L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793. Joseph Bertrand

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L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793 - Joseph Bertrand

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ne purent être bien énergiques contre un monument dont «le dessein, la grandeur et la solidité lui paraissaient admirables.» La solidité, résultat de l’épaisseur des murs, était un grand inconvénient; elle empêcha l’installation des deux instruments les plus utiles aux observateurs modernes: la lunette méridienne inventée par Roemer et le cercle mural dû à Picard. Tous deux en effet exigent dans la maçonnerie une ouverture continue allant de l’horizon au zénith. Cet inconvénient est tel que cent ans plus tard un des descendants de Cassini proposait pour y remédier de raser l’édifice au niveau du premier étage. Cassini, qui fut le premier directeur de l’Observatoire, cherchait surtout dans la science des résultats isolés et brillants et semblait peu se soucier de préparer par d’obscurs travaux les découvertes de ses successeurs. L’imperfection des instruments de précision devait donc le gêner moins qu’un autre. Mais Picard en souffrit beaucoup, et quoiqu’en restant toujours avec Cassini dans les meilleures relations, il n’obtint que lentement les secours nécessaires pour réaliser ses projets, toujours cependant utilement et largement conçus.

      Les astronomes de l’Académie en attendant l’achèvement de l’œuvre de Perraut ne demeuraient pas inactifs. Louis XIV les avait chargés de mesurer la grandeur de la terre. Picard et Auzout, en exécutant ce travail, introduisirent dans leurs observations un des perfectionnements les plus importants qu’ait reçus depuis deux siècles l’astronomie de précision. Ils appliquèrent pour la première fois les lunettes à la mesure des angles. Cette idée, proposée par Huyghens dans son écrit sur le système de Saturne et perfectionnée par Picard et par Auzout, devait assurer aux observations une exactitude presque illimitée.

      Les lunettes avaient révélé dans le ciel à Galilée, à Kepler et à leurs successeurs d’importants détails invisibles à l’œil nu, mais cette représentation sans réalité, formée par les rayons lumineux après tant de déviations inégales et mal connues, ne semblait pas pouvoir indiquer même approximativement leur direction primitive. La lunette en effet montre à la fois une infinité de points différents; vers lesquels est-elle précisément dirigée?

      Lorsqu’on observe avec une lunette un objet fort éloigné, une étoile par exemple, la lunette montre son image formée au foyer du verre antérieur, nommé objectif, et la position de cette image regardée à travers une loupe, nommée oculaire, varie avec celle de l’œil de l’observateur. Picard pour préciser la direction place dans la lunette, à la distance même où peut se former l’image, deux fils très-fins qui se croisent perpendiculairement; l’observateur, par le déplacement de l’instrument, doit amener le point de croisement à recevoir l’image de l’objet qu’il étudie. Mais il faut deux points pour déterminer une direction, et les deux fils, par leur croisement, n’en donnent qu’un seul. Telle fut l’objection qui, en obscurcissant l’invention de Picard, empêcha toujours le célèbre Hévélius de l’appliquer à ses instruments.

      Picard, exact au fond mais confus dans ses explications, apportait cependant une preuve décisive, je veux dire l’épreuve même. L’ancienne méthode donnait des résultats d’autant plus rapprochés des siens qu’on l’appliquait avec plus d’habileté et de soin. L’ingénieux, académicien avait en effet complétement raison. Lorsque les fils convenablement disposés cachent l’image d’un point éloigné, la ligne dirigée vers l’objet est déterminée et toujours la même dans l’intérieur de la lunette dont elle est l’axe véritable; les points situés sur son prolongement ne sont pas seuls aperçus par l’observateur, mais ils sont seuls visés par l’instrument. Tous les observateurs aujourd’hui profitent de cette invention, et grâce à elle les plus médiocres surpassent Tycho en précision, autant et plus peut-être que Tycho surpassait ses prédécesseurs.

