La Comédie humaine, Volume 4. Honore de Balzac

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La Comédie humaine, Volume 4 - Honore de Balzac страница 26

La Comédie humaine, Volume 4 - Honore de Balzac

Скачать книгу

par Calyste, elle allait perdre sa propre estime; car, là où commence le mensonge, commence l'infamie. Elle avait donné des droits à Calyste, et nul pouvoir humain ne pouvait empêcher le Breton de se mettre à ses pieds et de les arroser des larmes d'un repentir absolu. Beaucoup de gens s'étonnent de l'insensibilité glaciale sous laquelle les femmes éteignent leurs amours; mais si elles n'effaçaient point ainsi le passé, la vie serait sans dignité pour elles, elles ne pourraient jamais résister à la privauté fatale à laquelle elles se sont une fois soumises. Dans la situation entièrement neuve où elle se trouvait, Béatrix eût été sauvée si La Palférine fût venu; mais l'intelligence du vieil Antoine la perdit.

      En entendant une voiture qui arrêtait à la porte, elle dit à Calyste: – Voilà du monde! et elle courut afin de prévenir un éclat.

      Antoine, en homme prudent, dit à Charles-Édouard qui ne venait pas pour autre chose que pour entendre cette parole: – Madame la marquise est sortie!

      Quand Béatrix apprit de son vieux domestique la visite du jeune comte et la réponse faite, elle dit: « – C'est bien!» et rentra dans son salon en se disant: – «Je me ferai religieuse!»

      Calyste, qui s'était permis d'ouvrir la fenêtre, aperçut son rival.

      – Qui donc est venu? demanda-t-il.

      – Je ne sais pas, Antoine est encore en bas.

      – C'est La Palférine…

      – Cela pourrait être…

      – Tu l'aimes, et voilà pourquoi tu me trouves des torts, je l'ai vu!..

      – Tu l'as vu!..

      – J'ai ouvert la fenêtre…

      Béatrix tomba comme morte sur son divan. Alors elle transigea pour avoir un lendemain; elle remit le départ à huit jours sous prétexte d'affaires, et se jura de défendre sa porte à Calyste si elle pouvait apaiser La Palférine, car tels sont les épouvantables calculs et les brûlantes angoisses que cachent ces existences sorties des rails sur lesquels roule le grand convoi social.

      Lorsque Béatrix fut seule, elle se trouva si malheureuse, si profondément humiliée, qu'elle se mit au lit: elle était malade; le combat violent qui lui déchirait le cœur lui parut avoir une réaction horrible, elle envoya chercher le médecin; mais en même temps, elle fit remettre chez La Palférine la lettre suivante, où elle se vengea de Calyste avec une sorte de rage.

      «Mon ami, venez me voir, je suis au désespoir. Antoine vous a renvoyé quand votre arrivée eût mis fin à l'un des plus horribles cauchemars de ma vie en me délivrant d'un homme que je hais, et que je ne reverrai plus jamais, je l'espère. Je n'aime que vous au monde, et je n'aimerai plus que vous, quoique j'aie le malheur de ne pas vous plaire autant que je le voudrais…»

      Elle écrivit quatre pages qui, commençant ainsi, finissaient par une exaltation beaucoup trop poétique pour être typographiée, mais où Béatrix se compromettait tant qu'elle la termina par: «Suis-je assez à ta merci? Ah! rien ne me coûtera pour te prouver combien tu es aimé.» Et elle signa, ce qu'elle n'avait jamais fait ni pour Calyste ni pour Conti.

      Le lendemain, à l'heure où le jeune comte vint chez la marquise, elle était au bain; Antoine le pria d'attendre. A son tour, il fit renvoyer Calyste, qui, tout affamé d'amour, vint de bonne heure, et qu'il regarda par la fenêtre au moment où il remontait en voiture désespéré.

      – Ah! Charles, dit la marquise en entrant dans son salon, vous m'avez perdue!..

