Le Fils de Coralie: Comédie en quatre actes en prose. Delpit Albert

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Le Fils de Coralie: Comédie en quatre actes en prose - Delpit Albert

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compliment. Tu as parlé trois minutes sans dire une bêtise.

UN DOMESTIQUE, annonçant

      Le capitaine Daniel!

GODEFROY

      Enfin!

      SCÈNE IX

Les Mêmes, DANIELGODEFROY

      Vous voici donc, mon cher!

DANIEL, saluant

      Monsieur… (Saluant Césarine.) Je vous présente mes hommages, mademoiselle.

CÉSARINE, sèchement

      Vous êtes bien bon, monsieur. (Elle le lorgne.) Édith l'aime… Il n'a pourtant rien d'extraordinaire.

GODEFROY

      Madame votre tante est arrivée avec vous?

DANIEL

      Oui, monsieur.

GODEFROY

      J'espère que nous aurons bientôt le plaisir de la connaître. Mais pourquoi diable me demander un rendez-vous de façon solennelle? Est-ce que ma maison ne vous est pas ouverte?

DANIEL

      C'est que j'ai à vous parler de choses graves.

GODEFROY, souriant

      Un entretien particulier?

DANIEL

      Oui, monsieur.

CÉSARINE, sèchement

      Je vois que je suis de trop et je me retire.

DANIEL

      Non, mademoiselle; vous êtes la sœur de M. Godefroy, et, comme telle, je vous prie de vouloir bien rester.

BONCHAMP

      Je vous laisse. (A Daniel.) Vous savez que je vous suis acquis, mon cher capitaine. Si vous avez besoin de moi…

DANIEL

      Je le sais, monsieur, et vous remercie du fond du cœur.

Bonchamp sort

      SCÈNE X

DANIEL, GODEFROY, CÉSARINEGODEFROY

      Maintenant que nous sommes entre nous, mon cher ami… Mais asseyez-vous d'abord, je vous prie.

Godefroy et Césarine s'asseyent. – Daniel reste deboutDANIEL

      Quand j'ai eu l'honneur de vous être présenté, il y a deux mois, au bal de la Préfecture, vous avez été assez bon pour m'accueillir de tout cœur. Votre maison m'a été ouverte. Puis, les semaines ont passé, et un jour j'ai senti que je n'avais pu voir mademoiselle votre fille sans l'aimer…

Il s'arrête un peu émuGODEFROY, bas à Césarine

      J'étais sûr qu'il allait faire sa demande!

CÉSARINE, à part

      Décidément, il n'a rien d'extraordinaire.

DANIEL

      Avant d'aller plus loin, monsieur, permettez-moi de vous adresser une question. Dans mes rapports avec vous, ai-je agi autrement que ne doit le faire un galant homme?

GODEFROY, riant

      Quelle idée!

DANIEL

      C'est que plusieurs fois j'ai voulu causer avec vous de ma position, de ma fortune, de ma famille…

GODEFROY

      C'est inutile.

DANIEL

      Permettez-moi d'insister.

GODEFROY

      C'est inutile, vous dis-je! Vous êtes riche, bien de votre personne, officier, décoré, dans une situation superbe…

DANIEL

      Vous m'avez toujours interrompu de cette manière-là! Pourtant aujourd'hui il faut que nous abordions cette question. Ma tante, madame Dubois, est arrivée ce matin à Montauban. Elle viendra vous adresser officiellement une demande en mariage. Auparavant…

GODEFROY

      Auparavant, je n'ai rien à apprendre. Votre vie est au grand jour, n'est-il pas vrai? Vous aimez ma fille, et j'espère qu'elle vous aimera. Que faut-il de plus? Vous êtes d'une famille de paysans, hein? Je l'ai deviné. Que m'importe! Je suis un homme indépendant, au-dessus des préjugés! C'est vous qu'Édith épousera, non votre famille. Si vous étiez pauvre, je vous la donnerais tout de même. (Césarine tousse très fort. Godefroy reprend, avec dignité.) Tu dis?

CÉSARINE

      Je ne dis rien, je tousse. Continue.

GODEFROY

      J'ajouterai même que je voudrais que vous eussiez quelque chose de grave à me confier, capitaine, pour vous prouver le cas que je fais de vous.

DANIEL

      J'ai, en effet, quelque chose de grave à vous confier.

CÉSARINE, à part

      J'en étais sûre!

DANIEL

      Je n'ai pas de famille, monsieur, parce que je n'ai jamais eu ni père ni mère. Je suis enfant naturel.

GODEFROY, se levant

      Enfant naturel!

CÉSARINE, à part

      Tiens! tiens! tiens! il a donc un roman dans sa vie, ce garçon?

GODEFROY

      Enfant naturel! et je ne l'apprends qu'aujourd'hui! Comment! vous êtes venu dans ma maison, vous avez jeté les yeux sur ma fille, et vous n'avez pas eu la sincérité…

DANIEL

      Lorsque j'ai eu l'honneur d'être reçu chez vous, j'ignorais que je dusse aimer mademoiselle votre fille. Je n'avais donc rien à vous confier.

GODEFROY

      Mais depuis, monsieur!

DANIEL

      Depuis, j'ai voulu plusieurs fois aborder cette question, vous m'avez toujours interrompu dès les premiers mots; et tout à l'heure encore.

GODEFROY

      Il fallait insister!

DANIEL

      J'ai cru que vous aviez pris des renseignements. Au régiment, on n'ignore pas mon secret: l'armée est une grande famille dont tous les membres doivent se connaître entièrement, étant solidaires les uns des autres. Le jour où l'on a fait allusion à ma naissance, je l'ai avouée sincèrement, estimant que je n'ai ni à m'en cacher ni à en rougir. Je n'avais pas de nom; j'ai tâché de m'en faire un.

GODEFROY

      Moi, je ne savais rien, monsieur; autrement je vous aurais fait comprendre…

DANIEL

      Que je devais renoncer à l'espoir de votre alliance? Mon Dieu, monsieur, je ne suis pas un enfant, je connais la vie et les hommes: j'ai déjà eu le temps d'en souffrir. Vous entendant constamment parler de votre indépendance d'esprit, j'ai cru que vous vouliez m'indiquer ainsi que la tache de ma naissance n'en était pas une à vos yeux.

GODEFROY

      Certes, monsieur, je suis un esprit libéral, mais…

CÉSARINE, lorgnant Daniel

      Un enfant de l'amour! il est très bien.

DANIEL

      Vous m'avez dit souvent que vous vous mettiez au-dessus des préjugés.

CÉSARINE

      Des préjugés des autres, pas des siens.

GODEFROY

      C'est cela, des préjugés des autres, pas des miens! (Se reprenant.) Qu'est-ce que tu me fais donc dire, Césarine? Je vois que vous ne connaissez pas la province,

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