L'éclaireur. Aimard Gustave

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L'éclaireur - Aimard Gustave

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était un des chefs les plus renommés de la tribu des Bisons-Blancs, une des plus puissantes de la batailleuse nation des Comanches, cette indomptable et féroce nation qui, dans son incommensurable orgueil, s'intitule superbement la Reine des prairies, titre que nulle autre qu'elle n'ose revendiquer.

      L'Aigle-Volant, bien que fort jeune encore puisqu'il avait à peine vingt-cinq ans, s'était distingué déjà dans maintes circonstances par des traits d'une audace et d'une témérité tellement inouïes, que son nom seul inspirait une invincible terreur aux innombrables hordes indiennes que parcourent sans cesse le désert dans tous les sens.

      Sa taille était haute, bien prise, parfaitement proportionnée; ses traits étaient fins, ses yeux noir comme la nuit acquéraient, sous l'influence d'une émotion forte, cette fixité étrange qui commande le respect; ses gestes étaient nobles et sa démarche gracieuse, empreinte de cette majesté innée chez les Indiens.

      Le chef était revêtu de son costume de guerre.

      Ce costume est assez singulier pour mériter une description détaillée.

      La tête de l'Aigle-Volant était coiffée du mahch-akoub-hachka, bonnet que, seuls, les guerriers distingués qui ont tués beaucoup d'ennemis ont le droit de porter; il est fait de bandes blanches d'hermine ayant par derrière une large pièce de drap rouge tombant jusqu'au mollet, sur laquelle est attachée une crête droite de plumes d'aigle blanches et noires qui commence à la tête et se prolonge en rang serré jusqu'au bout. Au-dessus de l'oreille droite il avait passé dans sa chevelure un couteau de bois peint en rouge et long comme la main: ce couteau était l'emblème de celui avec lequel il avait tué un chef Dacotah; il portait, en outre, huit petites brochettes en bois, peintes en bleu et garnies à l'extrémité supérieure d'un clou doré pour indiquer le nombre de coups de feu dont il avait été blessé; au-dessus de l'oreille gauche il portait une grosse touffe de plumes de hibou jaunes et peintes en rouge à leur extrémité, comme signe de ralliement des Menin-ochaté, c'est-à-dire la bande des Chiens; son visage était peint moitié en rouge et son corps en rouge-brun avec des raies dont la couleur avait été enlevée avec un doigt mouillé. Ses bras, à compter de l'épaule, étaient ornés de vingt-sept raies jaunes indiquant le nombre de ses hauts faits, et sur sa poitrine il avait dessiné avec de la couleur bleue une main, ce qui annonçait qu'il avait souvent fait des prisonniers. Il portait à son cou un magnifique mato-unknappinindè, collier de griffes d'ours gris, longues de trois pouces et blanchâtres à la pointe. Ses épaules étaient couvertes de la grande mih-ihé ou robe de bison, tombant jusqu'à terre et peinte de diverses couleurs. Il avait serré étroitement à la ceinture le woupanpihunchi ou culottes consistant en deux parties séparées, une pour chaque jambe, descendant jusqu'à la cheville et brodée à la partie extérieure de piquants de porc-épic de couleur variée se terminant par une longue touffe traînant par terre; son nokké, larges bandes de drap rayées de blanc et de noir, s'enroulait autour de ses hanches et retombait devant et derrière en longs plis; ses humpés ou souliers en peau de bison étaient peu ornés, mais il avait attaché au-dessus de la cheville des queues de loups qui traînaient à terre derrière lui et dont le nombre égalait les ennemis qu'il avait vaincus; à son ichparakehn ou ceinture pendaient, d'un côté une poire à poudre, un sac à balles et un couteau à scalper, de l'autre un carquois en peau de panthère garni de flèches longues et acérées, et son tomawhauks; son eruhpa, – fusil, – était posé à terre à portée de sa main.

      Ce guerrier, revêtu de cet étrange costume, avait quelque chose d'imposant et de sinistre qui inspirait la terreur.

