L'éclaireur. Aimard Gustave
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Le bandit eut l'air de chercher consciencieusement pendant deux ou trois minutes dans sa tête, puis il répondit en faisant l'agréable.
– Ma foi non, seigneurie, je ne vois pas.
– En êtes-vous sûr?
– Hum! Il se pourrait, mais pourtant je ne crois pas.
– Là, vous le voyez, vous n'en êtes pas sûr?
– Au fait, c'est vrai! s'écria le bandit avec une feinte franchise; vous le savez, seigneurie, la nature humaine est si incomplète.
Don Stefano fit un geste d'assentiment.
– Si je vous aidais, dit-il, peut-être que…
– Nous trouverions, n'est-ce pas, seigneurie, interrompit vivement Domingo. Eh bien! Aidez, aidez, je ne demande pas mieux, moi.
– Ainsi, par exemple, remarquez bien que je n'affirme rien, je suppose, voilà tout.
– ¡Caray! Je le sais bien, allez, seigneurie, ne vous gênez pas.
– Ainsi dis-je! N'auriez-vous pas un certain faible pour l'argent?
– Pour l'or surtout.
– C'est ce que je voulais dire.
– C'est qu'aussi l'or est bien tentant, seigneurie.
– Je ne vous en fais pas un crime, mon ami, je me borne à constater; du reste, cette passion est si naturelle!
– N'est-ce pas?
– Que vous devez en être atteint.
– Eh bien! Je vous avoue, seigneurie, que vous avez deviné.
– Voyez-vous, j'en étais sûr.
– Oh! L'or gagné honnêtement.
– Cela va sans dire; ainsi, par exemple, supposons que quelqu'un vous offrit mille piastres pour découvrir le secret du palanquin de don Miguel Ortega.
– Dame! fit le bandit en fixant un clair regard sur l'étranger qui, de son côté, l'examinait attentivement.
– Et si ce quelqu'un, continua don Stefano, vous donnait en sus, comme arrhes du marché, une bague comme celle-ci.
En disant ces paroles, il faisait chatoyer un magnifique diamant aux yeux du bandit.
– J'accepterais, cuerpo de Cristo! s'écria celui-ci avec un accent de convoitise, dussé-je, pour découvrir ce secret, compromettre à jamais la part que j'espère en Paradis!
Don Stefano se tourna vers Balle-Franche.
– Déliez cet homme, dit-il froidement, nous nous entendons.
En se sentant libre, le métis fit un bond de joie.
– La bague! dit-il.
– La voilà, fit don Stefano en la lui remettant, c'est convenu?
Domingo croisa le pouce de sa main droite sur celui de sa main gauche, et redressant fièrement la tête:
– Sur la sainte croix du Rédempteur, dit-il d'une voix ferme et accentuée, je jure de faire tous mes efforts pour découvrir le secret que don Miguel cache si jalousement; je jure de ne jamais trahir le caballero avec lequel je traite en ce moment; ce serment, je le fais devant les trois caballeros ici présents, m'engageant, si je le faussais, à subir sans me plaindre telle peine, fût-ce la mort, qu'il plaira à ces trois caballeros de m'infliger.
Le serment fait par Domingo est le plus redoutable que puisse prononcer un Hispano-américain; il n'y a pas d'exemple qu'il ait été jamais faussé. Don Stefano s'inclina convaincu de la loyauté du bandit.
Soudain plusieurs coups de feu, suivis de cris horribles, éclatèrent à peu de distance.
Balle-Franche tressaillit.
– Don José, dit-il à l'étranger en lui posant la main sur l'épaule, Dieu nous favorise; retournez au camp: la nuit prochaine, je vous apprendrai probablement du nouveau.
– Mais ces coups de feu?
– Ne vous en inquiétez pas, retournez au camp, vous dis-je, et laissez-moi agir.
– Allons, puisque vous le voulez, je me retire.
– A demain?
– A demain.
– Et moi? fit Domingo, caramba, compagnons, si vous allez jouer du couteau, ne pourriez-vous pas me prendre avec vous?
Le vieux chasseur le regarda attentivement.
– Eh! fit-il au bout d'un instant, votre idée n'est pas mauvaise, venez donc puisque vous le désirez.
– A la bonne heure donc, voilà un prétexte tout trouvé pour justifier mon absence.
Don Stefano sourit; après avoir une dernière fois rappelé à Balle-Franche leur rendez-vous pour la nuit suivante, il quitta le buisson et se dirigea vers le camp.
Les deux chasseurs et le métis demeurèrent seuls.
IV.
Indiens et chasseurs
A l'endroit où se trouvaient les trois chasseurs, nous l'avons dit déjà, le Río Colorado formait une large nappe, dont les eaux argentées serpentaient à travers une contrée superbe et pittoresque.
Parfois, sur l'une ou l'autre rive, le sol s'élevait presque subitement en montagnes hardies d'un aspect grandiose; d'autres fois il se déroulait en rives de fraîches et riantes prairies couvertes d'une luxuriante végétation, ou en vallons gracieux et ondulés, fourrés d'arbres de toutes sortes.
C'était dans l'un de ces vallons que la pirogue de Balle-Franche avait abordé; abrités de toutes parts par les hautes futaies qui les enveloppaient d'un épais rideau de verdure, les chasseurs auraient échappé, même pendant le jour, aux investigations des curieux ou des indiscrets qui auraient tenté de les surprendre à cette heure avancée de la nuit, aux rayons tremblotants de la lune, qui ne parvenaient jusqu'à eux que tamisés par le dôme de feuilles qui les cachait; ils pouvaient se considérer comme étant complètement en sûreté.
Rassuré par la force de sa position. Balle-Franche, dès que don Stefano l'eut quitté, dressa son plan de campagne avec cette lucidité que peut seule donner une longue habitude de la vie du désert.
– Compagnon, dit-il au métis, connaissez-vous la Prairie?
– Pas autant que vous certainement, vieux trappeur, répondit modestement celui-ci; mais assez cependant pour vous être d'un bon secours dans l'expédition que vous voulez tenter.
– J'aime cette façon de répondre, elle dénote le désir de bien faire; écoutez-moi attentivement: la couleur de mes cheveux et les rides qui sillonnent mon visage vous disent assez que je dois posséder une certaine expérience; ma vie entière s'est écoulée dans