L'éclaireur. Aimard Gustave

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L'éclaireur - Aimard Gustave

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l'aspect d'un campement de chasseurs paisibles, recevant la visite d'un ami.

      Bon-Affût sourit intérieurement du succès de sa ruse et de la façon dont il avait su en quelques mots donner un tout autre tour à la position; cependant il n'était pas sans inquiétude sur l'explication que le chef allait lui demander; il se sentait dans un guêpier dont, à moins d'un hasard providentiel, il ne savait comment il parviendrait à sortir. Le Loup-Rouge avait invité le chasseur à prendre place à ses côtés auprès du feu, offre que celui-ci n'avait eu garde d'accepter, ne se doutant pas encore de quelle façon tourneraient les choses, et voulant se conserver une chance de salut au cas où l'explication deviendrait orageuse.

      – Le chasseur pâle est-il prêt à répondre? demanda le Loup-Rouge.

      – J'attends le bon plaisir de mon frère!

      – Bon! Que mon frère ouvre les oreilles alors, un chef va parler.

      – J'écoute!

      – Le Loup-Rouge est un chef renommé; son nom est redouté par les Comanches, qui fuient devant lui comme des femmes timides. Un jour, à la tête de ses jeunes gens, le Loup-Rouge s'introduisit dans un altepetl (village) des Comanches, les Bisons Comanches chassaient dans la Prairie, leurs guerriers et leurs jeunes hommes étaient absents; le Loup-Rouge brûla les Calli et emmena les femmes prisonnières; est-ce vrai?

      – C'est vrai! répondit le chasseur en s'inclinant.

      – Parmi ces femmes, il s'en trouvait une pour laquelle le cœur du chef apache avait parlé; cette femme était la Cihuatl du sachem des Bisons Comanches. Le Loup-Rouge la mena dans sa tribu, la traita non comme une prisonnière, mais comme une sœur bien-aimée. Que fit le chasseur pâle?

      Le chef s'interrompit en fixant un regard sévère sur Bon-Affût; celui-ci ne sourcilla pas.

      – J'attends que mon frère m'accuse, afin de savoir ce qu'il me reproche, dit-il.

      Le Loup-Rouge continua avec une certaine animation dans la voix:

      – Le chasseur pâle, abusant de l'amitié du chef, s'introduisit dans son altepetl, sous le prétexte de visiter son frère rouge; comme il était connu et aimé de tous, il parcourut le village à sa guise, fureta partout, et lorsqu'il eut découvert l'Églantine, il l'enleva pendant une nuit obscure, comme un traître et un lâche!

      A cette insulte, le chasseur serra le canon de son rifle par un mouvement convulsif; mais, reprenant presque aussitôt son sang-froid:

      – Le chef est un grand guerrier, dit-il, il parle bien, les paroles arrivent à ses lèvres avec une abondance pleine de charme; malheureusement il se laisse entraîner par la passion et ne rapporte pas les choses ainsi qu'elles se sont passées.

      – Ooah! s'écria le chef, le Loup-Rouge est donc un imposteur, sa langue menteuse doit être jetée aux chiens alors.

      – J'ai écouté patiemment les paroles du chef, à son tour d'écouter les miennes.

      – Bon! Que mon frère parle.

      En ce moment, un sifflement faible comme un soupir se fit entendre; les Indiens n'y prêtèrent pas attention, mais le chasseur tressaillit, son œil profond lança un éclair et un sourire de triomphe plissa le coin de ses lèvres:

