L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793. Joseph Bertrand

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L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793 - Joseph Bertrand

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style="font-size:15px;">      Vers l’année 1726, Julien et Pierre Leroy et Henri Sulli, célèbres tous trois dans l’histoire de l’horlogerie, instituèrent des conférences réglées sur les moyens de perfectionner leur art. Ils s’associèrent Clairaut père et fils et un fabricant d’instruments mathématiques, nommé Jacques Lemaire, et convinrent de se réunir tous les dimanches dans le jardin du Luxembourg; tout marcha bien pendant l’été; mais, à la mauvaise saison, il fallut chercher un autre asile; on le trouva dans la cour du Dragon, chez un M. Puisieux, qui devint membre de la société, à laquelle Degua, Nollet, La Condamine, Grand Jean Fouchy, Renard du Tosta directeur de la Monnaie, le célèbre orfévre Germain et le compositeur Rameau, se joignirent bientôt en l’engageant à étendre ses études et ses travaux à la totalité des arts et à augmenter encore le nombre des associés. La compagnie, selon les habitudes du temps, devait avoir un protecteur; on s’adressa au comte de Clermont, qui, flatté de ce rôle, offrit pour les séances une salle de son palais et obtint la permission royale, qui fut donnée en 1730. La société, devenue de plus en plus importante et honorée des fréquentes visites du prince de Clermont, se partagea, comme l’Académie, en honoraires et en associés, forma comme elle des sections, et nomma même des correspondants. L’un d’eux fut l’astronome danois Horrebow qui, dans son livre intitulé Basis astronomiæ, imprimé en 1735, à Copenhague, prend le titre de membre de la Société des arts de Paris. Réaumur et Dufay, inquiets des succès et de l’influence d’une compagnie nouvelle, proposèrent au prince de Clermont, dont ils étaient connus, que l’Académie s’engageât à choisir, autant qu’il se pourrait, ses sujets parmi les théoriciens de la société, à la condition de les posséder tout entiers en les autorisant seulement à garder dans l’autre compagnie le titre de vétéran. Un tel arrangement n’était pas acceptable et fut rejeté; les deux académiciens déclarèrent alors nettement qu’ils feraient tomber la société. Leur moyen fut très-simple: L’Académie s’adjoignit successivement La Condamine, Clairaut, Fouchy, Nollet et Degua en leur imposant l’obligation d’opter. L’effet ne se fit pas attendre, et la Société des arts, privée de ses membres les plus actifs, ne tarda pas à s’affaiblir et à tomber complétement, sans avoir produit aucune œuvre qui en perpétuât le souvenir.

      L’Académie, outre les 36,000 livres destinées aux pensions, recevait, chaque année, sur le trésor royal une allocation de 12,000 livres attribuée aux dépenses générales et aux expériences jugées utiles mais employée, en grande partie, à aider ou à secourir les pensionnaires ou les associés les plus pauvres ou les plus en faveur.

      Ces fonds bien insuffisants paraissent d’ailleurs avoir été, pendant longtemps au moins, administrés avec beaucoup de désordre. Une fois, par exception, en 1725, le maréchal de Tallard, président de l’Académie, avant d’approuver les dépenses, voulut en connaître le détail; peu satisfait d’un premier examen, il nomma une commission dans laquelle siégeaient l’abbé Bignon, Réaumur et Cassini; leur rapport est réellement curieux:

      «Les registres du sieur Couplet, trésorier de l’Académie, disent les commissaires, n’ont aucune forme de livre de comptable. Il rapporte uniquement les articles de dépense, sans faire aucune mention de la recette, et c’est ou une ignorance inexcusable de sa part, ou une affectation très-suspecte pour éviter l’examen de ses comptes; mais, outre ce défaut essentiel dans la forme, il y a si peu de règle dans la dépense, qu’il paroist que ledit sieur Couplet a disposé entièrement à sa fantaisie de la pluspart des fonds qu’il a reçus, comme si ç’eût été son propre bien; il a augmenté de sa propre authorité les gages de son domestique, qu’il a portés de 364 à 500 livres. L’entretien de la salle des machines, qui, du temps du feu sieur Couplet père et prédécesseur, n’alloit qu’à 5 livres, il le porte à 50 livres par quartier; pour l’entretien d’un miroir ardent, il fait monter la dépense, dans une année, à environ 500 livres, et l’on ne peut s’empêcher de remarquer, à cette occasion, une chose honteuse pour l’Académie et pourtant de notoriété publique: c’est l’argent qu’il souffre que son mestique exige de tous ceux qui vont voir cette salle des machines.

