Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers. Dumesnil Antoine Jules
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Son mérite le fit bientôt distinguer; et, soit qu'on voulût utiliser les dons de son intelligence, soit que ses envieux désirassent l'éloigner pour avoir le champ libre, on lui offrit l'ambassade de Rome. C'était alors, comme aujourd'hui, un poste important, mais difficile, et que la rivalité de la France et de l'Espagne rendait encore plus délicat. Aussi, n'y envoyait-on que les hommes les plus capables et les plus prudents; et lorsqu'ils avaient acquis l'expérience des négociations avec la cour de Rome, il était rare qu'on ne les y laissât pas longtemps. Le jeune Gusman le savait bien: rempli d'ambition, ayant la conscience de sa valeur, et visant déjà, peut-être, à vivre dans la familiarité de l'héritier présomptif de la couronne, il refusa les hautes fonctions qui lui étaient offertes, bien qu'on lui eût promis qu'elles le mèneraient à la Grandesse. Mais il considérait cette ambassade, dit le marquis Malvezzi, comme un temps d'arrêt dans sa carrière49.
Son avenir prouva qu'il avait raison: la fortune se chargea de lui offrir bientôt une nouvelle occasion de se produire, plus en rapport avec son ambition, et qu'il se garda bien de rejeter.
Dès 1612, le prince des Asturies, fils et héritier présomptif de Philippe III, quoiqu'à peine âgé de sept ans50, avait été fiancé à la fille aînée de Henri IV, la princesse Élisabeth, que les Espagnols nommèrent Isabelle. En même temps, le mariage de Louis XIII avait été arrêté avec l'infante Anne d'Autriche, fille aînée de Philippe III. Il entrait alors dans la politique des deux cours de chercher à se rapprocher par des alliances: après les luttes si longues et si acharnées qui, depuis le règne de François Ier jusqu'à la fin de celui de Henri IV, c'est-à-dire pendant près d'un siècle, avaient ensanglanté presque toutes les parties de l'Europe, il était naturel que les deux principaux antagonistes cherchassent à se donner des gages de paix, par l'union de leurs puissantes races. Trois ans plus tard, en novembre 1615, les cours d'Espagne et de France résolurent d'échanger les deux jeunes princesses, livrées, pour ainsi dire, comme des otages de paix. Cet échange eut lieu le 9 novembre, au milieu de la Bidassoa. Pour recevoir la fille de Henri IV avec les honneurs dus à son rang, on avait donné au prince des Asturies une maison composée de l'élite de la noblesse espagnole. Olivarès en faisait partie, comme gentilhomme de la chambre; il avait alors vingt-huit ans. Marié dès 1607 avec Agnès de Zuniga y Velasco, il entrait dans la maison de l'héritier présomptif avec le double appui de son mérite personnel et l'influence de deux puissantes familles. La différence d'âge lui permettait d'ailleurs d'acquérir facilement sur le jeune prince un empire d'autant plus irrésistible, que don Philippe était naturellement apathique. Aussi, la pénétration d'Olivarès, son habileté à flatter les goûts de son maître, lui assurèrent bientôt sur la conduite du prince un ascendant qui ne se démentit pas pendant plus de vingt-cinq années.
Ce ne fut pas toutefois sans éprouver une vive résistance de la part de ses rivaux, qu'il acquit une telle prépondérance. La vengeance et l'assassinat étaient alors admis presque publiquement en Espagne; aussi, le comte fut-il plusieurs fois en butte à des attaques imprévues qui le mirent à deux doigts de sa perte.
Le marquis Malvezzi51 raconte que bien qu'Olivarès n'eût offensé personne, il courut deux fois le danger d'être tué. La première, par quatre assassins qui l'attendaient à sa rentrée chez lui; la seconde, par trois hommes qui suivirent son carrosse, dans lequel il se trouvait seul. «Mais, ajoute-t-il, il fut toujours heureusement préservé, sans qu'il s'aperçût du péril qu'il venait de courir.»
