Histoire des Plus Célèbres Amateurs Étrangers. Dumesnil Antoine Jules
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Pour assurer la durée de son pouvoir, le ministre n'eut qu'à flatter les goûts de son jeune maître, et à lui procurer sans cesse des distractions nouvelles. Parmi celles qui charmaient le mieux le roi, les arts tenaient la première place. Ce prince aimait la peinture avec passion. Selon la coutume établie depuis Charles-Quint, il avait eu pour maître de dessin un artiste distingué, le frère Jean-Baptiste Mayno, religieux dominicain, l'un des meilleurs élèves du Greco, peintre, sculpteur et architecte, lequel, suivant Palomino54, était lui-même élève du Titien.
Le Mayno travailla surtout au couvent de Saint-Pierre martyr à Tolède; il fut également employé à Madrid, et le comte-duc lui fit faire, pour un des salons du Buen Retiro, son principal tableau, la Conquête d'une province de Flandres, maintenant au musée royal de Madrid55. Le frère tira si bien parti des dispositions naturelles de son royal élève, qu'il en fit un amateur des plus distingués, et aussi fort que beaucoup d'artistes. Mais les dessins et les tableaux de Philippe IV n'ont pas été aussi respectés que sa tragédie du comte d'Essex, et que ses comédies56, qui ont été imprimées, et sont restées au répertoire du théâtre espagnol. Les guerres qui ont désolé la Péninsule, tant avant l'avénement de Philippe V, que pendant le premier empire, ont détruit ou dispersé les œuvres dues au crayon et au pinceau du troisième descendant de Charles-Quint. Le mérite de ces ouvrages est attesté par des artistes et des connaisseurs. «Butron57, dit M. William Stirling, dans son livre sur Velasquez et ses ouvrages58, qui publia ses discours apologétiques sur la peinture en 1626, rend témoignage du mérite des nombreux tableaux et dessins du jeune roi. Un de ces derniers, à la plume, esquisse d'un Saint Jean-Baptiste avec l'agneau, ayant été envoyé à Séville, en 1619, par Olivarès, tomba entre les mains du peintre Pacheco, et devint le sujet d'un poëme élogieux, par Jean de Espinosa, qui prédisait, dans le règne du peintre royal, un nouvel âge d'or:
Para animar la lassitud de Hesperia.
Carducho mentionne comme une production remarquable du pinceau royal, une Vierge peinte à l'huile, qui était exposée de son temps dans le salon des joyaux du palais de Madrid, et Palomino note deux tableaux portant la signature de Philippe IV, et placés par Charles II à l'Escurial; probablement les deux petits saints Jean vus par Ponz dans un oratoire, près la chambre du prieur. Un paysage avec ruines, esquissé dans un style franc et spirituel, fut la dernière relique du talent de Philippe IV qui frappa l'œil scrutateur de Cean Bermudez.»
On le voit, le royal élève du Mayno faisait honneur à son maître; heureux si son goût pour le dessin et la peinture ne l'avait pas détourné du gouvernement de son vaste empire. Olivarès, qui connaissait depuis l'enfance du prince des Asturies son inclination à vivre en homme privé plutôt qu'en roi, et à passer ses journées entières à dessiner et à peindre, n'eut garde, pour consolider sa propre prépondérance, de combattre cette disposition. Dès que le prince fut monté sur le trône, le favori s'empressa d'attirer à Madrid les artistes de quelque renom, soit espagnols, soit étrangers, afin de pouvoir procurer à son jeune maître, en lui montrant leurs œuvres, la distraction qu'il préférait à toute autre. Si le ministre fut souvent malheureux dans le choix des vice-rois, des gouverneurs de provinces et des commandants d'armées, le sort lui réserva, comme compensation, l'heureuse chance de trouver un peintre, dont le génie, en illustrant l'école espagnole, devait, pendant plus de trente années, charmer le roi et sa cour.
CHAPITRE V
Les arts à Madrid sous Philippe IV. – Éclat des écoles de Tolède, Valence et Séville. – Vincencio Carducho, Eugenio Caxes et Angelo Nardi, peintres ordinaires du roi.