      – Je le sais bien, madame, répondit tranquillement La Palférine. Vous m'avez juré que vous n'aimiez que moi, vous m'avez offert de me donner une lettre dans laquelle vous écririez les motifs que vous auriez de vous tuer, afin qu'en cas d'infidélité je pusse vous empoisonner sans avoir rien à craindre de la justice humaine, comme si des gens supérieurs avaient besoin de recourir au poison pour se venger. Vous m'avez écrit: Rien ne me coûtera pour te prouver combien tu es aimé!… Eh! bien, je trouve une contradiction dans ce mot: Vous m'avez perdue! avec cette fin de lettre… Je saurai maintenant si vous avez eu le courage de rompre avec du Guénic…

      – Eh bien! tu t'es vengé de lui par avance, dit-elle en lui sautant au cou. Et, de cette affaire-là, toi et moi nous sommes liés à jamais…

      – Madame, répondit froidement le prince de la Bohême, si vous me voulez pour ami, j'y consens; mais à des conditions…

      – Des conditions?

      – Oui, des conditions que voici. Vous vous réconcilierez avec monsieur de Rochefide, vous recouvrerez les honneurs de votre position, vous reviendrez dans votre bel hôtel de la rue d'Anjou, vous y serez une des reines de Paris: vous le pourrez en faisant jouer à Rochefide un rôle politique et en mettant dans votre conduite l'habileté, la persistance que madame d'Espard a déployée. Voilà la situation dans laquelle doit être une femme à qui je fais l'honneur de me donner…

      – Mais vous oubliez que le consentement de monsieur de Rochefide est nécessaire.

      – Oh! chère enfant! répondit La Palférine, nous vous l'avons préparé, je lui ai engagé ma foi de gentilhomme que vous valiez toutes les Schontz du quartier Saint-Georges, et vous me devez compte de mon honneur…

      Pendant huit jours, tous les jours, Calyste alla chez Béatrix dont la porte lui fut refusée par Antoine, qui prenait une figure de circonstance pour dire: «Madame la marquise est dangereusement malade.» De là, Calyste courait chez La Palférine dont le valet de chambre répondait: «Monsieur le comte est à la chasse!» Chaque fois le Breton laissait une lettre pour La Palférine.

      Le neuvième jour Calyste, assigné par un mot de La Palférine pour une explication, le trouva, mais en compagnie de Maxime de Trailles, à qui le jeune roué voulait donner sans doute une preuve de son savoir-faire en le rendant témoin de cette scène.

      – Monsieur le baron, dit tranquillement Charles-Édouard, voici les six lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, elles sont saines et entières, elles n'ont pas été décachetées, je savais d'avance ce qu'elles pouvaient contenir en apprenant que vous me cherchiez partout, depuis le jour que je vous ai regardé par la fenêtre quand vous étiez à la porte d'une maison où la veille j'étais à la porte quand vous étiez à la fenêtre. J'ai pensé que je devais ignorer des provocations malséantes. Entre nous, vous avez trop de bon goût pour en vouloir à une femme de ce qu'elle ne vous aime plus. C'est un mauvais moyen de la reconquérir que de chercher querelle au préféré. Mais, dans la circonstance actuelle, vos lettres étaient entachées d'un vice radical, d'une nullité, comme disent les avoués. Vous avez trop de bon sens pour en vouloir à un mari de reprendre sa femme. Monsieur de Rochefide a senti que la situation de la marquise était sans dignité. Vous ne trouverez plus madame de Rochefide rue de Chartres, mais bien à l'hôtel de Rochefide, dans six mois, l'hiver prochain. Vous vous êtes jeté fort étourdiment au milieu d'un raccommodement entre époux que vous avez provoqué vous-même en ne sauvant pas à madame de Rochefide l'humiliation qu'elle a subie aux Italiens. En sortant de là, Béatrix, à qui j'avais porté déjà quelques propositions amicales de la part de son mari, me prit dans sa voiture et son premier mot fut alors: – Allez chercher Arthur!..

      – Oh! mon Dieu!.. s'écria Calyste, elle avait raison, j'avais manqué de dévouement.

      – Malheureusement, monsieur, ce pauvre Arthur vivait avec une de ces femmes atroces, la Schontz, qui, depuis longtemps, se voyait d'heure en heure sur le point d'être quittée. Madame Schontz, qui, sur la foi du teint de Béatrix, nourrissait le

Скачать книгу