En supposant que les rivalités politiques et les rancunes de l'ambition déçue aient pu inspirer ces vengeances, il est également permis de croire que l'amour et la jalousie ne sont peut-être pas restés étrangers à ces criminelles tentatives. – Voiture pourrait bien donner le mot de cette énigme, lorsqu'il dit d'Olivarès52: «Étant jeune… il fut sans doute le plus galant de la cour, jusqu'à ce qu'il en fût le plus puissant.» On ne doit donc pas s'étonner de voir le plus galant cavalier espagnol, exposé aux vengeances de ses rivaux. Le dominicain Guidi nous expliquera plus tard quelles furent les conséquences de ces galanteries sur la carrière politique du comte-duc.
C'est sans doute à son désir de plaire aux belles de Madrid, qu'il faut rapporter ce que dit le comte de la Rocca, de sa passion pour les vers. «Elle lui dura longtemps; il en fit, dit notre auteur, et très-bien. Mais il eut honte après les avoir faits, les brûla, et condamnait, dans un âge plus avancé, les premières saillies d'un esprit faible et surpris. Il ne pouvait même souffrir qu'avec tant d'ambition il eût logé tant d'amour, et que la gloire eût succédé si tard à sa tendresse… D'autres n'en croient rien et logent ensemble ces deux passions, sur ce que l'une excite l'autre, si l'on se tempère, et s'il est vrai que l'amour délasse souvent un esprit tendu qui ne rumine que de grandes choses53.» Quoi qu'il en soit de cette théorie, Olivarès ne paraît l'avoir suivie que dans sa jeunesse; car l'ambition fut la seule passion dominante de sa vie. Exposé, dans la maison du prince des Asturies, à l'opposition de la princesse Isabelle, aux tiraillements des ministres et favoris du faible Philippe III, le duc de Lerme, le comte de Lemos et d'Uzède, qui se disputaient le pouvoir, le comte, assuré de son influence sur l'héritier présomptif, attendit patiemment la mort du roi. Elle arriva le 31 mai 1621, et, dès ce moment jusqu'en 1643, Olivarès fut le véritable souverain de l'Espagne.
CHAPITRE IV
Avènement de Philippe IV. – Son caractère, son amour des lettres et des arts. – Son talent et son goût pour la peinture, qu'il avait apprise de don Juan Bautista Mayno.
Le jeune monarque, qui venait de succéder à son père, n'avait encore que seize ans; son favori en avait trente-quatre. Celui-ci arrivait au pouvoir, déjà rompu aux intrigues de la cour, et connaissant à fond le caractère et les inclinations du nouveau roi. S'il est vrai de dire que la paresse de ce prince, son apathie, son éloignement des affaires, habilement entretenus à dessein, exercèrent la plus fâcheuse influence sur le gouvernement de l'Espagne, il est encore plus juste de reconnaître, qu'il ne manquait d'aucune des qualités essentielles qui rendent ordinairement un souverain remarquable. Philippe IV était brave, judicieux, prudent, persévérant dans ses entreprises, modéré en toutes choses et nullement cruel. Son flegme et son impassibilité apparente n'étaient qu'un masque, dont il couvrait son visage et sa personne en public, pour ne pas déroger à la dignité, à la majesté royale. Mais, rentré dans ses appartements particuliers, la gravité du descendant de Philippe II faisait place à l'enjouement d'un homme d'esprit qui aimait les arts avec passion, composait des pièces de théâtre, et jouait lui-même des comédies dans lesquelles il ne craignait pas de donner la réplique au grand Calderon. Si ce prince eût appliqué aux affaires publiques les ressources de son intelligence, il aurait certainement occupé dans l'histoire une autre place que celle où il s'est laissé reléguer. Mais sans prétendre excuser son indifférence, l'explication de sa conduite se trouve naturellement dans l'âge auquel il parvint à la couronne. Comment un jeune homme de seize ans, tenu éloigné des choses sérieuses pendant toute la durée du règne de son père, aurait-il pu entreprendre de diriger la politique et le gouvernement de l'Espagne? Cette monarchie avait alors des possessions dans toutes les parties du monde; en Europe, elle voulait se soutenir ou dominer à la fois en Portugal, dans le Milanais, à Naples, en Sicile, en Sardaigne, dans les Pays-Bas et les Flandres, en Artois, dans la Franche-Comté,
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Il était né le 8 avril 1605.
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T. II, p. 272, édit. de M. Ubicini.
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