La Comédie humaine, Volume 4. Honore de Balzac
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– C'est des giries tout cela, dit-elle. Cela ne vous empêchera pas de vous raccommoder avec votre femme, et vous ferez bien.
Arthur et Aurélie se quittèrent sur ce dialogue formidable, lui pour aller jouer et dîner au club, elle pour s'habiller et passer la soirée en tête-à-tête avec Fabien.
Monsieur de Rochefide trouva Maxime au club, et se plaignit en homme qui sentait arracher de son cœur une félicité dont les racines y tenaient à toutes les fibres. Maxime écouta les doléances du marquis comme les gens polis savent écouter, en pensant à autre chose.
– Je suis homme de bon conseil en ces sortes de matières, mon cher, lui répondit-il. Eh bien, tu fais fausse route en laissant voir à Aurélie combien elle t'est chère. Laisse-moi te présenter à madame Antonia. C'est un cœur à louer. Tu verras la Schontz devenir bien petit garçon… elle a trente-sept ans, ta Schontz, et madame Antonia n'a pas plus de vingt-six ans! et quelle femme! elle n'a pas d'esprit que dans la tête, elle!.. C'est d'ailleurs mon élève. Si madame Schontz reste sur les ergots de sa fierté, sais-tu ce que cela voudra dire?..
– Ma foi, non.
– Qu'elle veut peut-être se marier, et alors rien ne pourra l'empêcher de te quitter. Après six ans de bail, elle en a bien le droit, cette femme… Mais, si tu voulais m'écouter, il y a mieux à faire. Ta femme aujourd'hui vaut mille fois mieux que toutes les Schontz et toutes les Antonia du quartier Saint-Georges. C'est une conquête difficile; mais elle n'est pas impossible, et maintenant elle te rendrait heureux comme un Orgon! Dans tous les cas, il faut, si tu ne veux pas avoir l'air d'un niais, venir ce soir souper chez Antonia.
– Non, j'aime trop Aurélie, je ne veux pas qu'elle ait la moindre chose à me reprocher.
– Ah! mon cher, quelle existence tu te prépares!.. s'écria Maxime.
– Il est onze heures, elle doit être revenue de l'Ambigu, dit Rochefide en sortant.
Et il cria rageusement à son cocher d'aller à fond de train rue de La Bruyère.
Madame Schontz avait donné des instructions précises, et monsieur put entrer absolument comme s'il était en bonne intelligence avec madame; mais, avertie de l'entrée au logis de monsieur, madame s'arrangea pour faire entendre à monsieur le bruit de la porte du cabinet de toilette qui se ferma comme se ferment les portes quand les femmes sont surprises. Puis, dans l'angle du piano, le chapeau de Félicien oublié à dessein fut très maladroitement repris par la femme de chambre, dans le premier moment de conversation entre monsieur et madame.
– Tu n'es pas allée à l'Ambigu, mon petit?
– Non, mon cher, j'ai changé d'avis, j'ai fait de la musique.
– Qui donc est venu te voir?.. dit le marquis avec bonhomie en voyant emporter le chapeau par la femme de chambre.
– Mais personne.
Sur cet audacieux mensonge, Arthur baissa la tête, il passait sous les fourches caudines de la Complaisance. L'amour véritable a de ces sublimes lâchetés. Arthur se conduisait avec madame Schontz comme Sabine avec Calyste, comme Calyste avec Béatrix.
