L'éclaireur. Aimard Gustave

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L'éclaireur - Aimard Gustave

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comme des damnés; ils semblaient vouloir ne laisser aucun recoin, si secret qu'il fût, sans l'avoir visité avec soin; il est vrai qu'en agissant ainsi ils ne faisaient que se conformer aux ordres de leur chef.

      Les religieuses, accoutumées au calme et au silence, ne tardèrent pas à se réveiller à ce bruit, qu'elles crurent un moment causé par un tremblement de terre; elles s'étaient précipitamment jetées à bas de leurs couchettes, et à peine vêtues étaient venues, comme une nichée de colombes effrayées, se réfugier vers la cellule de l'abbesse en poussant des cris d'effroi épouvantables.

      La supérieure, partageant l'erreur de ses religieuses, était parvenue à ouvrir sa porte, réunissant son troupeau autour d'elle, elle s'avança résolument vers l'endroit d'où partait le bruit, s'appuyant majestueusement sur sa crosse abbatiale.

      Soudain elle aperçut une bande de démons masqués, criant, hurlant et brandissant des armes de toutes sortes. Mais avant qu'elle eut jeté un cri, don Toribio s'élança vers elle.

      – Point de bruit, dit-il, nous ne voulons pas vous faire du mal; nous venons, au contraire, réparer celui que vous avez fait.

      Muettes de terreur à la vue de tant d'hommes masqués, les femmes étaient restées comme pétrifiées.

      – Que voulez-vous de moi? balbutia la supérieure d'une voix tremblante.

      – Vous allez le savoir, répondit le chef; et se tournant vers un de ses hommes: Les mèches soufrées, dit-il.

      Un bandit lui apporta silencieusement ce qu'il demandait.

      – Maintenant, écoutez-moi avec attention, señora. Hier une novice de votre couvent qui, il y a quelques jours, avait refusé de prendre le voile, est morte subitement.

      La supérieure promena un regard de commandement autour d'elle, puis s'adressant à l'homme qui lui parlait:

      – Je ne sais ce que vous voulez dire, répondit-elle avec assurance.

      – Fort bien, je m'attendais à cette réponse. Je continue: cette novice, âgée à peine de seize ans, se nommait doña Laura de Acévedo y Real del Monte; elle appartenait à l'une des premières familles de la République; ce matin ses obsèques ont eu lieu avec tout le cérémonial usité en pareil cas, dans l'église même de ce couvent; puis son corps à été descendu en grande pompe dans les caveaux réservés à la sépulture des religieuses.

      Il s'arrêta en fixant à travers son masque sur la supérieure des yeux qui lançaient des éclairs.

      – Je vous répète que je ne sais ce que vous voulez dire, répondit-elle froidement.

      – Ah! Fort bien, écoutez encore ceci, señora, et faites-en votre profit, car vous êtes tombée, je vous le jure, entre les mains d'hommes qui ne vous feront pas grâce et ne se laisseront attendrir ni par vos larmes, ni par vos cris de douleur, si vous les obligez à en venir à certaines extrémités.

      – Vous ferez ce que bon vous semblera, répondit la supérieure toujours impassible; je suis entre vos mains; je sais que je n'ai pour le moment du moins nul secours à attendre de qui que ce soit, Dieu me donnera la force de souffrir le martyre.

      – Madame, répondit don Toribio en ricanant, vous blasphémez en ce moment: c'est un péché mortel que vous commettez sciemment, mais peu m'importe, ce sont vos affaires. Voici les miennes: vous allez à l'instant m'indiquer l'entrée des caveaux et l'endroit ou repose doña Laura Acévedo; j'ai juré d'enlever son corps d'ici, coûte que coûte. J'accomplirai mon serment, quoi qu'il arrive; si vous consentez à ce que je vous demande, mes compagnons et moi, nous nous retirerons en enlevant le corps de la pauvre morte, mais sans toucher à une épingle des richesses immenses que renferme ce couvent.

      – Et si je refuse, répondit-elle avec hauteur.

      – Si vous refusez, reprit-il en appuyant sur chaque mot, comme s'il avait voulu mieux les faire comprendre à son interlocutrice, le couvent sera pillé, ces blanches colombes deviendront la proie du démon, ajouta-t-il avec un geste qui fit frémir de terreur les religieuses, et vous, je vous appliquerai à une certaine torture qui, je n'en doute pas, vous déliera la langue.

      L'abbesse sourit avec mépris.

      – Commencez par moi, dit-elle.

      – C'est aussi mon intention; allons, ajouta-t-il d'une voix rude, à la besogne!

      Deux hommes s'avancèrent et s'emparèrent de la supérieure; celle-ci n'essaya aucunement de se défendre. Elle demeura immobile, impassible en apparence; cependant un froncement imperceptible de ses sourcils témoignait de l'émotion intérieure qu'elle éprouvait.

      – C'est votre dernier mot, señora, demanda don Toribio?

      – Faites votre office, bourreaux, répondit-elle avec mépris, essayez de vaincre la volonté d'une vieille femme.

      – C'est ce que nous allons faire; allez! commanda-t-il.

      Les deux bandits se mirent en devoir d'obéir à leur chef.

      – Arrêtez, au nom du Dieu vivant! s'écria une jeune fille en se précipitant résolument devant la supérieure et repoussant les bandits.

      Cette jeune fille était la novice avec laquelle causait l'abbesse au moment de l'invasion du couvent.

      Il y eut une seconde d'hésitation suprême.

      – Taisez-vous, je vous l'ordonne, s'écria l'abbesse; laissez-moi souffrir, Dieu nous voit.

      – C'est justement parce qu'il nous voit que je parlerai, répondit péremptoirement la jeune fille, c'est lui qui a envoyé ici ces hommes que je ne connais pas pour empêcher un grand crime. Suivez-moi, caballeros, vous n'avez pas un instant à perdre, je vais vous conduire aux caveaux.

      – Malheureuse! reprit l'abbesse en se débattant avec rage entre les mains de ceux qui la contenaient, malheureuse, c'est sur toi que retombera ma colère.

      – Je le sais, répondit tristement la jeune fille, mais aucune considération personnelle ne m'empêchera d'accomplir un devoir sacré.

      – Bâillonnez cette vieille coquine! Il faut en finir! ordonna le chef.

      L'ordre fut immédiatement exécuté; malgré sa résistance désespérée la supérieure fut en quelques minutes réduite à l'impuissance.

      – Qu'un de vous la garde, continua don Toribio, et au moindre geste suspect, faites-lui sauter la cervelle. Puis changeant de ton et s'adressant à la novice: Mille fois merci, señorita, dit-il d'une voix émue, terminez ce que vous avez si bien commencé, guidez-nous vers ces redoutables caveaux.

      – Venez! répondit-elle en se mettant à leur tête.

      Les bandits, devenus sages tout à coup, la suivirent silencieusement, avec les marques du plus profond respect.

      Sur un ordre péremptoire de don Toribio, les religieuses, rassurées désormais, s'étaient dispersées et étaient rentrées dans leurs cellules.

      Pendant qu'ils traversaient les corridors, don Toribio s'approcha de la jeune fille et prononça à son oreille deux ou trois mots qui la firent tressaillir.

      – Ne craignez rien, ajouta-t-il, j'ai voulu seulement vous prouver que je savais tout; je ne

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