement l'evangelista.

      – Trêve de sermon, fermez votre porte, mettez les volets pour que nul ne nous voie du dehors, et causons, nous n'avons pas de temps à perdre.

      Le vieillard ne répliqua pas; il s'occupa immédiatement, avec une célérité dont on ne l'aurait pas cru capable, de fermer les volets qui, la nuit, défendaient son échoppe contre les entreprises des rateros; puis il vint s'asseoir auprès de son hôte, après avoir soigneusement verrouillé la porte en dedans.

      Ces deux hommes, vus ainsi à la lueur d'un candil fumeux, formaient entre eux un étrange contraste: l'un jeune, beau, fort, hardi; l'autre vieux, cassé et hypocrite; tous deux se lançant à le dérobé des regards d'une expression indéfinissable, et, sous une apparente cordialité, cachant probablement une haine profonde, se parlant à voix basse, oreille contre oreille, semblaient deux démons conspirant la perte d'un ange.

      Ce fut le soldat qui le premier reprit la parole d'une voix faible comme un souffle, tant il paraissait redouter d'être entendu.

      – Voyons, Tío Leporello, dit-il, entendons-nous; la demie vient de sonner au Sagrario, ainsi parlez; qu'avez-vous appris de nouveau?

      – Hum! fit l'autre, pas grand chose d'intéressant.

      Le soldat lui lança un regard soupçonneux et parut réfléchir.

      – C'est juste, dit-il au bout d'un instant, je n'y songeais plus; ou donc ai-je la tête?

      Il fouilla dans sa poitrine et de la poche de son uniforme il sortit d'abord une bourse assez bien garnie, à travers les mailles de soie verte de laquelle étincelait l'or d'un nombre considérable d'onces, puis une longue navaja qu'il ouvrit et plaça sur la table auprès de lui. Le vieillard tressaillit à la vue de la lame acérée dont l'acier bleuâtre lançait des éclairs sinistres; le soldat ouvrit la bourse et fit ruisseler en joyeuses cascades les pièces devant lui. L'evangelista oublia instantanément le couteau pour ne plus s'occuper que de l'or, attiré malgré lui comme par un aimant irrésistible par le chatoiement du métal.

      Le soldat avait fait tout ce que nous venons de dire avec le sang-froid d'un homme qui sait posséder entre les mains des arguments irrésistibles.

      – Ça! reprit-il, fouillez dans votre mémoire, vieux démon, si vous ne voulez pas que ma navaja vous apprenne à qui vous avez à faire au cas où vous l'auriez oublié.

      L'evangelista sourit d'un air agréable en jetant un regard de convoitise sur les onces.

      – Je sais trop ce que je vous dois, don Aníbal, dit-il pour ne pas chercher à vous satisfaire par tous les moyens dont je dispose,

      – Trêve de momeries et d'hypocrites politesses, vieux singe, et venons au fait. Prenez d'abord ceci, cela vous encouragera à être sincère.

      Il lui mit dans la main quelques onces, que l'evangelista fit disparaître avec une prestesse si grande, qu'il fut impossible au soldat de savoir ou elles étaient passées.

      – Vous êtes généreux, don Aníbal, cela vous portera bonheur.

      – Au fait, au fait

      – M'y voici.

      – J'écoute.

      Et le sergent s'accouda sur la table, dans la position d'un homme qui se prépare à écouter un récit intéressant, tandis que l'evangelista toussait, crachait, et par une vieille habitude de prudence, bien qu'il se trouvât seul avec le soldat dans son échoppe, jetait un regard soupçonneux autour de lui.

      Les bruits de la plaza Mayor s'étaient éteints les uns après les autres, la foule s'était dispersée dans toutes les directions et était rentrée dans ses demeures, le plus grand silence régnait au dehors; en ce moment onze heures sonnèrent lentement à la cathédrale, les deux hommes tressaillirent malgré eux aux sons lugubres de l'horloge; les serenos chantèrent l'heure de leur voix traînarde et avinée, puis ce fut tout.

      – Voulez-vous parler, oui ou non? s'écria brusquement le soldat avec un accent de menace.

      L'evangelista fit un bond sur sa butaca, comme s'il se réveillait en sursaut, et passant à plusieurs reprises la main sur son front:

      – Je commence, dit-il d'une voix humble.

      – C'est bien heureux, reprit l'autre d'un ton bourru.

      – Vous saurez donc; mais, observa-t-il en se reprenant, faut-il entrer dans tous les détails?

      – ¡Demonios! s'écria le soldat avec colère, finissons en une fois pour toutes, vous savez que je veux avoir les renseignements les plus complets; ¡canarios! Ne jouez pas avec moi, comme un chat avec une souris; vieillard, je vous en avertis, ce jeu serait dangereux pour vous.

      L'evangelista s'inclina d'un air de conviction et reprit:

      – Donc ce matin, j'étais à peine installé dans mon oficina; j'arrangeais mes papiers et je finissais de tailler mes plumes, lorsque j'entendis frapper discrètement à ma porte; je me levai, j'allai ouvrir: c'était une femme jeune et belle, autant que je pus en juger, car elle était embozada dans sa manta noire, de façon à ne pas être reconnue.

      – Ce n'était donc pas la femme qui depuis un mois vous vient trouver chaque jour? interrompit le soldat.

      – Si, mais comme vous l'avez sans doute remarqué, à chacune de ses visites elle a soin de changer de costume afin, sans doute, de se rendre méconnaissable; mais malgré ces précautions, je suis trop habitué aux finesses des femmes pour me laisser tromper, et je l'ai reconnue au premier regard que me lança son œil noir.

      – Très bien; continuez.

      – Elle demeura un instant silencieuse devant moi, jouant avec son éventail d'un air embarrassé, je lui offris poliment un siège feignant de ne pas la reconnaître et lui demandant à quoi je pouvais lui être bon. – Oh! me répondit-elle d'une voix mutine, je voudrais une chose bien simple. – Parlez, señorita, s'il s'agit de mon ministère, croyez bien que je me ferai un devoir de vous obéir. – Serais-je venue sans cela? me répondit-elle; mais êtes-vous un homme auquel on puisse se fier? Et en disant cela, elle fixait sur moi son grand œil noir d'un air interrogateur. Je me redressai, et, de mon accent le plus sérieux je lui répondis, en plaçant la main sur mon cœur: – Un evangelista est un confesseur, les secrets meurent dans mon sein. Elle sortit alors un papier de la poche de sa saya et le tourna et le retourna entre ses doigts, puis tout à coup elle se mit a rire en s'écriant: – Que je suis folle, je fais du mystère à propos de rien; d'ailleurs vous n'êtes en ce moment qu'une machine, puisque vous ne comprendrez pas vous-même ce que vous écrirez. Je m'inclinai à tout hasard, m'attendant à quelque combinaison diabolique, semblable à celles que depuis un mois elle me fait faire chaque jour.

      – Trêve de réflexions, interrompit le sergent.

      – Elle me donna le papier, reprit l'evangelista; et, ainsi que cela est convenu entre vous et moi, je pris une feuille de papier que je plaçai sur une autre préparée d'avance et noircie d'un côté, si bien que les mots que j'écrivais sur mon papier étaient reproduits par la feuille noire sur une autre, sans que la pauvre niña s'en doutât le moins du monde; après cela, la lettre n'était pas longue, elle avait tout au plus deux ou trois lignes; seulement je veux être damné, ajouta-t-il en se signant pieusement,

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