L'éclaireur. Aimard Gustave

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L'éclaireur - Aimard Gustave

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don Miguel rentra sous la tente, et don Stefano, après s'être étendu les pieds au feu, s'endormit ou du moins ferma les yeux.

      Une heure après, le silence le plus complet régnait dans le camp. Les feux ne jetaient plus qu'une lueur douteuse, et les sentinelles, appuyées sur leurs rifles, se laissaient elles-mêmes aller à cette espèce de vague somnolence qui n'est pas encore le sommeil, mais qui déjà n'est plus la veille.

      Soudain un hibou, caché probablement dans un arbre voisin, poussa à deux reprises son hou houlement mélancolique.

      Don Stefano ouvrit subitement les yeux; sans changer de position, il s'assura par un regard investigateur que tout était tranquille autour de lui; puis, après s'être convaincu que son machette et ses revolvers ne l'avaient pas quitté, il saisit son rifle et imita à son tour le cri du hibou; un cri pareil lui répondit.

      L'étranger, après avoir accommodé son zarapé de façon à imiter un corps humain, dit, en le flattant à voix basse, quelques mots à son cheval, afin de le tranquilliser et de lui faire prendre patience, et s'allongeant sur le sol, il se dirigea, en rampant doucement, vers une des issues du camp, s'arrêtant par intervalle, afin de jeter un regard autour de lui.

      Tout continuait à être calme. Arrivé au pied du retranchement formé par les charges des mules, il se redressa, franchit l'obstacle d'un bond de tigre et disparut dans la prairie.

      Au même instant, un homme se releva, sauta par-dessus le retranchement et s'élança à sa poursuite.

      Cet homme était Domingo.

      III.

      Colloque dans la nuit

      Don Stefano Cohecho semblait parfaitement connaître le désert. Dès qu'il fut dans la prairie et ainsi qu'il le croyait, à l'abri de toute investigation fâcheuse, il releva fièrement la tête; sa démarche se fit plus assurée, son œil brilla d'un feu sombre, et il s'avança à grands pas vers un bouquet de palmiers dont les maigres parasols offraient pendant le jour un abri précaire contre les rayons ardents du soleil.

      Cependant il ne négligeait aucune précaution, parfois il s'arrêtait brusquement pour prêter l'oreille au moindre bruit suspect ou pour interroger d'un regard investigateur les sombres profondeurs du désert, puis, après quelques secondes, rassuré par le calme qui régnait autour de lui, il reprenait sa marche de ce pas délibéré qu'il avait adopté en quittant le camp.

      Domingo, pour nous servir de l'expression indienne, marchait littéralement dans ses pas, épiant et surveillant chacun de ses mouvements avec cette sagacité particulière aux métis, tout en ayant bien soin d'être toujours à l'abri d'une surprise de la part de l'homme qu'il espionnait. Domingo était une de ces natures comme il ne s'en rencontre que trop sur les frontières; douées de grandes qualités et de grands vices, aussi bonnes pour le bien que pour le mal, capables d'accomplir des choses extraordinaires dans un sens comme dans l'autre, mais qui, la plupart du temps, ne se laissent guider que par leurs mauvais instincts.

      Il suivait en ce moment l'étranger sans se rendre positivement compte du motif qui le faisait agir, ne sachant pas encore lui-même s'il serait pour ou contre lui, attendant pour se décider que la position se dessinât nettement, et qu'il eût pesé l'avantage qu'il retirerait d'une trahison ou de l'accomplissement de ses devoirs; aussi évitait-il avec soin de laisser soupçonner sa présence, il devinait que le mystère qu'il voulait découvrir lui offrirait, s'il parvenait à le découvrir, de grands avantages, surtout s'il savait l'exploiter; et, dans le doute, il ne s'abstenait pas mais agissait de façon à ne pas compromettre la découverte de ce précieux secret.

      Les deux hommes marchèrent ainsi près d'une heure à la suite l'un de l'autre, sans que don Stefano soupçonnât une seconde qu'il était aussi finement épié, et que l'un des plus adroits coquins des prairies était sur ses talons.

      Après des tours et des détours sans nombre dans les hautes herbes, don Stefano arriva sur la rive même du Río Colorado, qui en cet endroit coulait large et calme comme un lac sur un lit de sable bordé par d'épais bouquets de cotonniers et par de hauts peupliers dont les racines plongeaient dans l'eau; arrivé là, l'inconnu s'arrêta, prêta l'oreille un instant, et portant ses doigts à sa bouche il imita le glapissement du coyote; presque immédiatement le même cri s'éleva du milieu des palétuviers, et une légère pirogue faite d'écorce de bouleau, conduite par deux hommes, apparut sur la rive.

      – Eh! fit don Stefano d'une voix contenue, je désespérais de vous rencontrer!

      – N'avez-vous donc pas entendu notre signal? répondit un des individus de la pirogue.

      – Serais-je venu sans cela! Seulement il me semble que vous auriez pu vous avancer un peu au-devant de moi.

      – Ce n'était pas possible.

      La pirogue s'engrava alors dans le sable; les deux hommes sautèrent légèrement à terre, et en un instant ils eurent rejoint don Stefano. Tous deux portaient le costume et les armes des chasseurs de la Prairie.

      – Hum! reprit don Stefano, la route est longue du camp pour venir jusqu'ici, je crains que l'on s'aperçoive de mon absence.

      – C'est un risque qu'il vous faut courir, répondit celui qui déjà avait parlé, homme de haute taille, à la figure ouverte, à la physionomie grave et sévère, et dont les cheveux blancs comme la neige tombaient en longues boucles sur les épaules.

      – Enfin, puisque vous voilà, expliquons-nous et surtout soyons brefs, le temps est précieux. Qu'avez-vous fait depuis notre séparation?

      – Pas grand-chose: nous vous avons suivi de loin, voilà tout, prêts à vous venir en aide si besoin était.

      – Merci; pas de nouvelles?

      – Aucunes: qui aurait pu nous en donner?

      – C'est juste; et votre ami Bon-Affût, l'avez-vous découvert?

      – Non.

      – Cuerpo de Cristo! Ceci est contrariant, car si mes pressentiments ne me trompent pas, bientôt il nous faudra jouer des couteaux.

      – On en jouera.

      – Je le sais, Balle-Franche1, je connais de longue date votre courage; mais vous, Ruperto, votre camarade et moi nous ne sommes que trois hommes, en résumé de compte.

      – Qu'importe?

      – Comment, qu'importe? Lorsqu'il s'agit de combattre contre trente ou quarante chasseurs aguerris, en vérité, Balle-Franche, vous me rendrez fou avec vos idées. Vous ne doutez de rien: songez-donc que cette fois nous n'avons pas à lutter contre des Indiens mal armés, mais contre des blancs, des bandits de sac et de corde, qui se feront tuer sans reculer d'un pouce, et que nous succomberons inévitablement.

      – C'est vrai, je n'y avais pas réfléchi, ils sont beaucoup.

      – Nous morts que deviendrait-elle?

      – Bon, bon, reprit le chasseur en secouant la tête, je vous répète que je n'y songeais pas.

      – Vous voyez donc bien qu'il est indispensable que nous nous entendions avec Bon-Affût et les hommes dont il peut disposer.

      – Oui, mais allez donc trouver à point nommé dans le désert la piste d'un homme comme Bon-Affût? Qui sait; où il se trouve en ce moment? il

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<p>1</p>

Voir Balle-Franche, 1 vol. in-12, Amyot, éditeur.