Nach Paris! Roman. Dumur Louis
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– Eh bien, murmurait Stich en me tapotant de tous les côtés, il me semble que ça va!
– Ça va.
– C'est un peu ample, mais vous serez mieux à votre aise. Vous n'allez pas à la parade, vous allez à la guerre.
Je lui donnai un mark de pourboire, puis j'allai au magasin d'habillement et à l'armurerie toucher le reste de mon équipement. Je choisis un casque, recouvert de sa housse en toile verdâtre, une casquette avec son bandeau rouge et sa cocarde prussienne, un manteau avec sa patte de drap rouge au collet, une paire de demi-bottes de cuir jaune, un havresac avec sa marmite individuelle, ses sachets à vivres, sa toile et ses accessoires de tente, un ceinturon avec ses trois cartouchières, son étui-musette et son petit bidon, un sabre-baïonnette avec son fourreau bruni et sa fausse dragonne aux couleurs du bataillon et de la compagnie, enfin un fusil avec sa lame-chargeur, sa hausse et son curseur. Tout cela avait pris un certain temps et quand je fus de retour chez le feldwebel, j'y trouvai Kœnig qui m'attendait.
– Et maintenant, mein lieber, allons voir le capitaine Kaiserkopf.
Le bureau du capitaine était situé à l'extrémité de l'étage occupé par notre compagnie. Une sentinelle en tenue de guerre, baïonnette au canon, en gardait l'entrée. Au passage de Kœnig, l'homme rectifia la position et présenta l'arme. Nous fûmes reçus dans l'antichambre par l'ordonnance.
– Monsieur le capitaine est-il là?
– A vos ordres, monsieur le lieutenant. Monsieur le capitaine est là, avec le vice-feldwebel Biertümpel.
Nous pénétrâmes dans une grande pièce qui s'éclairait sur la cour principale par deux hautes fenêtres à stores verts. Derrière un bureau de chêne chargé de dossiers, se hérissait, entre une énorme chope de bière et un revolver de gros calibre, une tête étrange et presque monstrueuse. Sous la casquette à visière un front proéminent, bossué, corroyé comme du cuir de botte projetait une paire de formidables sourcils aux soies épaisses et menaçantes. Le nez se gonflait et bourgeonnait entre les poches des yeux et les puissants méplats des joues aux teintes calcinées. Une rude et gigantesque moustache grisonnante boisait entièrement les lèvres et retombait pesamment autour du menton bestial. Le col rouge, érigé entre les pattes d'épaules plates en argent piquées de leurs deux étoiles, soutenait violemment cette figure énergique et féroce.
Je m'étais figé dans une attitude raide, les talons joints, la main gantée à la jugulaire du casque, attendant que le capitaine Kaiserkopf daignât lever les yeux sur moi. Un crayon à la main, il s'occupait à pointer sur un état d'effectifs des noms que lui défilait la voix éraillée du vice-feldwebel Biertümpel:
– Schuhmacher, Hans; Müller, Jakob; Petermann, Otto; Schnupf, Siegfried…
Cela aurait pu durer longtemps ainsi et j'aurais pu l'examiner encore plus en détail, si, ce qui lui arrivait sans doute à intervalles rapprochés, il n'avait éprouvé le besoin de boire. Sa main velue se porta vers l'anse de sa chope, de gros yeux gris de fer se levèrent, roulèrent un instant sous leurs sourcils énormes et se fixèrent sur moi. J'en profitai pour m'annoncer:
– Offiziers-Aspirant Wilfrid Hering!
Il aperçut en même temps Kœnig qui le saluait; il lui tendit deux doigts, puis, montant sa chope à ses lèvres, il y trempa largement sa moustache, tandis que Kœnig prononçait:
– Monsieur le capitaine, l'aspirant Hering est notre meilleur volontaire de la classe 1912. C'est un sujet distingué, qui fera honneur au régiment. Le capitaine Braumüller faisait grand cas de lui.
– Braumüller, Braumüller… grommela le capitaine Kaiserkopf. Ce n'est pas une raison.
– Ce n'est pas une raison, sans doute, monsieur le capitaine, mais c'est une indication.
– Schœn, Schœn. Voyons ses notes, Biertümpel.
Puis tandis que le vice-feldwebel feuilletait en dossier:
– Belle mine, solide gaillard, formula-t-il en me jaugeant de son œil gris. Superbe balafre.
– S'il vous plaît, monsieur le capitaine, croassa le vice-feldwebel en lui présentant la feuille qui me concernait.
Le capitaine Kaiserkopf y plongea le nez.
– Ah! voyons… Einjæhrig-Freiwilliger Wilfrid Hering, c'est bien ça… octobre 1912… stimmt… Tenue, bonne; instruction militaire bonne; baïonette, passable… Ah! ah! il paraît que vous n'êtes pas fort sur la baïonnette? Teufel! voilà qui est mauvais, monsieur Hering, voilà qui est très mauvais! La baïonnette, Donnerwetter! c'est capital. Comment voulez-vous vous en tirer, si vous n'êtes pas fort sur la baïonnette? Vous vous ferez embrocher comme un poulet! Voyons la suite. Vous avez en plusieurs fois des prix de tir; c'est mieux. Vous avez obtenu les aiguillettes de soie avec glands; Schœn. Vous avez été promu exempt au bout de six mois de service et trois mois plus tard sous officier surnuméraire. Vous avez subi avec succès votre examen d'officier de réserve et reçu votre qualification avec la note très bien; ce n'est pas mal… Mais, Donnerwetter! il y a encore quelque chose qui ne me satisfait pas, monsieur Hering, pas du tout…
Il engoula une ample rasade, puis continua:
– Donnerwetter! dis-je, il y a encore quelque chose qui ne me satisfait pas. Vous n'avez pas, monsieur Hering, paraît-il, la voix assez forte pour pousser convenablement notre hourrah national. Cela, monsieur Hering, c'est impardonnable. Ne savez-vous pas. Donnerwetter! que le hourrah allemand est avec la baïonnette allemande le moyen le plus puissant que connaisse notre infanterie pour jeter la terreur dans les rangs de l'ennemi? Un Allemand qui ne sait pas manœuvrer proprement sa baïonnette, ni pousser hardiment son hourrah ne sera jamais qu'un zéro devant le perfide adversaire. Allons, monsieur Hering, criez après moi: Hourrah!
Son organe fit trembler les vitres. Je rassemblai mon énergie et hurlai avec un souffle que je ne me connaissais pas:
– Hourrah!
– Hourrah! nom de Dieu! hourrah!
– Hourrah!
– Cela manque de coffre. Vous ne buvez pas assez de bière, monsieur Hering.
Je songeai à tout ce que j'avais absorbé peu d'heures auparavant, mais je n'en répondis pas moins avec subordination:
– J'en boirai davantage, monsieur le capitaine.
Le lieutenant Kœnig crut bon à ce moment d'intervenir de nouveau:
– Je vous demande la permission d'ajouter, monsieur le capitaine, que l'aspirant Hering est le fils du conseiller de commerce Karl Hering, de la province de Saxe, possesseur de nombreuses fabriques, membre des conseils d'administration de sociétés importantes, grand propriétaire foncier, décoré de l'ordre de l'Aigle Rouge et admis à la fréquentation de la plupart des familles nobles du pays. Le conseiller de commerce Karl Hering est plusieurs fois millionnaire.
Ce petit discours parut faire une certaine impression sur le capitaine Kaiserkopf. Son visage renfrogné se détendit visiblement et il proféra aussi aimablement qu'il lui était possible:
– Je