      La position de plusieurs villes du royaume, déterminée astronomiquement par Picard, devait servir à la mesure du méridien. Quelques résultats très-inattendus suggérèrent à l’Académie le dessein plus vaste de les rattacher à un ensemble en construisant une nouvelle carte de France. Cette résolution approuvée par Colbert fut suivie d’un prompt effet. Picard et Lahire commencèrent les travaux sans retard, mais ralentis et interrompus souvent par la nécessité des affaires, ils n’étaient pas fort avancés à la mort de Picard. Cassini eut l’honneur de continuer ce grand ouvrage dont la célèbre carte qui porte son nom et qui fut terminée par son arrière-petit-fils devait être le dernier résultat.

      Lorsqu’une étude entreprise se trouvait terminée ou abandonnée, l’Académie, toujours empressée à passer d’un travail à un autre, avisait aussitôt un but nouveau à atteindre et par des discussions parfois très-prolongées s’efforçait de tracer sa route et d’y régler sa marche à l’avance. C’est ainsi que le 3 novembre 1669, quinze sujets d’expérience et d’étude furent successivement proposés. Presque tous sont insignifiants et je citerai seulement les suivants:

      Faire l’analyse du café et du thé pour savoir pourquoi ils empêchent de dormir.

      Faire l’analyse de l’urine pour savoir ce qui fait sa vertu pour les goutteux et contre les vapeurs.

      Chercher des purgatifs agréables au goût.

      Un autre jour, l’Académie n’ayant rien de mieux à faire, on proposa d’enlever la rate à des chiens, et l’on trouva pour tout résultat qu’ils étaient plus gais et urinaient davantage.

      L’Académie, toujours exacte à faire une expérience au moins dans chaque réunion du samedi, prenait souvent des chiens pour victimes. Plus d’un, piqué par une vipère, servit d’épreuve à la vertu des antidotes réputés efficaces. Ils ne mouraient pas tous, mais l’inégale gravité des morsures et la force plus ou moins grande de l’animal expliquaient suffisamment la différence des résultats. L’Académie, qui revint plus d’une fois sur ces expériences, semblait se plaire à varier le choix des victimes. Un chat fut mordu au ventre; il vivait à la fin de la séance, mais il mourut deux jours après. Une grenouille mordue par une vipère mourut la nuit suivante. Deux vipères mordues par deux autres vipères vivaient encore à la fin de la séance, et le procès-verbal ajoute en post-scriptum: «Elles se portent aujourd’hui fort bien.» Un petit serpent fut également mordu; il mourut le lendemain. Trois pigeons enfin ayant été mordus par trois vipères, les deux premiers moururent, le troisième survécut et assista à la séance suivante où l’on put constater qu’il s’était formé une croûte sur la plaie.

      La question, on le voit, ne faisait pas de grands progrès. Elle fut reprise en 1737 à l’occasion d’un remède proposé par un charlatan et qui fit grand bruit. L’Académie sacrifia encore neuf pigeons, vingt-deux poulets, deux coqs, une oie, deux chats et huit chiens, sans donner de conclusion certaine.

      Dans l’une des séances où périodiquement en quelque sorte, l’Académie ayant épuisé son programme avait à se demander: Qu’allons-nous entreprendre? Picard, après avoir tracé le tableau judicieux des désiderata de l’astronomie, proposa qu’en attendant l’achèvement de l’Observatoire, une commission fût envoyée à Uranibourg pour en déterminer exactement la position et rendre possible la comparaison des tables rudolphines de Tycho Brahé avec les résultats qu’on obtiendrait à Paris. La résolution fut approuvée immédiatement par Colbert, et Picard lui-même partit pour le Danemark. Il devait avant tout déterminer la hauteur du pôle à Uranibourg. En rendant compte des minutieuses précautions dont il s’est entouré, Picard fit connaître, pour la première fois, les singuliers déplacements que quinze ans d’observations lui avaient révélé dans la position de l’étoile polaire et qui l’ont fait toucher de bien près à l’une des grandes découvertes de l’astronomie moderne. Ces inégalités qui lui semblaient inexplicables n’ont plus aujourd’hui rien de mystérieux. Bradley en révélant leur cause a expliqué leur loi. Elles dépendent, en partie au moins, comme il l’a montré avec évidence, de la vitesse de la terre qui, comparable à celle de la lumière, altère inégalement aux diverses époques

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