      Quant à présent, nous nous bornerons à dire que Églantine avait quinze ans au plus, qu'elle était fort belle pour une Indienne, et qu'elle portait dans toute son élégante simplicité le sévère costume adopté par les femmes de sa nation.

      Terminant ici cette description peut-être trop détaillée, mais qui était nécessaire pour connaître les hommes que nous avons mis en scène, nous reprendrons le cours de notre récit.

      Depuis longtemps nos deux personnages fumaient auprès l'un de l'autre sans échanger une parole; enfin le Canadien secoua le fourneau de sa pipe sur le pouce de sa main gauche, et s'adressant à son compagnon:

      – Mon frère est-il satisfait? demanda-t-il.

      – Ooah! répondit l'Indien en baissant affirmativement la tête, mon frère a un ami.

      – Bon, reprit le chasseur, et que fera maintenant le chef?

      – L'Aigle-Volant rejoindra sa tribu avec Églantine, puis il reviendra chercher la piste des Apaches.

      – A quoi bon?

      – L'Aigle-Volant veut se venger.

      – A votre aise, chef, ce n'est certes pas moi qui vous engagerai à renoncer à vos projets contre des ennemis qui sont aussi les miens; seulement je crois que vous n'envisagez pas la question à son véritable point de vue.

      – Que veut dire mon frère le guerrier pâle?

      – Je veux dire que nous sommes loin des huttes des Comanches, et qu'avant de les atteindre nous aurons sans doute plus d'une fois encore maille à partir avec les ennemis, dont le chef se croit peut-être un peu prématurément débarrassé.

      L'Indien haussa les épaules avec dédain.

      – Les Apaches sont de vieilles femmes, bavardes et poltronnes, dit-il, l'Aigle-Volant les méprise.

      – Possible! reprit le chasseur en hochant la tête; cependant, à mon avis, nous aurions mieux fait de continuer notre route jusqu'au lever du soleil, afin de mettre une plus grande distance entre eux et nous, au lieu de nous arrêter aussi imprudemment ici; nous sommes bien près encore du camp de nos ennemis.

      – L'eau de feu a bouché les oreilles et fermé les yeux des chiens apaches; ils dorment étendus sur la terre.

      – Hum! Ce n'est pas mon opinion, je suis au contraire, persuadé qu'il veillent et qu'ils nous cherchent.

      Au même instant, comme si le hasard avait voulu justifier la crainte du prudent chasseur, une dizaine de coups de feu éclatèrent avec fracas; un horrible cri de guerre auquel le Canadien et le Comanche répondirent par un cri de défi sortit du sein de la forêt et une trentaine d'Indiens apaches se ruèrent en hurlant vers le brasier auprès duquel se tenaient nos trois personnages; mais ceux-ci avaient subitement disparu comme par enchantement.

      Les Apaches s'arrêtèrent avec un frémissement de rage, ne sachant plus quelle direction prendre pour retrouver leurs rusés ennemis. Soudain trois coup de feu furent tirés de l'intérieur de la forêt; trois Apaches roulèrent sur le sol, la poitrine traversée.

      Les Indiens poussèrent un hurlement de fureur et se précipitèrent dans la direction des coups de feu.

      Au moment où ils arrivaient à lisière de la forêt, un homme en sortit en agitant de la main droite une robe de bison en signe de paix.

      Cet homme était Bon-Affût le Canadien.

      Les Apaches s'arrêtèrent avec une hésitation de mauvais augure; le Canadien, sans paraître remarquer ce mouvement, s'avança résolument vers eux du pas lent et tranquille qui lui était habituel; en le reconnaissant, les Indiens brandirent leurs armes avec colère et voulurent courir sur lui, car ils avaient bien des motifs de haine contre le chasseur; leur chef les arrêta d'un geste péremptoire.

      – Que mes fils soient patients, dit-il avec un sourire sinistre, il ne perdront rien pour attendre.

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