      «Presque tous les articles de dépense en général sont si excessivement enflés, qu’il y en a qu’il porte au delà de trente et quarante fois leur juste valeur, comme pour le papier, plumes et ancre, etc.

      «On peut assurer qu’il n’y a jamais eu de registre aussi mal tenu pour la forme et si deffectueux dans le fond. On peut réduire à quatre principaux chefs les observations des commissaires.

      «Le premier regarde l’employ des deniers du roy, fait pour le propre usage du sieur Couplet, sans qu’il puisse produire aucun ordre qui l’authorise. Cet article seul monte à la somme de douze mil quatre cent dix sept livres dix sols; laquelle somme il a employée en batimens, remises, grenier, mur de jardin, remuage de terre faits à l’observatoire pour son usage particulier. Le tout sans qu’il produise aucun ordre pour cette dépense entièrement inutile, d’autant plus qu’il a encore tout le logement qu’avoit feu son père, lequel s’en est contenté pendant trente années quoy qu’il eut une nombreuse famille, au lieu que le sieur Couplet est seul. D’ailleurs, cette dépense regarde le surintendant des bâtimens du roy et nullement l’Académie. Il est à remarquer que ces dépenses en bâtimens ont été faites dans un tems où les académiciens qui occupent l’observatoire ne pouvoient obtenir qu’on leur fît les réparations les plus pressantes, comme des vitres, couvertures, etc.

      «Le second chef regarde les dépenses faites sous le titre de dépenses extraordinaires, sans qu’il en fasse aucun détail, ny qu’il rapporte aucune preuve justificative; elles montent à la somme de sept mil dix-sept livres quinze sols; on ne sçauroit imaginer en quoy consistent ces dépenses extraordinaires, d’autant plus que, dans des mémoires que l’on a trouvé excessifs et enflés, il a employé en dépense et bien en détail, le papier, les plumes, l’ancre, les ports de lettres, le remuage des poesles, les petites gratifications faites aux suisses dans les assemblées publiques de l’Académie; en un mot, il entre dans une infinité de petits détails et ensuitte il y ajoute cette somme exhorbitante de 7,017 livres 15 sols.

      «Le troisième chef renferme les faux ou doubles employs dont on rapportera icy deux articles: l’un de 1,310 livres pour l’envoy du caffé aux Indes et l’autre de 100 livres pour le congé d’un soldat; ces deux sommes luy ont été fournies en 1718, et, lorsque les commissaires luy ont demandé les preuves de l’envoy de ces sommes, il leur a avoué qu’il n’en avoit point fait d’employ. On pourroit encore mettre au rang des faux employs une somme de 160 livres qu’il dit dans son compte avoir été employée pour faire gobter le mur du côté de l’orient de son nouveau logement, laquelle somme il a avoué depuis n’avoir point employée.

      «Le quatrième chef regarde les diminutions d’espèces dont il demande le remboursement et qu’il fait monter à la somme de six mil cinq cent trente-quatre livres, dont il ne rapporte ny ne peut rapporter aucun procès-verbal, ne tenant aucun registre par recette et dépense; ce qui a empêché les commissaires de pouvoir statuer sur ce qui pouvoit luy être véritablement deu; l’on peut aussi remarquer qu’il passe dans son compte les diminutions, mais qu’il ne parle point des augmentations qui sont arrivées depuis 1718 jusqu’en 1722, lesquelles méritaient bien qu’on y fit quelque attention, puisqu’il y en a eu qui ont porté les espèces au triple de leur ancienne valeur, c’est-à-dire depuis 40 livres le marc d’argent monnoyé jusqu’à 120 livres et l’or à proportion. Il résulte de tous les articles précédens que le sieur Couplet est redevable de vingt-deux mil six cent soixante-trois livres cinq sols pour sommes non payées et qu’il a reçues ou payées non vallablement.»

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