Madrid, érigée par Charles-Quint en capitale des Espagnes, n'était pas encore, à l'avénement de Philippe IV, la métropole de l'art dans ce pays. Tolède, Valence, et surtout Séville, avaient conservé leurs anciennes écoles de peinture, et les artistes, nés ou élevés dans ces villes ou aux environs, se faisaient comme un devoir et un honneur d'y continuer les traditions qu'ils avaient reçues de leurs maîtres. De son côté, le clergé, tant séculier que régulier de ces grandes cités, siéges d'archevêchés, de couvents nombreux et d'autres établissements religieux aussi riches que puissants, cherchait à y retenir les peintres, les sculpteurs et les architectes. Il s'était établi entre les corporations religieuses des principales églises et des couvents comme une pieuse rivalité: c'était à qui, de Séville ou de Tolède, aurait la plus magnifique cathédrale; les Dominicains de Tolède opposaient aux Chartreux de Séville les peintures du Greco, tandis que ceux-ci se vantaient de posséder les plus belles œuvres du Becerra, de Pablo de Cespedès, de Luis de Vargas. Valence n'était pas moins fière de son Juanès, auquel elle avait décerné le nom de Divin59. La translation de la cour et son établissement permanent à Madrid avaient bien fait construire, dans cette ville et aux environs, des palais et des églises; mais il est à remarquer que ce furent des artistes étrangers, italiens pour la plupart, qui dirigèrent ces travaux, et en décorèrent l'intérieur de fresques, de tableaux et de sculptures. C'est ainsi que Titien envoya de Venise à Philippe II d'immenses toiles, destinées à garnir les murs du réfectoire et des autres salles de l'Escurial; c'est ainsi que, dans le même couvent, l'Italien Crescenzi fut l'architecte du Panthéon, ou nécropole des rois d'Espagne, et que plus tard, le Napolitain Luca Giordano vint décorer les voûtes de l'église vieille de ses fresques immenses, mais sans caractère religieux.
À l'avénement du jeune Philippe IV, les plus célèbres parmi les peintres qui vivaient ordinairement à Madrid, étaient, avec Mayno: Vicencio Carducho, Eugenio Caxes et Angelo Nardi. Ces trois artistes, peintres ordinaires du roi, étaient Italiens soit de naissance, soit d'origine.
Vicencio Carducho, que Palomino qualifie de gentilhombre Florentino, est le plus connu d'entre eux, non parce qu'il fut le plus habile, mais parce qu'il a composé un traité, sous forme de dialogue entre le maître et ses élèves, De l'excellence de la peinture et du dessin, qu'il publia, in-folio, à Madrid en 1633. Cet ouvrage, écrit en espagnol, donne une opinion favorable de son esprit et de son instruction: il est précieux par les renseignements qu'on y trouve sur les œuvres de beaucoup d'artistes espagnols contemporains. Considéré comme peintre, Vicencio Carducho était élève de son frère Barthélémy. «Dans le temps de l'immense construction de l'Escurial, dit Baldinucci60, on fit, par ordre de Philippe II, les plus beaux ornements de peinture et de sculpture que l'on connaisse, et l'on appela, pour les exécuter, un grand nombre d'excellents maîtres dans l'un et l'autre de ces arts. Parmi ceux-ci, on cite Federigo Zuccheri; indépendamment des autres jeunes gens qui l'avaient aidé à peindre la grande coupole de Florence, il emmena avec lui (en Espagne) Bartolommeo Carducci, encore jeune, mais déjà vieux pour l'art. Sous l'Ammanato, à Florence, il avait étudié la sculpture et l'architecture, et avec Zuccheri, il avait appris à peindre à fresque. Arrivé à Madrid, et voyant les grandes occasions qu'on y rencontrait pour travailler, il fit venir de Florence son frère Vincenzio, fort jeune encore, auquel il enseigna son art, et, en peu de temps, il en fit un peintre tellement distingué, que sous les règnes de Philippe III et Philippe IV, il obtint des commandes très-importantes pour embellir les palais royaux. Vincenzio donne lui-même dans son livre61 la description des peintures, tant à fresque qu'à l'huile, qu'il exécuta au palais du Pardo, et dans les galeries, chapelles, salles et autres
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Jean de Butron,
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Palomino, p. 18-19, nº 30.
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