      – Je serai bref, dit-il; je me suis, en effet, introduit dans le village de mon frère, mais franchement et loyalement, pour lui demander au nom de Mahchsi-Karehde, le grand sachem des Bisons Comanches, sa femme que le Loup-Rouge avait enlevée: cette femme, j'offrais de payer pour elle une riche rançon composée de quatre eruhpas, – fusils, – de six peaux de bisons femelles et de deux colliers de griffes d'ours gris; j'agissais ainsi dans le but d'empêcher une guerre entre les Bisons Comanches et les Apaches Antilopes; mon frère le Loup-Rouge, au lieu d'accepter mes propositions amicales, les a méprisées; je l'ai averti alors que, de gré ou de force, l'Aigle-Volant reprendrait sa femme traîtreusement enlevée dans son village pendant que lui était absent; puis je me suis retiré. Quel reproche peut m'adresser mon frère? Dans quelle circonstance me suis-je mal conduit avec lui? L'Aigle-Volant a repris sa femme: il a bien fait, il était dans son droit; le Loup-Rouge n'a rien à dire à cela, dans une circonstance semblable il aurait agi de même; j'ai dit, que mon frère réponde si son cœur lui prouve que j'ai eu tort.

      – Bon! répondit le chef, mon frère était ici avec l'Églantine il y a quelques minutes, il me dira où elle s'est cachée; le Loup-Rouge la reprendra, et il n'y aura plus de nuages entre le Loup-Rouge et son ami.

      – Le chef oubliera cette femme, qui ne l'aime pas et qui ne peut être la sienne; cela vaudra mieux, d'autant plus que l'Aigle-Volant ne consentira pas à la lui céder.

      – Le Loup-Rouge a des guerriers pour soutenir ses paroles, dit l'Indien avec orgueil; l'Aigle-Volant est seul, comment s'opposera-t-il à la volonté du sachem?

      Bon-Affût sourit.

      – L'Aigle-Volant a des amis nombreux, dit-il; il est en ce moment réfugié dans le camp des visages pâles dont le Loup-Rouge peut d'ici voir étinceler les feux dans la nuit; que mon frère prête l'oreille, je crois entendre des bruits de pas dans la forêt.

      L'Indien se leva avec agitation; en ce moment trois hommes entrèrent dans la clairière; ces trois hommes étaient Balle-Franche, Ruperto et Domingo.

      A leur vue les Apaches, qui les connaissaient parfaitement, se levèrent en tumulte et poussèrent un cri d'étonnement, presque de frayeur, en saisissant leurs armes. Les trois chasseurs continuèrent à s'avancer tranquillement sans paraître s'occuper de ces démonstrations presque hostiles.

      Nous allons expliquer en quelques mots l'apparition des chasseurs et leur intervention qui allait changer probablement la face des choses.

      V.

      Explications mutuelles

      Balle-Franche et ses deux compagnons, grâce à la position qu'ils occupaient, non seulement voyaient tout ce qui se passait dans la clairière, mais encore ils entendaient, sans en perdre un mot, la conversation de Bon-Affût et du Loup-Rouge.

      Depuis longues années déjà, les deux chasseurs canadiens étaient intimement liés; maintes fois ils avaient frappé ou entrepris de compagnie quelques-unes de ces audacieuses expéditions que les coureurs des bois accomplissent souvent contre les Indiens; ces deux hommes n'avaient pas de secrets l'un pour l'autre; tout était commun entre eux, les haines et les amitiés.

      Balle-Franche était parfaitement au courant des faits auxquels le Loup-Rouge faisait allusion, et si certaines raisons que nous connaîtrons plus tard ne l'en avaient empêché, il aurait probablement aidé son ami à enlever l'Églantine au chef apache. Cependant un point restait toujours obscur dans son esprit: c'était la présence de Bon-Affût au milieu des Indiens, cette rixe dont il avait entendu les cris et ces coups de feu et qui semblait se terminer par une conversation amicale.

      Par quel concours étrange de circonstances, Bon-Affût, l'homme le plus au fait des ruses indiennes, dont la réputation en fait d'adresse et de courage était universelle parmi les chasseurs et les trappeurs des prairies de l'Ouest, se trouvait-il ainsi dans une position équivoque, au milieu de trente ou quarante Apaches, les Indiens les plus fourbes, les plus traîtres et les plus féroces de tous ceux qui sillonnent le désert dans tous les sens; voilà ce que le digne chasseur ne pouvait s'expliquer et ce qui le rendait tout songeur. Au risque de ce qui pourrait arriver, il résolut de révéler sa présence à son ami, au moyen

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