Pauline, ou la liberté de l'amour. Dumur Louis

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Pauline, ou la liberté de l'amour - Dumur Louis

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et où je lus distinctement ce qui suit: «Mon cher sénateur, j'ai le plaisir de vous annoncer que, sur votre pressante recommandation, Mlle Rébecca, artiste dramatique, vient d'être engagée comme pensionnaire à la Comédie.» La lettre était signée du ministre. Je ne fis ni une, ni deux: «Monsieur, dis-je, une honnête femme n'admet pas dans son intimité un homme qui ose lui déclarer qu'il l'aime, lorsqu'il porte dans sa poche la preuve écrite de ses relations avec une actrice.» Que vouliez-vous qu'il fît? Qu'il trahît! Il n'y manqua pas. Doucement, il reprit ses papiers éparpillés, les rangea dans son portefeuille, puis en choisit un, qu'il me tendit en disant: «Vous m'y forcez, ma chère; ne m'en veuillez pas.» C'était une lettre de mon mari: «Mon cher Sénéchal, mille mercis pour votre aimable intervention. Grâce à vous, ma charmante Rébecca va être au comble de ses vœux. Depuis six mois elle ne rêvait qu'au jour où je lui apporterais, au lieu de bouquet, ce bienheureux engagement…» Bref, il ressortait clairement de ce billet que, loin d'être la maîtresse d'Arthur, Mlle Rébecca était celle de mon mari…

      – Il fallait s'y attendre.

      – Et je m'y attendais si bien, que, le premier moment de surprise passé, j'ai à peine éprouvé l'ombre d'un dépit. Lorsque j'ai revu M. Chandivier, rien n'eût pu lui faire soupçonner que j'étais au courant de son intrigue. Faut-il tout dire? Eh bien, je lui sais un gré infini de ne m'avoir jamais laissé deviner par ses paroles ou sa conduite qu'il possédait une maîtresse. Voilà comme je comprends le mariage! Pensez-vous que cela ne vaut pas mieux que s'il m'eût brutalement annoncé, sous prétexte de franchise, qu'il aimait une autre femme? A ce compte-là, il y aurait bientôt plus de divorces que de mariages!

      – Vous avez raison, Julienne, et vous êtes excellemment conditionnée pour vivre à l'aise dans notre état de société. Que ne suis-je comme vous!

      – Vous y viendrez. En attendant, je compte sur vous pour lundi.

      – Cette représentation au Théâtre-Français? Irez-vous vraiment?

      – J'irai. Ne sera-ce point très amusant de voir Mlle Rébecca? Mon mari m'a beaucoup vanté la pièce: mais je me doute des vraies causes de son subit enthousiasme pour la comédie sérieuse, lui qui, jusqu'à présent, ne fréquentait que les petits théâtres!

      – Et vous êtes décidée à ne lui faire aucune observation?

      – Aucune. Tant qu'il reste correct vis-à-vis de moi et vis-à-vis du monde, je ne saurais lui reprocher de prendre des libertés que je suis la première à revendiquer pour moi-même.

      – C'est bien là l'idéal du mariage moderne, dit Pauline en manière de conclusion.

      Elles causèrent encore de choses et d'autres, puis Julienne se leva pour partir.

      – Bien entendu, ma chère, pas un mot de tout cela à personne. Du reste, je vous sais un tombeau.

      Comme Julienne sortait, Marcelin revenait de l'école.

      – Oh! le bel enfant! C'est votre fils? Comme il a grandi! Je ne le reconnaissais pas.

      Pauline, toute fière, souriait.

      – Il vous ressemble, dit Julienne, mais en homme.

      Elle le regarda, comme si elle le voyait pour la première fois, admirativement. Et, se penchant vers lui:

      – On peut encore vous embrasser, Monsieur?

      L'enfant, rougissant, reçut le baiser de la jeune femme.

      «C'est curieux, pensa Pauline, il me semble que je suis jalouse.»

      Julienne partie, Pauline effaça ce baiser sous les siens. Puis elle s'occupa longuement de son fils, le questionna sur l'emploi de sa journée, causa amicalement avec lui, s'intéressant à ses récits d'école. Attentive et douce, à la fois comme une mère et comme une institutrice, elle lui fit préparer ses devoirs pour le lendemain. Une de ses plus réelles joies était de suivre pas à pas les progrès de cette jeune intelligence. Quand il eut terminé, miss Dobby, sa gouvernante, vint prendre possession de lui pour la leçon d'anglais, et Pauline se trouva de nouveau seule.