En huit jours, il se fit une métamorphose de larve en papillon chez le jeune, spirituel et beau Charles-Édouard, comte Rusticoli de La Palférine, le héros de la Scène intitulée Un Prince de la Bohême (voir les Scènes de la vie Parisienne), ce qui dispense de faire ici son portrait et de peindre son caractère. Jusqu'alors il avait misérablement vécu, comblant ses déficits par une audace à la Danton; mais il paya ses dettes, puis il eut, selon le conseil de Maxime, une petite voiture basse, il fut admis au Jockey-club, au club de la rue de Grammont, il devint d'une élégance supérieure; enfin il publia dans le Journal des Débats une nouvelle qui lui valut en quelques jours une réputation comme les auteurs de profession ne l'obtiennent pas après plusieurs années de travaux et de succès, car il n'y a rien de violent à Paris comme ce qui doit être éphémère. Nathan, bien certain que le comte ne publierait jamais autre chose, fit un tel éloge de ce gracieux et impertinent jeune homme chez madame de Rochefide, que Béatrix aiguillonnée par la lecture de cette nouvelle manifesta le désir de voir ce jeune roi des truands de bon ton.
– Il sera d'autant plus enchanté de venir ici, répondit Nathan, que je le sais épris de vous à faire des folies.
– Mais il les a toutes faites, m'a-t-on dit.
– Toutes, non, répondit Nathan, il n'a pas encore fait celle d'aimer une honnête femme.
Six jours après le complot ourdi sur le boulevard des Italiens entre Maxime et le séduisant comte Charles-Édouard, ce jeune homme à qui la nature avait donné sans doute par raillerie une figure délicieusement mélancolique, fit sa première invasion au nid de la colombe de la rue de Chartres, qui, pour cette réception, prit une soirée où Calyste était obligé d'aller dans le monde avec sa femme. Lorsque vous rencontrerez La Palférine ou quand vous arriverez au Prince de la Bohême, dans le troisième Livre de cette longue histoire de nos mœurs, vous concevrez parfaitement le succès obtenu dans une seule soirée par cet esprit étincelant, par cette verve inouïe, surtout si vous vous figurez le bien-jouer du cornac qui consentit à le servir dans ce début. Nathan fut bon camarade, il fit briller le jeune comte, comme un bijoutier montrant une parure à vendre en fait scintiller les diamants. La Palférine se retira discrètement le premier, il laissa Nathan et la comtesse ensemble, en comptant sur la collaboration de l'auteur célèbre, qui fut admirable. En voyant la marquise abasourdie, il lui mit le feu dans le cœur par des réticences qui remuèrent en elle des fibres de curiosité qu'elle ne se connaissait pas. Nathan fit entendre ainsi que l'esprit de La Palférine n'était pas tant la cause de ses succès auprès des femmes que sa supériorité dans l'art d'aimer, et il le grandit démesurément.
C'est ici le lieu de constater un nouvel effet de cette grande loi des Contraires qui détermine beaucoup de crises du cœur humain et qui rend raison de tant de bizarreries, qu'on est forcé de la rappeler quelquefois, tout aussi bien que la loi des Similaires. Les courtisanes, pour embrasser tout le sexe féminin qu'on baptise, qu'on débaptise et rebaptise à chaque quart de siècle, conservent toutes au fond de leur cœur un florissant désir de recouvrer leur liberté, d'aimer purement, saintement et noblement un être auquel elles sacrifient tout (Voir Splendeurs et Misère des courtisanes). Elles éprouvent ce besoin antithétique avec tant de violence, qu'il est rare de rencontrer une de ces femmes qui n'ait pas aspiré plusieurs fois à la vertu par l'amour. Elles ne se découragent pas malgré d'affreuses tromperies. Au contraire, les femmes contenues par leur éducation, par le rang qu'elles occupent, enchaînées par la noblesse de leur famille, vivant au sein de l'opulence, portant une auréole de vertus, sont entraînées, secrètement bien entendu, vers les régions tropicales de l'amour. Ces deux natures de femmes si opposées ont donc au fond du cœur, l'une un petit désir de vertu, l'autre ce petit désir de libertinage que J. – J. Rousseau le premier a eu le courage de signaler. Chez l'une, c'est le dernier reflet du rayon divin qui n'est pas encore éteint; chez l'autre, c'est le reste de notre boue primitive. Cette dernière griffe de la bête fut agacée,