      «Hélas! pensa-t-elle, moi aussi je le connais, l'adultère, l'adultère louche, faux, dissimulé, tissu d'expédients infimes et d'abdications de conscience! J'ai savouré jusqu'au cœur ce fruit douceâtre et pervers de l'amour qu'on cache. Je sais ce que c'est que les courses furtives à travers Paris vers l'appartement meublé où, précipitamment, l'on jouit d'un bonheur limité au temps vraisemblable d'une visite à sa couturière; je n'ignore point les rendez-vous élaborés comme les combinaisons d'une diplomatie compliquée; j'ai ressenti les inquiétudes que fait naître tout regard où l'on croit deviner un soupçon! Ah! l'adultère! – car il faut bien lui conserver ce nom à cet amour qui prend les allures du crime – l'adultère m'est familier! L'enfant que je viens de caresser, cet enfant que j'aime, que j'adore, mon enfant, est un enfant adultérin.»

      Et poursuivant le pélerinage de ses souvenirs, avivés encore par la conversation qu'elle venait d'avoir avec Julienne Chandivier, Pauline revécut rapidement l'histoire peu gaie de sa liaison avec le comte Auguste de Hartwald.

      Ce fut à l'époque où, Facial lui devenant odieux, elle s'apercevait amèrement de l'erreur qu'elle avait faite en l'épousant, qu'apparut dans sa vie celui qui allait remuer en son cœur de nouvelles couches de sensibilité. On le lui présenta dans un bal officiel:

      – M. le comte de Hartwald, secrétaire d'ambassade à l'ambassade d'Autriche-Hongrie.

      Au premier regard, il la charma. Elle reçut un petit coup électrique, qu'elle reconnut de suite, quoiqu'elle ne l'eût jamais éprouvé. Facial n'avait pas produit cet effet. Jeune, aimable, élégant, Hartwald exerça sur Pauline une action dont il se rendit compte; et il faut croire qu'à son tour la jeune femme ne lui déplut pas, car il s'occupa de la revoir, lia connaissance avec son mari et ne tarda pas à se faire inviter chez eux.

      Deux mois ne s'étaient pas écoulés depuis leur rencontre, que Pauline devenait sa maîtresse.

      Quelle joie que cette lune de miel de l'adultère, bien plus fertile que l'autre en ivresses aiguës! Dans l'adultère, Pauline mettait de sa volonté, de son désir, de sa personnalité; dans le mariage, elle ne constatait que son inertie, sa faiblesse, son enrôlement. Elle participait à l'adultère; elle subissait le mariage. Cette conviction de la conquête de son indépendance fut si vive, qu'elle en oublia longtemps la fausse position où elle se trouvait, pour ne s'abandonner qu'à son bonheur.

      Elle aimait enfin!

      Lorsqu'elle pensait à ces deux hommes qui la possédaient, et qu'elle mesurait la distance qu'il y avait de la lassitude ressentie avec l'un, au monde de volupté créé par l'autre, elle ne pouvait que s'écrier avec enthousiasme: J'ai trouvé! j'ai trouvé! Sa sensualité avait été éveillée par ce bel Autrichien, au regard velouté, aux gestes résolus. Elle se livrait à lui avec des frémissements de jeunesse, et son être entier fondait sous ses baisers. N'étaient-ce point là ces délices après lesquelles elle avait soupiré si souvent?

      Son âme n'était point non plus étrangère à cette aventure. Hartwald lui devenait cher chaque jour davantage. Elle eût aimé causer longuement avec lui sur mille sujets, afin de pénétrer sa vie intellectuelle; elle eût voulu connaître son cœur et partager sa vie morale. Malheureusement Hartwald ne s'ouvrait guère à elle, soit que son caractère froid, sous son masque aimable, le rendît peu communicatif, soit qu'il ne considérât sa liaison avec Pauline que comme une intrigue sans conséquence. Ce manque de confiance causa un réel chagrin à la jeune femme.

      Lorsqu'elle

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